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La sauce ne prend plus pour Kraft Heinz

Fin février 2019, le titre Kraft Heinz dégringole en bourse après avoir acté une dépréciation d’actifs pour un montant record de 15.8 milliards de dollars. Derrière cette dépréciation, la politique stratégique de réduction des coûts menée ces dernières années par le groupe a bien évidemment été pointée du doigt.

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E t pour cause, Kraft Heinz qui a été reprise il y a quelques années, s’est vue contrainte et forcée d’adopter une stratégie intitulée « budgétisation sur base zéro » qui impose à ses gestionnaires de justifier la moindre dépense, allant du simple crayon au plus onéreux chariot-élévateur. Cette stratégie qui s’est avérée payante a permis de renforcer les marges de Kraft Heinz et de les placer parmi les meilleures du secteur sur ces dernières années.

Mais dans le même temps, contrôlée par le fonds brésilien 3G Capital et le véhicule d’investissement de Warren Buffett, Berkshire Hathaway, l’entreprise a réduit ses investissements et n’a plus fonctionné que dans cette logique de coûts, pour finir par s’en mordre la queue.

Le consommateur commence à voir rouge

Au-delà d’une lecture économique et financière, cette dépréciation d’actifs s’explique par un phénomène sociologique fondamental et un revers pour l’industrie agro-alimentaire. En nourrissant un modèle purement financier qui a consisté à fournir des protéines alimentaires à des millions de gens, le tout dans l’unique but de maximiser ses économies d’échelle, la stratégie de Kraft Heinz a aujourd’hui atteint ses limites.

D’ailleurs, lorsqu’on observe les dépréciations d’actifs annoncées, on se rend compte qu’elles concernent plus particulièrement des marques emblématiques comme les fromages Kraft ou les hot dogs Oscar Mayer. Ces dépréciations d’un montant record de 15,4 milliards de dollars représentent, à elles seules, l’ensemble des dépréciations du marché américain des produits de consommation courante de 2013 à 2017.

Et si Kraft Heinz n’est pas le premier groupe à connaitre une telle déconvenue, cela confirme clairement un changement fondamental de culture de la part du consommateur. Au fur et à mesure des scandales sanitaires, la méfiance envers la nourriture transformée n’a en effet fait qu’augmenter.

Bernard Keppenne , Chief Economist CBC
Bernard Keppenne , Chief Economist CBC - CBC

Produits locaux et traçables au menu

Kraft Heinz n’a pas su s’adapter à l’évolution des habitudes alimentaires des consommateurs qui consiste à exiger des produits plus sains et moins transformés.

Dans un premier temps, sa réponse a en effet été d’adapter ses recettes pour mieux répondre à l’évolution des goûts mais surtout pour répondre aux préoccupations de santé des consommateurs (moins de sel, moins de calories, produits plus sains…). Mais ces changements sont intervenus trop tard et surtout ils se sont révélés être trop cosmétiques aux yeux des consommateurs qui n’ont donc pas suivi les marques.

Ensuite, toujours pour tenter de reprendre la main, Kraft, comme d’autres groupes d’ailleurs, a investi massivement dans le marketing et a eu tendance à se lancer dans un vaste programme de rachat de marques locales pour compenser le déclin des poids lourds et pour coller au plus près aux attentes des consommateurs. Mais ces derniers sont de moins en moins dupes et ne se laissent pas, ou moins, influencer par ces pratiques. Car il apparait de plus en plus que le consommateur recherche des petites marques tant il attache de plus en plus d’importance à la traçabilité.

La mésaventure de Kraft représente donc bien plus qu’une dépréciation d’actifs et qu’une chute du cours de bourse. Nous assistons bel et bien à une remise en cause du modèle de consommation et à un retour progressif à une tendance qui a le vent en poupe, celle des circuits courts.

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