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«Au nom de la terre», un film implacable sur les affres de l’endettement

Dans son premier film de fiction, inspiré de son histoire familiale, le réalisateur Édouard Bergeon retrace avec force et humanité la chute d’un agriculteur – Guillaume Canet –, enserré dans le terrible engrenage de l’endettement.

Temps de lecture : 3 min

P lusieurs films ces dernières années ont abordé le thème des difficultés dans le monde agricole. « Au nom de la terre », le film du réalisateur Édouard Bergeon qui sortira au cinéma le 9 octobre, apparaît comme à part. Inspiré de sa propre histoire familiale, l’œuvre, sa première de fiction, retrace les étapes amenant à une issue dont on saisit vite qu’elle sera tragique. Face à un destin tracé, l’une des forces du récit est justement de ne pas oublier les moments de joie, ceux où la menace paraît absente, rendant plus douloureux le constat de ce qui a été perdu.

Fils d’agriculteur, Pierre Jarjeau (Guillaume Canet) reprend l’exploitation de son père (Rufus) en 1979, une ferme de 500 brebis. Il revient d’un voyage aux États-Unis, pays où il a vu des ranchs de plus de 10.000 bêtes.

D’une génération à l’autre, l’horizon, déjà, semble ne plus être le même. « Je suis un entrepreneur », affirmera Pierre à plusieurs reprises durant le film. L’attachement à la terre reste intact. « L’important est que ça reste dans la famille », assure le père au moment de céder les rênes. La phrase hantera le récit de bout en bout, symbole de tous les sacrifices consentis pour conserver cette terre qui se confond avec l’histoire familiale.

Plus maître de son destin

Jouant sur les couleurs, le film s’assombrit au fur et à mesure que s’éloigne cette époque où tout semblait encore possible. Pierre et sa compagne Claire (Veerle Baetens), élèvent leurs deux enfants dont l’aîné, Thomas (Anthony Barjon), fait des études agricoles et aide son père. L’exploitation s’est agrandie, modifiée. Mais bientôt cela ne paye plus et les dettes s’accumulent. Claire le met en garde, tente de le raisonner. Des banques, des coopératives agricoles le bercent de nouveaux projets d’agrandissement « sans risques », dans lequel il croit voir un moyen de garder une stabilité.

Lancé à marche forcée dans un modèle dans lequel il n’apparaît plus entièrement maître de son destin et de son exploitation, Pierre se bat jusqu’à l’épuisement. Transformé physiquement, Guillaume Canet en devient méconnaissable.

Le film, rempli d’une colère sourde, décrit le monde agricole comme un système en proie à de nombreux errements et l’agriculteur en homme seul face aux difficultés qui s’amoncellent, malgré la présence de sa famille. Errements sur les intrants et sur une production agricole hors-sol entièrement intégrée qui paraît ne plus tenir compte des êtres humains. Errements aussi du père, qui face au naufrage du fils lui conseille de « travailler deux fois plus ».

Le constat posé par Édouard Bergeon sur les causes du suicide dans le monde agricole paraît donc dur et implacable. « La seule façon de s’en sortir, c’est de partir », finit d’ailleurs par lâcher Pierre à son fils désireux de reprendre l’exploitation.

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