L’Ardennais Roux, une race qui garde tout son sens
Depuis près de 10 ans, Marie-Catherine et Nicolas élèvent un petit troupeau de moutons, d’une race ancienne et bien de chez nous : l’Ardennais Roux. Décrite comme une race rustique et facile à élever, c’est ce qui a fait pencher le cœur de ces éleveurs.
Marie-Catherine et Nicolas élèvent des Ardennais roux depuis presque 10 ans. Ils ont choisi cette race pour sa rusticité et l’entretien des prairies. - A.B.
Par : Le Sillon Belge
Temps de lecture : 4 minPartage :
Sous les arbres de la ferme du Linciaux et à l’abri des regards se reposent quelques moutons à l’allure bien particulière. Avec leur caractère un peu farouche, il est parfois difficile de les approcher, mais aucun ne refuserait un peu de céréales. Ils s’approchent alors furtivement et se laissent contempler.
Un mouton tout-terrain
D’après l’Association wallonne des éleveurs (Awé), l’Ardennais Roux est une race locale de mouton menacée de disparition en Wallonie, qui peuplait autrefois le Sud de la Meuse, les Ardennes françaises et l’Eifel allemand. Au XIXe siècle, sa présence régresse progressivement suite à l’implantation d’épicéas, pour disparaitre totalement de l’Ardenne fin des années 50. Aujourd’hui, la race fait partie d’un programme de sélection d’Éleveo dans le but de la préserver et de l’améliorer.
Avec sa fine tête rousse, ce mouton est décrit comme une race rustique, capable de se contenter de ressources limitées. Il peut également jouer un rôle dans l’entretien et la valorisation d’espaces naturels, comme les réserves naturelles. Son dos droit, sa taille assez fine, son agilité et sa sobriété alimentaire lui permettent de pâturer des terrains pauvres, humides ou escarpés.
Au-delà de sa rusticité alimentaire, l’Ardennais Roux supporte les conditions climatiques difficiles, est moins sujet aux problèmes de patte et résiste assez bien aux maladies et aux parasites.
De la qualité et du goût
À la ferme de Linciaux, Marie-Catherine et Nicolas élèvent un troupeau de quelques brebis et un bélier. Cela fait presque 10 ans qu’ils sont tombés sous le charme de la race qui correspondait à leur besoin. « Nous cherchions des moutons rustiques, qui demandent moins de soins et qui sont capables d’entretenir nos prairies », explique Marie-Catherine. Elle poursuit « Ils mangent de tout : ils taillent la haie et mangent les orties en fin de saison. Ils nettoient vraiment bien les parcelles ».
Le petit troupeau est élevé essentiellement à l’herbe pour la consommation personnelle de la famille. Nicolas décrit la viande comme naturellement grasse, d’une excellente qualité et au goût exceptionnel. Cependant, l’animal n’est pas conformé et son rendement carcasse est peu élevé. « C’est sûrement l’une des raisons pour lesquelles la race a tant reculé face aux autres comme le Texel ou le Charolais », suppose Nicolas.
Cyril Régibeau, du Service technico-économique de l’Awé, affirme que la production d’agneau représente 15% de la consommation en Belgique. Les races locales moins conformées, telles que l’Ardennais Roux, sont minoritaires face aux importations. Les bouchers sont également beaucoup plus habitués à travailler avec des animaux conformés et avec un rendement plus élevé.
La laine comme paillage
Concernant la laine de l’Ardennais Roux, la couleur varie entre le roux clair et le roux foncé. De qualité assez moyenne, elle doit être longue (6 à 8 cm) et droite, et non courte et frisée, pour correspondre aux critères de la race.
Les moutons de la ferme de Linciaux sont tondus une fois par an. Cette année, le Parc naturel Cœur de Condroz organisait des tontes nomades dans les fermes et chez des particuliers: une équipe de tondeuses professionnelles se charge de la tonte et reprend les toisons pour les valoriser. L’éleveur bénéficie d’un coût de tonte réduit et offre une seconde vie à sa laine.
Marie-Catherine s’est arrangée pour récupérer les «déchets» de laine qui ne peuvent pas être valorisés pour les utiliser comme paillage dans le potager de la ferme. Ce terrain emmuré s’étend sur 28 ares de maraîchage en permaculture. Une mare a également été installée ainsi qu’une serre pour y cultiver des tomates.
Les moutons de la ferme de Linciaux sont tondus une fois par an. Marie-Catherine valorise la laine comme paillage dans le potager de la ferme. - A.B.
« Trop craquant »
Dans un coin du potager se loge une petite cabane. Un logement insolite niché au cœur des fruits et des légumes. « Pour l’équilibre financier du potager, comme la vente des légumes ne suffit pas, nous avons eu l’idée d’y construire une cabane, équipée d’un bain nordique afin d’accueillir quiconque souhaitant un moment de déconnection entouré d’une nature luxuriante», présente Marie-Catherine. « Nous proposons également un repas de la ferme avec les produits du jardin et de l’élevage », poursuit-elle.
Et les moutons là-dedans ? Il constitue l’un des plus gros attraits du gîte, surtout au printemps. Les brebis rousses Ardennaises viennent en chaleur à l’automne et agnèlent, facilement et sans assistance, au printemps. «Les petits agneaux totalement roux sont hyper craquants. Les vidéos que nous en faisons ont beaucoup de succès sur les réseaux sociaux», ajoute Marie-Catherine. Ces agneaux donneront des brebis sans corne ou des mâles pouvant être cornus. Une autre caractéristique particulièrement appréciée chez les mâles, selon Christian Mulders éleveur à Nassogne et membre du Comité Directeur de la Commission Raciale « Ardennais», est la présence d’une crinière autour du cou, qui se compose de laine et d’une grande quantité de jarre, sorte de poil qui rend la laine plus imperméable.
L’Ardennais Roux a donc trouvé sa place dans les prairies de la ferme du Linciaux. Une présence discrète mais essentielle, qui témoigne de l’importance de préserver nos races locales et qui participe à la sauvegarde d’un patrimoine vivant.