
En effet, lors de l’ensilage de fourrages, certaines réactions peuvent entraîner la production de CO2 peu dangereux dans un milieu aéré (gonflement d’ensilages), mais aussi plus rarement de gaz mortels. Ce fut notamment le cas dans la situation représentée sur la photo, où l’agriculteur a observé une nuée jaune/rougeâtre s’échappant de son silo, 12 heures après l’ensilage.
De quoi s’agit-il ?
La production d’oxyde nitreux dans un ensilage est un phénomène apparaissant lorsque différentes conditions précises sont réunies lors de l’ensilage d’un fourrage. Les plantes puisent l’azote sous forme de nitrate (NO3-) dans le sol, en quantité variable selon la fertilisation azotée et les conditions météorologiques. Cet azote est transformé dans les feuilles en acides aminés puis en protéines.
Dans des conditions environnementales particulières, il est possible que le fourrage récolté n’ait pas eu l’occasion de réaliser correctement cette transformation. Des quantités élevées de nitrates s’accumulent alors dans la base de la tige et se retrouvent dans les ensilages. Dans les premières heures suivant la mise en silo, ces nitrates sont réduits en nitrite essentiellement par les entérobactéries. Ces nitrites peuvent être dégradés en ammoniac (NH3) et monoxyde d’azote (NO).
En présence d’oxygène, le NO (gaz incolore et inodore) peut s’oxyder pour former le NO2 (teinte rougeâtre), le N2O3 (teinte brunâtre) et le N2O4 (teinte jaunâtre). Tous ces gaz sont extrêmement dangereux pour la santé. En contact avec l’humidité, ils se transforment en acides, extrêmement corrosifs pour les voies pulmonaires notamment.
Dans quels cas ce phénomène peut-il se produire ?
Ce phénomène peut se produire lorsque les conditions météo ou de culture sont favorables à une accumulation de nitrates dans la plante comme :
– fertilisation azotée excessive et/ou fertilisation déséquilibrée (équilibre NPK) ;
– délais de moins d’un mois entre la fertilisation azotée et la récolte ;
– sécheresse suivie de fortes pluies peu de temps avant la récolte ;
– longues périodes nuageuses qui réduisent la photosynthèse ;
– une hauteur de coupe trop faible (< 5 cm) ;
– des feuilles et/ou racines abîmées ;
– en culture de maïs, qui tend à absorber davantage de nitrates en conditions de stress.
Si les conditions de récolte ou de conservation sont mauvaises, les risques de production de gaz sont amplifiés.
– ensilage récolté trop rapidement, humide et ayant chauffé ;
– baisse du pH dans l’ensilage insuffisante entraînant une forte réduction des nitrates en nitrites et ensuite la réduction de ceux-ci en ammonium ;
– récolte de terre et de bactéries dans l’ensilage.
Comment l’éviter ?
Pour l’éviter, il est préconisé de :
– récolter dans de bonnes conditions météorologiques ;
– éviter d’ensiler un fourrage trop humide ;
– ne pas faucher trop bas pour éviter toute contamination par la terre ;
– en cas de conditions de sécheresse suivie d’une période de pluie, faucher plus haut car les nitrates se situent dans la base de la plante ;
– soigner sa conservation (tassement, bâchage rapide et sans entrée d’air).
Quel avenir pour un ensilage ayant subi ce phénomène ?
Dans tous les cas, dès la moindre suspicion d’émission de gaz toxique, une analyse de fourrage doit rapidement être réalisée (teneurs en nitrates et bactéries).
Si l’analyse révèle un ensilage de très faible valeur alimentaire surtout au niveau protéique, c’est que la fermentation s’est mal passée. Sachant que la réduction des nitrates contrecarre l’acidification, il est fort probable que le pH ne diminue pas assez rapidement. Les entérobactéries qui assurent essentiellement cette transformation ne peuvent agir qu’à un pH supérieur à 4,5. La réduction des nitrates en nitrites et puis en ammonium favorisé par un pH élevé est donc encore plus amplifiée… Une fois qu’il n’y a plus de nitrites, ni de NO, les clostridies se développent. Les entérobactéries et les clostridies sont deux groupes de bactéries nocifs pour la bonne conservation de l’ensilage. Il en résulte un ensilage sans aucun intérêt alimentaire (faible digestibilité, perte des nutriments…) avec des teneurs en acides butyrique et acétique élevées. Ce fourrage sera probablement refusé par les animaux. En tout cas, il faut éviter de distribuer cet aliment en trop grande quantité pour éviter les problèmes de production et de fertilité.
Dans certains cas et malgré des valeurs alimentaires correctes, il est possible que la quantité de nitrate et/ou nitrites dans l’ensilage soit encore élevée. L’ingestion de fourrage riche en nitrate peut notamment entraîner des productions de nitrites dans le système digestif qui troublent le métabolisme de l’animal. Avortement, baisse de production, problèmes cardiaques, tremblements, halètement, perte d’équilibre et affaiblissement conduisant à la mort peuvent être des symptômes liés à une intoxication aux nitrates. La quantité de nitrates dans l’ensilage peut être réduite en laissant la fermentation faire son travail. Il est vivement conseillé de faire une analyse de nitrates de son fourrage pour limiter les risques. En théorie, une concentration de maximum 6.000 ppm pour un kg de matière sèche de fourrage conservé et 1.000 ppm/kg MS pour un fourrage frais devraient limiter les risques d’intoxication.
Fourrages Mieux /
Centre de Michamps
