Le paysage vallonné indique que nous nous trouvons à proximité des Ardennes flamandes. Un panneau flanqué le long de la route nous mène sans encombre jusqu’à la ferme biologique du couple formé par Wim De Middeleer et Marianne Renaer et de leurs enfants. Heureusement, il fait beau et l’agréable cour intérieure est propice à la discussion, dans le respect des règles imposées par la Covid-19.
Un peu d’histoire pour commencer. Wim reprend la ferme de ses parents en 1983, à l’âge de 22 ans, après des études agricoles. « À l’époque, l’exploitation était de type mixte. En plus des grandes cultures, mes parents élevaient du bétail laitier et des porcs. Ma préférence allait aux bovins laitiers. J’ai installé une nouvelle étable et j’ai abandonné la production porcine ».
En 1987, Wim épouse Marianne. Celle-ci exerce le métier d’infirmière dans une unité de soins intensifs, et s’est ainsi retrouvée en première ligne pendant la crise de la Covid-19. Aujourd’hui, le couple a trois enfants : Lore (30 ans), Jasper (27 ans) et Hannes (24 ans), et un petit-fils, Briek (1 an), fils de Lore.
En route vers le bio, un choix mûrement réfléchi
En 1998, nos hôtes prennent la décision de convertir à l’agriculture biologique la ferme de 60 vaches laitières et d’environ 60 ha de terres destinées à la production de fourrage. « À cette époque, la législation sur le lisier de même que la protection des plantes faisaient l’objet de profonds changements. J’ai réfléchi à l’impact de cette évolution en termes économiques et écologiques pour l’exploitation. Pourquoi devrais-je m’enfermer dans ce nouveau dédale législatif alors qu’il est possible de continuer à dégager des revenus sur la ferme sans ces « outils » ? C’est ainsi que j’ai opté pour une conversion de la ferme en bio, un mode de production tourné vers l’avenir. Les circonstances ont fait que la crise de la dioxine a éclaté peu après. Et cela m’a conforté dans mon choix ».
Assez curieusement, Wim recherchait aussi un mode de fonctionnement plus intensif en main-d’œuvre. « Marianne avait déjà un emploi d’infirmière à plein-temps et mon père travaillait encore sur l’exploitation. Sachant que son aide ne durerait pas éternellement, j’ai engagé le frère de Marianne, Filip, comme aidant. En optant pour l’agriculture biologique, il y avait largement assez de travail pour deux personnes à temps plein. Pensez, par exemple, à la lutte contre les mauvaises herbes, plus exigeante en main-d’œuvre. Le prix de vente, et donc le revenu, des produits biologiques permettait également l’utilisation économique d’un travailleur supplémentaire ».
La conversion influence aussi l’assolement
Alors que cette conversion au bio a été engagée il y a déjà 22 ans, Wim se souvient encore parfaitement de l’étonnement suscité auprès de ses collègues agriculteurs. « Adopter les pratiques de l’agriculture biologique était une démarche audacieuse aux yeux de nombreux collègues qui n’ont pas manqué d’émettre de nettes réserves. Au cours des deux premières années, on m’a posé beaucoup de questions et j’ai reçu de nombreux visiteurs. Mais à mesure que les choses évoluèrent positivement, cette attention retomba sensi
Une ration plus tranquillisante
Selon Wim, fournir une ration aliment
« Une ration aussi équilibrée s’avère également très bénéfique pour la santé de nos vaches. Nos animaux n’ont pas – sans l’utilisation d’antibiotiques et autres additifs – de torsions de la caillette, de mammites… ».
À ce propos, Wim souligne que l’utilisation de médicaments, et donc d’antibiotiques, n’est pas interdite en agriculture biologique. « Les animaux malades doivent bien sûr être soignés de manière appropriée. Cependant, ces médicaments ne peuvent être utilisés à titre préventif ni plus d’une fois ».
