pour les investisseurs
Demande soutenue au niveau des massifs forestiers
Le secteur du foncier rural a, lui aussi, été mis à l’épreuve du confinement. Il est devenu un enjeu crucial avec le conflit russo-ukrainien dans un cadre de « réarmement alimentaire » a indiqué, lors de sa présentation, Benoît Léchenault, directeur d’Agrifrance, qui se refuse à sombrer dans la sinistrose malgré la forte augmentation des matières premières agricoles.
En 2021, le marché du foncier rural français a progressé de 10 % à 20 % pour représenter quelque 10 milliards €.
Il faut savoir que la France compte 26 millions d’hectares de terres et de prairies naturelles, 16 millions d’hectares de forêts qui sont détenues à titre privé et quasiment un million d’hectares de vignobles sous appellation d’origine protégée.
Et ce marché intéresse les Belges car à 6.000€ l’hectare, la France est bien moins chère que la Belgique qui culmine à 38.500 l’hectare, derrière les Pays-Bas et ses 70.320€ l’hectare.
« Chaque année, 1 % à 2 % de ces surfaces changent de mains » indique M. Léchenault en précisant que « le marché des grands domaines est par essence très limité ».
Dans un contexte de flambée des prix des matières premières, de retour d’inflation, de déstabilisation des activités économiques, les marchés se tendent.
« Au niveau des massifs forestiers, on constate une offre limitée face à une demande très soutenue qui tire les prix vers le haut (2,3 % de hausse entre 2019 et 2020) ». Il faut dire que les perspectives de valorisation des crédits carbone renchérissent en outre l’appétit de certains investisseurs.
En 2020, les surfaces échangées sur le marché des forêts ont concerné 132.500 hectares pour 18.460 transactions et 1,7 milliard €.
Les céréales, un marché sous tension
La récolte mondiale de céréales en 2021, de l’ordre de 2,287 millions de tonnes, constitue la plus importante de l’histoire. Pourtant, les prix ont fortement augmenté et continué leur progression en 2022.
Même si les stocks disponibles doivent permettre de faire face à des aléas climatiques, on estime qu’environ 317 millions de tonnes se situeraient en Chine qui abrite 50 % des stocks mondiaux de céréales, toutes catégories confondues.
Très attentif à sa souveraineté alimentaire, le gouvernement chinois a massivement acheté des céréales, faisant ainsi chuter les stocks des pays exportateurs en 2021. Les prix se sont envolés, ce qui n’est pas sans conséquences pour les pays d’Afrique du Nord, traditionnellement importateurs.
Il en va de même pour le poste énergie (carburants, lubrifiants) et pour le prix des engrais azotés, élaborés pour 50 % à base de gaz russe. Quant au pétrole, le baril a dépassé les 100 dollars en février de cette année.
Le marché du blé est très révélateur, « il est synonyme de pain, de vie. Une pénurie peut dégénérer en émeute » resitue Benoît Léchenault en rappelant qu’en mai 2022, son prix a atteint des records à 406€ la tonne, soit plus de 49 % depuis le début du conflit russo-ukrainien. « De mémoire d’agriculteurs, personne n’a connu des hausses de prix de cette ampleur » a-t-il ponctué.
Dans le sillage du blé, les cours du maïs se sont envolés en 2021. À 231€ la tonne en décembre 2021, ils progressent de 19 % sur un an. Depuis le début du conflit en Ukraine, la tonne a encore gagné 56 % à 361€, chiffre au 1er mai 2022.
Marché du foncier agricole français
En 2021, le prix d’un hectare de foncier agricole libre de bail cotait en moyenne 8.120€ pour les terres céréalières et 5.540€ pour les prairies, nous apprend la note d’Agrifrance. Si, depuis dix ans, le prix a progressé de 4 % par an, il reste l’un des moins chers d’Europe.
Par rapport à 2020, le prix des terres n’augmente que de 0,1 %. Cette faible progression s’explique par la baisse des revenus des agriculteurs qui ont reculé de 2,6 % selon l’Insee
Les chiffres du rendement locatif brut loué
Dans sa note, Agrifrance cite la région Nord Pas-de-Calais, le Santerre, la Champagne Crayeuse ou le Saint Quentinois, ou certaines régions du Sud de la France, comme la Crau, ou la Vallée de la Durance. En bas de l’échelle, les régions les moins chères cotent aux alentours de 2.000€ par hectare. Comme par exemple, la Mayenne, ou une partie de la Côte-d’Or ou de la Nièvre, avec le Morvan.
