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La coopérative néerlandaise Royal Cosun: de la betterave aux pommes de terre, des choix stratégiques!

La coopérative néerlandaise Royal Cosun fait parler d’elle en Belgique. Sa filiale Aviko construit une nouvelle usine pour la production de frites à Poperinge tandis que sa succursale Suiker Unie a récemment commencé à traiter des betteraves flamandes. Le CEO de Cosun, Albert Markusse, nous en dit plus sur la stratégie de l’entreprise. Une stratégie qui mène à un prix élevé de la betterave.

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P eu connue en Belgique, la coopérative Cosun regroupe quelque 9 000 producteurs de betteraves néerlandais. En 1899, mécontents de leurs contrats betteraves, les agriculteurs de Flandre zélandaise ont décidé de mettre les barons du sucre sur la touche. Ils ont créé leur propre coopérative qui, à travers de nombreuses fusions, a abouti à ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Suiker Unie. Dans les années ‘90, la coopérative prend la dénomination sociale de Royal Cosun, société mère des filiales Suiker Unie, Aviko, Duynie, Sensus et SVZ.

Suiker Unie réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 800 millions d’euros. L’entreprise possède trois sucreries. Deux d’entre elles sont situées aux Pays-Bas et la troisième en Allemagne. Ensemble, elles produisent environ 1,3 million de tonnes de sucre par an. En termes de volume, l’entreprise peut-être considérée comme un sous-marin européen puisqu’elle vient après le groupe allemand Südzucker (société mère de la Raffinerie Tirlemontoise, leader de marché européen avec 4,7 millions de tonnes) et la société française Tereos.

Par contre, si l’on considère le prix des betteraves, Cosun est un acteur de premier plan. Ces dernières années, son prix payé pour la betterave était le plus élevé que celui des grands producteurs de sucre (voir encadré). Une situation que le CEO Albert Markusse explique par deux facteurs : « Nos usines des Pays-Bas sont les plus grandes d’Europe et sont très efficaces. Nous pouvons transformer les betteraves à moindres coûts par rapport à nos concurrents ».

La force d’un groupe

De plus, Cosun fait plus que du sucre. Elle possède la société Aviko , qui transforme les pommes de terre en frites, chips, spécialités (surgelées et fraîches) et flocons. Le chiffre d’affaires d’Aviko a d’ailleurs dépassé celui de Suiker Unie. La filiale est l’un des principaux acteurs européens et appartient donc à des producteurs de betteraves sucrières. Néanmoins, il n’y a pas beaucoup de chevauchement : « Environ 10 % des pommes de terre qu’Aviko achète proviennent des membres ».

Cosun est également propriétaire de Duynie, Sensus et SVZ. Ensemble, ces entreprises représentent quelque 400 millions d’euros de chiffre d’affaires. Duynie valorise les coproduits organiques de l’industrie alimentaire et du secteur de l’éthanol en ingrédients pour l’alimentation animale. Une filiale de Duynie, Novidon, récupère par exemple la fécule de pomme de terre des usines de transformation en frites de toute l’Europe. Celle-ci est, entre autres, utilisée pour la production de colle.

Sensus produit de l’inuline et de l’oligofructose à partir de chicorée. La société connaît deux adversaires, les belges Orafti et Cosucra. SVZ transforme quant à elle les fruits et légumes en purées et concentrés utilisés dans la fabrication de denrées alimentaires. SVZ possède une usine en Belgique, à Rijkevorsel. Posséder des activités différentes permet de répartir les risques : « Si une activité ne va pas bien, elle peut se reposer sur une autre, et vice versa ».

Suiker Unie paie un prix minimum de 32,50 euros pour les betteraves livrées. Selon le bénéfice réalisé par Cosun dans son ensemble, un surprix est ajouté. Le bénéfice est réparti entre l’entreprise et les producteurs au moyen d’une clé de répartition. Ces derniers reçoivent cette prime sous la forme d’une prime d’adhésion en plus du prix de base de 32,50 euros.

L’avantage de faire plus que du sucre

Le marché du sucre a été mauvais ces dernières années et Suiker Unie a subi des pertes. En 2018, le supplément a été limité et le prix pour les betteraves livrées était de 36 euros. Un montant particulièrement élevé si l’on considère que la Raffinerie Tirlemontoise a été autorisée à payer la betterave 22,50 euros par sa société mère Südzucker. Soit dit en passant, les Allemands basent ce prix sur un prix moyen du sucre obtenu par l’observation de divers grands marchés.