Génération nouvelle, activité nouvelle
Les années passent, les enfants grandissent, la jeune génération « frappe à la porte » et notamment Jasper qui depuis tout petit souhaite embrasser le métier et est titulaire d’un graduat en agriculture. Pour faciliter son entrée dans le secteur, Wim et Marianne ont modifié le statut de leur exploitation en société agricole en 2013. Entre-temps, Lore a obtenu son diplôme de biologiste et… s’est également montrée intéressé aux activités de la ferme familiale.
« Pour générer des revenus suffisants dans une nouvelle structure élargie, nous étions confrontés à un choix », poursuit Wim. « Continuer à investir dans l’élevage laitier ou mettre en œuvre une activité supplémentaire… C’est la deuxième option qui a été retenue, sous la forme d’un élevage de chèvres bio également. La diversification est toujours gage d’une plus grande sécurité opérationnelle. Et avec cette nouvelle activité, parents et enfants ne risquent pas de « se marcher sur les pieds ». En outre, ces dernières années, le lait de chèvre biologique connaît un succès croissant. Il va sans dire que ce projet avait d’autant plus de chance de réussir que nos enfants partagent notre philosophie, notre vision.
Et c’est ainsi que Jasper et Lore gèrent l’élevage caprin depuis 2015. Lore s’occupe également de la quasi-totalité des aspects administratifs de la société. « J’assure le suivi des vaches, tandis que Filip réalise surtout les travaux aux champs et les tâches plus techniques ».
Une excellente combinaison
L’élevage caprin biologique est un petit secteur. Jasper a eu l’opportunité de faire des stages dans deux élevages durant lesquels il a acquis énormément de connaissances.
Le troupeau compte actuellement 650 chèvres, dont 500 en lactation. La plupart sont de race Saanen, mais il y a aussi des croisements avec les races Toggenburg et Nubian. Au niveau des bâtiments, les aménagements requis pour accueillir ces animaux ont été heureusement très légers. L’ancienne étable pour les jeunes bovins était généreusement proportionnée et a ainsi été dédiée aux chèvres. Un carrousel de traite a été installé – les chèvres sont traites deux fois par jour – de même qu’un système d’alimentation automatique. La superficie de la société agricole s’étend aujourd’hui sur quelque 85 ha.
« Nous élevons les chèvres de la manière la plus extensive et naturelle possible. C’est ainsi que de nombreux bosquets bordent nos prairies. C’est là que les caprins aiment grignoter et cela participe à diversifier leur alimentation. Les chèvres se nourrissent également principalement de graminées, trèfles et céréales. En hiver, nous complétons la ration avec des betteraves fourragères. Sur le plan alimentaire, l’élevage caprin s’accorde parfaitement avec le bétail laitier ».
En termes de santé animale, les deux espèces animales constituent également un bon tandem. « Les petits ruminants sont sensibles aux infections par les vers. Pour les prévenir, nous avons un calendrier de pâturage serré. Les chèvres restent sur la même parcelle pendant 3 semaines au maximum. Les 6 semaines suivantes, les vaches prennent le relais, sans le moindre risque. Cette conduite permet de maîtriser les risques d’infestation parasitaire ».
En 2017, une très vaste grange a été construite pour le stockage du fourrage (60 m de long, 12 m de large et 10 m de haut, pour une capacité de 3.000 m³) . « Comme les chèvres mangent du foin autant que les vaches, nous avons jugé utile de sécher l’herbe plutôt que de l’ensiler. Disposant d’une main-d’œuvre suffisante, nous prenons désormais en charge ce travail printanier intensif : fini le recours à un entrepreneur et fini aussi l’usage de films plastiques. Après quelques jours de séchage au sol, l’herbe préfanée est acheminée jusqu’à la grange où elle est soumise à un séchage plus poussé. »
Cette année, la première coupe a été réalisée au début du mois d’avril et la deuxième est intervenue à la mi-mai ».
Un magasin de la ferme