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Un outil unique en Wallonie

pour évaluer la durabilité, ferme par ferme

Jusqu’il y a peu, il n’existait aucun outil permettant de mesurer la durabilité des fermes wallonnes. Toutefois, ses trois piliers peuvent désormais être évalués grâce au « Diagnostic de durabilité du monde agricole » développé par CBC Banque. L’établissement nous en dévoile, en exclusivité,

les premiers résultats.

Temps de lecture : 6 min

Voici presque un an, CBC Banque présentait les résultats de son Observatoire « Les Belges et la durabilité du monde agricole ». Parmi les différents constats dressés, on pouvait notamment retenir que 94 % des agriculteurs s’intéressent au concept de durabilité et à ses trois piliers (économique, environnemental et social). En parallèle, la Banque annonçait le développement d’un nouvel outil visant à évaluer comment se positionnent les fermes wallonnes vis-à-vis de ce concept.

Depuis le début de cette année, le « Diagnostic de durabilité du monde agricole » est opérationnel. « Notre objectif pour 2019 est clair : nous souhaitons évaluer 500 fermes, soit environ 10 % de notre clientèle agricole », explique Clemens Scholzen, Ceo de l’institution bancaire. « Mi-juin, nous avions déjà réalisé 315 diagnostics, signe que l’outil intéresse les agriculteurs et peut les guider dans leur recherche de durabilité. »

Trois piliers évalués sur le terrain

Concrètement, le Diagnostic est réalisé par un chargé de relation « Agri » de la banque. Celui-ci se rend en ferme à la demande de l’agriculteur, pour évaluer les trois piliers de la durabilité. « Nous affinons le diagnostic au gré des discussions et questions et à l’aide des dernières données technico-économiques disponibles. Cela nous permet aussi d’évoquer les volets environnemental et social, et non uniquement la situation économique de l’exploitation. »

Sept critères ont été identifiés pour chacun des piliers. Au terme de la rencontre, une cote allant de 1 à 5 leur est attribuée. Les résultats obtenus sont remis à l’agriculteur sous forme de trois graphiques en toile d’araignée (un par pilier, voir exemple) lui permettant d’identifier facilement ses points forts et points faibles. « La cote est uniquement destinée à guider l’agriculteur. Nous échangeons, nous discutons, nous accompagnons mais en aucun cas nous distribuons de bons ou mauvais points. »

Le rapport est accompagné de la liste des différents experts (privés, d’état, parastataux…) pouvant l’aider à améliorer ses points faibles. « CBC réalise le Diagnostic mais ne dispose pas de toutes les solutions. C’est pourquoi nous orientons les agriculteurs vers les personnes-ressources ou organismes pouvant aux mieux les conseiller, tous piliers confondus », insiste M. Scholzen.

Un métier de passionnés !

Le diagnostic débute par l’évaluation du pilier social. Les sept critères passés en revue sont :

– la qualité de vie ;

– l’ouverture socio-professionnelle (également hors secteur agricole) ;

– la communication vers la société ;

– la viabilité socio-économique de l’exploitation ;

– la transmissibilité ;

– l’ancrage territorial (vente et transformation à la ferme, participation aux commissions consultatives communales, préservation du patrimoine…) ;

– la collaboration et le management (travail en équipe, capacité à déléguer…).

« Les 315 Diagnostics réalisés nous montrent que la plupart des agriculteurs évaluent leur qualité de vie à un niveau élevé, à savoir 4/5 », explique Arnold Meert, Expert Agri Business. « Cela témoigne de leur passion du métier. » Les résultats sont également encourageants en ce qui concerne la transmissibilité. « Les agriculteurs que nous avons rencontrés ont une vision positive de ce point, car la transmission d’une exploitation se déroule généralement au sein de la famille. » Assurer la continuer de l’activité est ainsi facilité par une bonne entente familiale.

