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Betteraves sucrières: observer, la clé contre les pucerons… et la jaunisse

Depuis plusieurs saisons, la disparition des néonicotinoïdes complique quelque peu la lutte contre les pucerons vecteurs de la jaunisse virale. En la matière, il existe néanmoins des alternatives que sont Teppeki, Movento et Closer. Leur efficacité repose sur une observation régulière et attentive des parcelles betteravières en vue d’intervenir dès le seuil de traitement atteint.

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À l’occasion de plusieurs journées techniques organisées en ce début d’année par l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab), Kathleen Antoons, chef de projet « ravageurs », a abordé la question de la lutte contre les pucerons vecteur de la jaunisse virale et a livré divers conseils aux planteurs.

Des différences d’une année à l’autre

La jaunisse est causée par trois virus transmis de plante à plante par les pucerons verts aptères : le Beet Chlorosis Virus (BChV), le Beet Mild Yellowing Virus (BMYV) et le Beet Yellow Virus (BYV). Si les deux premiers n’ont qu’un impact modéré sur la betterave sucrière, le dernier peut entraîner de plus graves symptômes. Il importe dès lors de connaître la prévalence de ces différentes souches. « Cela ne peut se faire par l’observation des symptômes. Le prélèvement d’échantillons foliaires ainsi qu’une analyse en laboratoire sont nécessaires pour identifier la souche en présence », explique Kathleen Antoons.

Et d’éclairer : « Nous avons observé des symptômes de jaunisse en 2018 déjà, alors que les semences employées étaient encore en grande majorité enrobées de néonicotinoïdes. À l’époque, le BChV et le BMYV, soit les deux souches les moins préjudiciables, étaient présents seuls ou associés. En 2019, un premier champ touché par le BYV a été identifié. À peine un an plus tard, soit en 2020, cette même souche a été retrouvée dans 35 % des parcelles analysées, en combinaison avec le BChV ou le BMYV. Cela montre qu’il y a une certaine variabilité d’une saison à l’autre ».

En parallèle, la présence de pucerons verts aptères fluctue, elle aussi, d’une année à l’autre. Ainsi, en 2019, le seuil de traitement a été atteint le 21 mai, avec une pression continue, bien que modérée, jusqu’à la fermeture des lignes. En 2020, les premiers pucerons ont été observés le 23 avril, soit un mois plus tôt, et leur présence a bien souvent nécessité deux traitements. En 2021, le seuil d’intervention a été atteint mi-mai. Si la population est d’abord restée stable, elle a connu une croissance fulgurante début juin obligeant bien des agriculteurs, selon les sites, à effectuer une deuxième intervention aphicide.

En bref, 57 % des parcelles betteravières ont été touchés par la jaunisse en 2019, 85 % en 2020 et 71 % en 2021. Une situation logique au regard de la situation « pucerons » mais qui suscite une question : « Qu’en sera-t-il cette année ? ».

Avec quel impact sur les rendements ?

« Les semaines à venir sont difficilement prévisibles en raison des divers facteurs qui influencent le développement des populations de pucerons », poursuit Mme Antoons. À l’échelle environnementale, les températures hivernales ont joué un rôle, comme les températures printanières qui ont connu une importante variation entre mars et début avril.

De nombreux facteurs interviennent à l’échelle de la parcelle. La présence de plantes réservoirs (fumeterre, laiteron, matricaire, séneçon, lamier, arroche…) est à éviter à tout prix car elles contribuent au développement des populations de parasites. Pour les mêmes raisons, les cordons de déterrage (où peuvent se trouver des repousses de betteraves sucrières) et autre silos de betteraves fourragères doivent également être éliminés. « Sans intervention, ces réservoirs font courir un véritable risque à la parcelle ! »

Et ce, d’autant que l’impact de la jaunisse sur le rendement est loin d’être négligeable. « Une infection par le BMYV, soit une souche modérée, lors de la fermeture des lignes entraîne une perte de rendement de 27 %. Au stade 6-8 feuilles, ce chiffre atteint 38 %. Enfin, une infection précoce au stade 2 feuilles engendre une chute de rendement de 48 % », détaille-t-elle sur base d’essais conduits par l’Irbab.

