Du pire au meilleur, l’hétérogénéité sort gagnante !
Alors que la sécheresse printanière avec son impact sur le tallage et l’alimentation azotée des plantes ont pesé sur les rendements de l’escourgeon, les pluies de juin ont partiellement permis aux blés de redresser la tête en bout de course.
Commençons par un rapide retour en arrière, avec un point sur l’escourgeon, dont la récolte a commencé dès la dernière décade du mois de juin. Si sur le plan qualitatif – humidité, poids spécifique… –, le grain a de manière très générale parfaitement répondu aux normes exigées, c’est malheureusement sur le plan quantitatif que le bât blesse, avec des rendements moyens en retrait de 25 à 30 %.
Comme toutes les espèces céréalières, cette année, les cultures d’orge d’hiver à 6 rangs ont manifesté une extrême hétérogénéité.
Escourgeon : la grosse déception
Certes, il y a toujours des exceptions dans le sens négatif, comme positif (pour quelques agriculteurs, cette moisson 2020 est leur meilleure moisson jusqu’ici), mais la tendance plus que générale est à la déconvenue. «Avec ce maître mot, qui revient pour toutes cultures céréalières, cette année : l’hétérogénéité, tant locale qu’au sein des exploitations et même des parcelles !», commente Olivier Henroz, expert céréales WalAgri.
Bien sûr, les mauvaises surprises, les contre-performances n’ont pas affecté les bonnes terres profondes.
Le nœud du problème pour les escourgeons a été, à la sortie de cet hiver pluvieux – si on peut parler d’hiver ! – cette sécheresse subite, précoce et interminable, de sorte que les pluies tardives de juin ne leur ont été d’aucun secours, contrairement aux blés qui ont pu en tirer parti. En outre, les plantes ont fait peu de talles et n’ont pu que difficilement assimiler et tirer parti de l’azote appliqué. Cette condamnation précoce de la culture explique en partie ces faibles rendements tant en grains qu’en paille.
Colza : un peu mieux qu’attendu et que l’an dernier
Tête d’assolement, le colza n’a pas été à la fête non plus, avec dès le départ, un gros recul des emblavements par rapport à l’automne 2018, et des rendements bien éloignés du potentiel génétique réel des variétés actuelles. La déception est toutefois moindre que présagée, vu la triste mine de certaines parcelles, avec une production dans une fourchette de 2,5 - 2,8 à 4,5 t/ha, et même un peu plus ponctuellement (contre 2,5 - 3,5 t/ha l’an dernier). Cet été, les rendements moyens sont plutôt de l’ordre de 3,3 à 3,5 t/ha, contre moins de 3 t/ha en 2019, poursuit notre interlocuteur.
Au début de la semaine, la récolte n’était pas encore complètement achevée. Et à raison, lorsque l’on analyse l’évolution des rendements des lots réceptionnés. On peut dès lors se demander si quelques parcelles n’ont pas été récoltées trop tôt.
Froment : de 5 à plus de 12 t/ha !
La date de semis, la nature et la structure du sol, de même que le régime des pluies, sont autant d’éléments qui expliquent une partie de l’hétérogénéité que l’on retrouve très majoritairement dans les blés récoltés cette année… jusqu’au sein même des parcelles où les capteurs de rendement pouvaient passer de 5-6 t/ha sur les crêtes à 12-13 t/ha dans les fonds.
Comme toutes les céréales d’hiver, après avoir passé un hiver particulièrement doux et bien arrosé (surtout en février), le froment a souffert d’un intense déficit hydrique, avec les conséquences déjà évoquées pour l’escourgeon : moindre tallage, assimilation azotée déficiente… à la différence que les pluies de la mi-juin ont été très salutaires aux cultures, qui ont retrouvé des couleurs.
La fourchette des rendements couvre une plage très large entre 5 t/ha et plus de 12 t/ha. Dans les bonnes terres profondes, les rendements ont été plus élevés que l’an dernier. Par contre, dans le Condroz, dans les terres à sable du Tournaisis, les sables bruxelliens du Brabant wallon, notamment, les rendements sont régulièrement en retrait de quelque 10 % par rapport à la moisson 2019.
Les premières réceptions ont commencé tôt, quelques jours avant le vendredi 24 juillet qui aurait dû être le jour inaugural de l’ouverture de la Foire de Libramont, avec des poids de l’hl entre 78 et 82 kg. Jusqu’au week-end dernier, la moyenne était de l’ordre de 79 kg/hl. Quant à la teneur en protéines, les valeurs étaient très bonnes (11,8 % en moyenne, soit 0,7 à 0,8 point de plus que l’an dernier) en début de récolte. La semaine dernière, avec la réception de variétés plus tardives, la moyenne a un peu reculé mais demeure supérieure à la moyenne de 2019 (+ 0,3 à 0,5 point), indique encore l’expert.
Enfin, si l’on jette un coup d’œil au-delà de nos frontières, beaucoup de céréaliculteurs français font grise mine, avec également une très grande variabilité des rendements selon les secteurs géographiques et au final la 3e plus petite récolte de blé de ces 25 dernières années, pour un total inférieur à 30 millions de tonnes.
Propos recueillis par M. de N.