La silphie Abica Perfo, une culture aux multiples finalités… et atouts
Encore peu connue, la culture de la silphie Abica Perfo se développe peu à peu sur notre territoire. Environ une vingtaine d’hectares lui seraient consacrés. Nicolas Havelange, importateur des semences pour la Belgique, entend accroître cette surface et mise sur les atouts que présente cette espèce pour y parvenir. Atouts que le Cipf s’attelle à confirmer à travers plusieurs essais.

C’est lors d’un voyage en France, l’année dernière, que Nicolas Havelange a découvert la silphie Abica Perfo. Cette culture, alors inconnue ou presque en Belgique, l’a immédiatement interpellé… et séduit. « Sur place, j’ai rencontré Amédée Perrein. À la tête de Silphie France, il a introduit l’espèce dans l’Hexagone et l’a fait connaître aux agriculteurs de son pays. Il m’a expliqué les atouts et intérêts qu’elle présente et, quelques semaines plus tard, nous avons débuté notre collaboration. Désormais, je m’occupe de l’importation et de la commercialisation des semences sur le territoire belge », se remémore-t-il.
Quelle est cette espèce ?
Mais qu’est-ce donc que la silphie Abica Perfo (Silphium perfoliatum) ? « Il s’agit d’une astéracée originaire d’Amérique du Nord. En Europe, on la retrouve notamment en France, sur plus de 3.000 ha, et en Allemagne, sur plus de 15.000 ha. »
Une fois semée, cette vivace demeure en place minimum 15 ans. Elle se caractérise par ses fleurs jaunes culminant à près de 4 m de hauteur et contrastant avec ses grandes feuilles d’un vert vif. Sa floraison s’étend de mi-juillet à fin septembre. Son système racinaire peut atteindre 2 m de profondeur, ce qui lui procure une bonne résistance à la sécheresse.
Jusqu’à 15 à 20 t MS/ha
La silphie s’implante au printemps, à l’aide d’un semoir monograine équipé de disques spécifiques (inter-rang de 37,5 à 75 cm), dans tous les types de sol. « La réussite de la culture dépend de la qualité du semis. Celui-ci doit être réalisé dans les règles de l’art. » Les graines sont non traitées. Elles peuvent donc être semées aussi bien sur des parcelles conventionnelles que bio.
L’espèce est volontaire et ne craint pas les adventices. Un désherbage chimique spécifique peut uniquement être réalisé avant l’émergence de la silphie. Après la levée, seul le désherbage mécanique est possible. « Un broyage peut également être envisagé en automne. Il réduit la pression des adventices et booste le développement foliaire de cette variété au printemps suivant. »
Selon la finalité qui sera donnée à la culture, l’apport d’un amendement organique et/ou chimique peut s’avérer nécessaire. « Les rendements atteignent jusqu’à 15 à 20 t MS/hectare. Pour y parvenir, fertiliser est nécessaire. »
Aussi avec du maïs
Lors de la récolte, la silphie résiste bien à l’écrasement vu son développement. La reprise de végétation se déroule sans anicroche au printemps suivant, même là où l’ensileuse et les bennes sont passées. « Dans la mesure du possible, on veillera néanmoins à récolter le maïs dans de bonnes conditions. » Précisons encore que l’utilisation d’un bec rotatif (de type Kemper) est vivement recommandée.
Les années suivantes, la silphie Abica Perfo assure seule le rendement de la parcelle et ce, jusqu’à son éventuelle destruction. Comme le maïs, elle se récolte à l’aide d’une ensileuse et se conserve en silo.
Dans les rations… et en biométhanisation
Cette variété de silphie constitue une culture aux multiples finalités. Que l’on soit éleveur ou cultivateur, elle trouve sa place dans les parcelles agricoles ou en bordure de celles-ci.
Dans l’alimentation animale tout d’abord, sa place dans la ration des bovins et autres ruminants se justifie par sa teneur en protéines (entre 14 et 17) et sa valeur énergétique (environ 850 VEM). « Pour obtenir de tels résultats, je conseille de la récolter deux fois sur la saison. La première coupe se planifie début juin, la seconde début septembre », précise M. Havelange. « Ne réaliser qu’une seule coupe n’est pas envisageable. Les tiges se lignifieraient et la ration perdrait en appétence. »
Et Gilles Manssens de préciser : « Le Cipf conduit plusieurs essais afin de vérifier ces valeurs. Nous étudions en outre la manière dont cette culture nouvelle peut complémenter le maïs dans la ration des bovins ».
L’espèce peut aussi être utilisée pour la production de biogaz, dans une unité de biométhanisation. Elle n’est alors récoltée qu’une seule fois, après floraison. « En ne considérant que son rendement à l’hectare, et selon les conditions de culture, la silphie peut présenter un pouvoir méthanogène supérieur à celui du maïs, tout en couvrant en permanence le sol, contrairement à ce dernier », poursuit Nicolas Havelange. Elle contribue ainsi à lutter contre l’érosion.
Une pompe à azote
En zone de captage, la silphie présente un intérêt certain. « Elle capte les reliquats azotés présents dans le sol, même profondément, et empêche ainsi qu’ils n’atteignent l’eau potable. » « Cela en fait une culture « pompe à azote » et ce, pour de nombreuses années et sans utilisation de produit phytosanitaire », ajoute Gilles Manssens.
Pour les mêmes raisons, la silphie pourrait encore être utilisée comme couvert végétalisé permanent. Pour rappel, depuis le 1er octobre, ce type de couvert doit obligatoirement être implanté le long des cours d’eau, sur une largeur de 6 m.
De même, elle peut jouer le rôle de barrière naturelle entre les habitations et les parcelles agricoles, ce qui rassure les riverains lors de l’éventuelle utilisation de produits de protection des plantes.
Un atout biodiversité
Enfin, la silphie est un atout en matière de biodiversité. « Ses grandes fleurs jaunes attirent de nombreux insectes pollinisateurs, dont des abeilles. Elles constituent une source alternative de pollen et nectar au moment où la nourriture vient à manquer », explique Nicolas Havelange. Les apiculteurs y trouvent également leur compte. L’installation de ruche aux abords d’une telle parcelle pourrait permettre un rendement en miel allant de 100 à 150 kg/ha.
Son feuillage ne doit pas être négligé. « Ses feuilles, en coupole, retiennent l’eau de pluie et forment ainsi des abreuvoirs pour les insectes et oiseaux. » Le petit gibier peut également s’y cacher. Le gros gibier, lui, n’y voit aucun intérêt. « Le feuillage est trop rugueux que pour être consommé. En zone colonisée par les sangliers, la silphie présente cet atout que le maïs n’a pas. »
Notons encore que même si la silphie n’est implantée qu’à des fins environnementales, et non agricoles, il convient malgré tout de prévoir une récolte automnale. « C’est essentiel pour assurer sa reprise au printemps ! »