« Bien sûr, nous avons l’avantage de faire plus que du sucre », admet Albert Markusse. « C’était une bonne décision d’entrer dans le secteur de la transformation de la pomme de terre du point de vue de la répartition des risques. C’est aujourd’hui une entreprise en plein essor. Mais ne vous y trompez pas, c’est aussi parfois l’inverse ». Aviko vise un chiffre d’affaires de 1 milliard pour 2021 (objectifs d’avant la crise sanitaire). La transformation des pommes de terre pourrait donc dépasser le sucre.

Suiker Unie n’est cependant pas en reste. Elle a réalisé de meilleures performances en 2019 qu’en 2018, mais a encore une fois affiché une petite perte. Mais, selon le CEO, une activité ne devrait pas « subventionner » l’autre trop longtemps.

Alors que 2019 était encore déficitaire pour Suiker Unie en raison du faible prix du sucre, ce fut la meilleure année de tous les temps pour Aviko en termes de bénéfice d’exploitation. Quel aurait été le prix du sucre de Cosun sans les autres activités ? « Plus bas qu’aujourd’hui, mais toujours très bon », dit Albert Markusse qui voit le marché du sucre s’améliorer dans les prochaines années.

La stratégie d’Aviko

Aviko a donc connu une année forte. « Aviko aurait peut-être dû construire sa nouvelle usine plus tôt », dit le CEO. « Mais finalement, ce qu’on souhaite, c’est que toutes les activités de Cosun génèrent de l’argent. Ça signifie aussi que dans une mauvaise année sucrière on ne doit pas toujours compter sur la transformation de la pomme de terre. On doit être capable de continuer à investir pour rester rentable ».

Et c’est ce que fait Aviko. L’entreprise construit une nouvelle usine à Poperinge, en Flandre-Occidentale, à proximité d’un site existant. C’est le plus gros investissement individuel jamais réalisé par Cosun. Le site pourra produire 175.000 tonnes de frites surgelées et 11.000 tonnes de flocons de pommes de terre par an. Pour ce faire, elle aura besoin d’environ 350.000 tonnes de pommes de terre. L’usine produira quelque 155 emplois et sera leader en matière de durabilité.

L’emplacement de la nouvelle usine a été choisi de façon stratégique. Elle est proche de l’usine de Proven et de la France car, selon Cosun, la superficie de pommes de terre belge a presque atteint son maximum. « les Pays-Bas et la Belgique ne peuvent pas étendre leurs zones indéfiniment et certainement pas de manière durable. De plus, les restrictions en matière de protection des cultures se multiplient. On peut encore augmenter le rendement grâce à la sélection variétale mais sinon, la croissance est limitée ».

Des pommes de terre françaises et chinoises

Cosun estime qu’il y a encore des possibilités dans le nord de la France où les conditions de culture sont à peu près aussi bonnes. Mais alors pourquoi ne pas avoir construit en France ? « La Belgique est le pays de la frite et elle est plus accueillante envers les entrepreneurs. Aviko considère les sites de Proven et Poperinge comme une seule et même usine ».

En outre, la société a également acheté une nouvelle usine en Chine. « Cette décision fait suite au retrait d’un partenaire chinois qui a préféré continuer seul. Nous n’avions pas prévu de mettre la Chine sur le même pied d’égalité mais le marché chinois est énorme et continue à se développer et nous avons aussi une usine de flocons en Chine ».Cosun a donc immédiatement cherché une alternative et il a été décidé d’acheter une usine d’une capacité de production de 50.000 tonnes en Mongolie intérieure, dans le nord-est de la Chine. « Entre-temps, notre bureau de vente de Shanghai a continué à fonctionner avec des produits fournis par l’Europe. Aujourd’hui, l’usine peut continuer à produire des produits locaux et elle est d’une grande importance stratégique pour nous ».

Importance de la durabilité

Selon Albert Markusse, la durabilité est une condition préalable dans l’industrie alimentaire. L’agriculture est trop souvent associée à la pollution alors qu’elle est souvent très durable. « On parle beaucoup d’économie circulaire. En fait, Cosun est une entreprise circulaire depuis longtemps ».

D’après Jan Cees Bron

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