Intervenir avec Teppeki, Movento ou Closer

La lutte contre les pucerons verts aptères s’envisage dès que le seuil de deux individus par dix plantes est atteint.

Pour ce faire, le recours aux insecticides à base de deltaméthrine, appartenant à la famille des pyréthrinoïdes, est très fortement déconseillé et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, les populations de pucerons résistantes à cette famille chimique sont omniprésentes. Ensuite, les pyréthrinoïdes sont des insecticides de contact. Or, les pucerons colonisent la plupart du temps la face inférieure des feuilles de betterave où ils se trouvent à l’abri du traitement ; ce dernier perdant de ce fait en efficacité. Enfin, les pyréthrinoïdes touchent également les auxiliaires utiles et non cibles que sont notamment les syrphes, chrysopes ou coccinelles.

L’Irbab estime que sept parcelles de betteraves sucrières sur dix  ont été touchées par la jaunisse en 2021.
L’Irbab estime que sept parcelles de betteraves sucrières sur dix ont été touchées par la jaunisse en 2021. - J.V.

Le Pirimor (50 % pirimicarbe) montre, quant à lui, une efficacité moyenne étant donné qu’environ 50 % des pucerons y sont résistants.

Il est donc recommandé de faire usage de Teppeki (flonicamide 50 %), Movento (spirotétramate 100 g/l) ou Closer (sulfoxaflor 120 g/l) ; c’est deux derniers bénéficiant une nouvelle fois d’une autorisation « 120 jours » octroyée par les autorités pour une utilisation du 15 avril au 12 août 2022.

Au champ, ces trois produits présentent de bons résultats. Notons néanmoins que Movento ne montre son efficacité que quelques jours après le traitement, en raison de son mode d’action. Movento et Closer se caractérisent par une rémanence supérieure à Teppeki.

Observer pour traiter à temps

Pour cette saison 2022, plusieurs cas de figure se présentent aux agriculteurs. Si des semences traitées avec Gaucho 70WS (70 % imidaclopride) ont été choisies, aucun traitement supplémentaire n’est nécessaire, les betteraves étant déjà protégées contre les pucerons et autres insectes du sol. Il convient néanmoins de respecter les différentes restrictions en matière de rotation des cultures qu’implique l’usage de telles semences.

Si le choix s’est porté sur de semences non traitées ou traitées avec Force (200 g/l téfluthine), un traitement insecticide peut s’avérer nécessaire. « Dès le stade cotylédons, il convient d’observer à la loupe 40 plantes à la recherche de pucerons et ce, toutes les semaines jusqu’à la fermeture des lignes y compris. Chaque feuille doit être déroulée jusqu’à son extrémité car les parasites peuvent s’y cacher. Il faut également veiller à ne pas les confondre avec les collemboles », explique Kathleen Antoons. Les avertissements délivrés par l’Irbab constituent une aide supplémentaire.

Un passage avec Tepeki, Movento ou Closer pourra être réalisé si le seuil de traitement est atteint. Dans ce cas, on interviendra lorsque l’humidité relative est élevée, à un minimum de 200 l/ha, jusqu’à la fermeture des lignes y compris.

En suivant ces recommandations, il est possible de limiter la progression de la jaunisse virale dans la parcelle et d’atténuer son impact sur le rendement. « Les traitements sont effectués lorsque le seuil d’intervention est atteint, ce qui signifie que des pucerons sont présents dans la parcelle et ont pu transmettre la jaunisse. On vise donc bien à limiter l’impact de la maladie mais on ne pourra pas s’en faire quitte. »

J. Vandegoor

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