Sur le marché du foncier agricole loué qui représente environ 75 % des surfaces, la décote d’une terre louée est de 25 % en moyenne, mais elle peut varier de 0 à 60 %. Pour un propriétaire bailleur, le foncier loué vaut en moyenne entre 4.010 et 6.530 € par hectare.
Comme en Belgique, le difficile accès à la terre pour les jeunes
Comme en Belgique, l’accès au foncier reste compliqué pour les jeunes en France, « un agriculteur sur deux ayant plus de 50 ans, voire 60 ans » explique Benoît Léchenault qui « reproche un peu » à la profession agricole sa tendance se renfermer plutôt que d’ouvrir le marché et d’encourager des systèmes où l’on ferait porter le foncier par des investisseurs extérieurs pour installer les jeunes agriculteurs ou viticulteurs,
« Nous avons néanmoins des clients qui investissent dans du foncier agricole loué pour porter des projets incluant des jeunes agriculteurs et ça se passe admirablement bien : l’investisseur a son rendement et le jeune peut se consacrer exclusivement à son métier » se félicite le directeur d’Agrifrance.
Viticulture : un cocktail climatique défavorable
Plus faible récolte depuis… 1970, la production viticole de 2021 est estimée à quelque 36,1 millions d’hectolitres, ce qui représente une baisse de 23 % par rapport à l’année 2020 et de 15 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
Une situation que l’on doit à « un cocktail climatique défavorable dans lequel on retrouve des épisodes de gel, de sécheresse, un été humide qui a conduit à une explosion des maladies » précise M. Léchenault ajoutant que « seules les Charentes et la Corse augmentent leur production, tandis que toutes les autres régions régressent ».
En Val de Loire par exemple, le gel printanier a touché tout le bassin et les grappes ont été impactées par la coulure et le millerandage. Des conditions défavorables qui ont entraîné une baisse de 41 % de la production. Avec une chute de 80 %, la production jurassienne s’est effondrée.
Quant à la Champagne, elle a enregistré, en raison d’une météo estivale humide, une chute de 25 % de sa production qui serait la plus basse depuis 40 ans, poussant les professionnels à devoir utiliser les réserves des années précédentes.
Les exportations de vins et spiritueux repartent à la hausse
Le champagne, maître-étalon du foncier viticole
Dans un contexte difficile en 2021, les valeurs du foncier viticole sont en léger repli (147.000€ par hectare) et le nombre de transactions en baisse.
« Quand on prend le prix moyen d’un hectare de vigne en France, il faut tout de suite penser à l’évolution du prix du champagne, tellement important en surfaces et en valeur (1,2 million € par hectare), qu’il arrive à influencer à lui seul le prix moyen du marché global des vignobles » nous
Marché viticole à deux vitesses
Fortes tensions sur le marché du bois et de la forêt
En France, où les forêts constituent environ 30 % des surfaces, le marché des bois est également sous tension. Plusieurs facteurs, comme la reprise de l’économie mondiale et des difficultés logistiques, ou encore la fermeture, afin de protéger leurs forêts, des exploitations forestières en Chine pour 100 ans, expliquent cette forte demande en bois.
Les investisseurs sont souvent des personnes extérieures au monde rural, même si beaucoup d’agriculteurs investissent dans les forêts. « C’est un actif relativement simple à faire gérer par un forestier et qui bénéficie d’exonérations fiscales intéressantes » détaille B. Léchenault.
Pour Agrifrance, les prix se situent toutefois « un peu trop dans le haut de la fourchette ».
Les résineux connaissent ainsi une augmentation de 37 % du prix au m3 en 2021. Les feuillus ne sont pas en reste, avec une hausse de prix record de plus de 20 % en moyenne par rapport à 2020.
Le chêne a augmenté de 38 % par rapport à 2020 et de 41 % par rapport à 2019. À plus de 50€/m3, le peuplier est également fortement apprécié. Seuls le hêtre (56€/m3 et le frêne (96€/m3) ont moins profité de l’embellie indique la note d’Agrifrance.
Quant aux résineux, les ventes ont été aussi particulièrement dynamiques en 2021. Le Douglas atteint un prix exceptionnel de 100€/m3 pour les bois de plus de 1,5m.
Sur le marché des forêts de plus de 100 hectares Agrifrance constate une offre limitée face à une demande très soutenue qui tire les prix vers le haut. Les perspectives de valorisation des crédits carbone renchérissent l’appétit de certains investisseurs.
« On a beaucoup exploité et il va falloir désormais songer à la replantation, une opération qui se gère avec la filière forestière et qui fait partie des enjeux des années à venir » précise M. Léchenault.
Et de conclure que les marchés sont positifs et le foncier rural, qu’il soit agricole, viticole ou forestier lui semble « une parfaite valeur refuge ».