A contrario, l’ancrage territorial est le point sur lequel les agriculteurs doivent le plus travailler. « Les résultats ne sont pas négatifs, mais c’est le point faible que nous avons identifié. »

Conjuguer environnement et sécurité économique

Concernant le pilier environnemental, sont évalués :

– le système de production (conventionnel, bio partiel ou total…) ;

– le bilan des intrants et minéraux (utilisation des effluents d’élevage, culture de légumineuses, réalisation d’analyse de sol…) ;

– l’utilisation de produits phytosanitaires (préventifs ou curatifs, avec suivi des systèmes d’avertissements…) ;

– la présence d’éléments paysagers et de biodiversité (mesures agri-environnementales et climatiques…) ;

– la capacité à travailler en circuits fermés (fourrages locaux ou importés, autonomie fourragère…) ;

– la gestion des sols, de leur érosion et du bien-être animal (labour ou non-labour, semis direct, pâturage, veau élevé sous la mère…) ;

– la dépendance énergétique et la contribution au réchauffement climatique (présence de panneaux solaires ou d’éoliennes…).

« Nous constatons que la plupart des agriculteurs ayant sollicité un Diagnostic pratiquent une agriculture conventionnelle raisonnée, dans le respect des bonnes pratiques », détaille M. Meert. « Leur comportement est également durable en matière de bien-être animal, de lutte contre l’érosion des sols et de gestion des intrants. »

Un bémol est à noter au niveau des produits phytosanitaires. Les cultivateurs ne sont en effet pas ou peu enclin à sauter un traitement pour des raisons environnementales, bien qu’ils travaillent déjà de manière raisonnée. « On comprend aisément que sécuriser la récolte, et par conséquent le pilier économique, est prioritaire en vue d’assurer la pérennité de l’activité. »

Un atout indéniable : la capacité de gestion

L’évaluation du pilier économique repose principalement sur les données technico-économiques (surface agricole utile, revenus, aides…) de l’exploitation et sur divers indicateurs financiers qui en découlent. Les sept critères étudiés sont :

– la capacité de gestion (négociation des prix, connaissance du prix de revient…) ;

– l’efficacité économique ;

– la sensibilité aux aides (importance des aides dans le bilan de l’exploitation) ;

– l’autonomie financière ;

– l’efficacité du capital ;

– la rémunération du travail ;

– la vulnérabilité commerciale (poids d’un client par rapport aux autres).

Pour ce pilier, les résultats obtenus sont globalement excellents. Arnold Meert : « La capacité de gestion représente la plus grande force des exploitations sondées. La plupart des agriculteurs rencontrés analysent leur comptabilité de gestion, connaissent leur prix de revient pour chacune de leur spéculation et assurent la gestion administrative de leur ferme ». À cette opinion générale, il convient toutefois de préciser qu’une ferme n’étant pas l’autre, d’importantes différences peuvent exister.

Deux défis majeurs apparaissent également. D’une part, la capitalisation est très importante par rapport à la rentabilité dégagée. D’autre part, cultivateurs et éleveurs doivent faire face à la volatilité des prix et rendements.

La dépendance des fermes vis-à-vis de leurs clients constitue, quant à elle, un gros point faible. « C’est inhérent au secteur… Un éleveur laitier, par exemple, ne peut négocier avec sa laiterie. Il n’a pas la capacité d’influencer le prix d’achat du lait. » La vente en circuit court permet, entre autres, de s’affranchir de cette contrainte. Néanmoins, les quantités produites sont trop importantes que pour être entièrement écoulées de cette manière. L’industrie constitue donc un partenaire commercial incontournable.

Pour mieux aborder l’avenir

« Il est probable que les agriculteurs ayant sollicité le Diagnostic s’intéressaient déjà aux divers paramètres de leur exploitation. Mais cela peut également en inciter d’autres à se montrer plus attentifs à ces points, afin d’aborder au mieux l’avenir », poursuit Clemens Scholzen. « L’outil permet de se remettre en question, de réfléchir aux défis de demain et aide à y répondre. »

« Rappelons également que le Diagnostic est individuel », ajoute Arnold Meert. « Nous ne tirons pas de moyenne à l’échelle régionale. Nous aidons chaque agriculteur à mesurer individuellement la durabilité de son exploitation pour qu’il puisse s’améliorer au quotidien. » CBC Banque souhaite d’ailleurs retourner dans les fermes deux à trois ans après avoir réalisé le Diagnostic. Le but : mesurer comment les différents piliers ont évolué suite aux conseils des experts et au travail des éleveurs et cultivateurs.

J.V.

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