Éleveur de brebis,
Stijn dresse des chiens
pour protéger son troupeau
Stijn Vandyck, éleveur de brebis flamand installé à Vielsalm, dresse des chiens pour protéger ses moutons du loup. Son petit bétail change régulièrement de zone de pâturage, aucune
clôture ne peut donc le protéger des prédateurs.
« Ces chiens sont parfaitement adaptés aux grands espaces
naturels, mais ils sont peut-être un peu trop sauvages pour les zones densément peuplées. »
En collaboration avec Welkom Wolf, Stijn Vandyck (43 ans) dresse des chiens de race mâtin espagnol à protéger ses animaux contre le loup. Les chiots, nés en janvier, pourront bientôt travailler en duo dans les pâturages de Stijn. Jusqu’à présent, ils sont toujours tenus en laisse. Dans un an, ils auront fini leur apprentissage et pourront être confiés à d’autres éleveurs de brebis.
Son hobby est finalement devenu son métier
Il y a une vingtaine d’années, Stijn Vandyck a déménagé de Montaigu en Flandre pour s’installer à Vielsalm, afin de faire de son hobby son métier. Aujourd’hui, il possède une belle ferme biologique, la Bergerie de la Grande Fange, avec 400 brebis, 15 chèvres, 3 vaches et 3 chevaux. Les brebis sont de races diverses et paissent sur des sols pauvres, presque exclusivement composés de fourrage grossier. L’éleveur vend sa propre viande d’agneau et construit actuellement sa maison. Un véritable self-made man.
« Au départ, je voulais vraiment partir en Écosse pour devenir éleveur de brebis », explique Stijn. « Mais ma femme n’en avait pas du tout envie. Nous étions encore jeunes tous les deux, moi 24 ans et elle 22 ans, et nous avons choisi le juste milieu : la Wallonie. Nous avons décidé de venir à Vielsalm lorsque ma femme a appris qu’elle pourrait immédiatement commencer à y travailler comme professeure de néerlandais. J’ai travaillé ici, comme à Montaigu, pendant plusieurs années en tant que menuisier. L’élevage de brebis restait un hobby. Je ne parlais pas un mot de français, j’ai donc dû l’apprendre sur le tas. Le premier semestre a été difficile. À la maison, j’écoutais des cassettes pour apprendre par moi-même, et au travail, on ne me parlait que français. Au bout de 2 ans environ, je maîtrisais la langue.
En 2008, j’ai eu l’occasion de faire paître mes brebis dans un grand domaine privé près d’un château et de faire de mon hobby mon métier. C’était mon rêve depuis des années, j’ai donc saisi l’occasion à bras-le-corps. Ma femme et moi avons eu trois filles que nous avons élevées dans ce magnifique environnement. Nous ne sommes plus ensemble aujourd’hui, mais nous sommes toujours de bons amis et nous vivons non loin l’un de l’autre. »
L’importance de pouvoir faire paître ses brebis
« Avec mes brebis, je pratique l’écopâturage, qui est assez extensif. Une partie de mes brebis reste dans des domaines naturels permanents et je fais paître ailleurs le reste du troupeau. Deux fois par jour, accompagné de mes borders collies, je conduis mes brebis dans les fagnes où elles peuvent pâturer pendant trois heures. La première fois, nous partons à 6 h du matin et revenons à 9 h.
Ensuite, les brebis ruminent et se reposent. Pendant les heures les plus chaudes de la journée, les brebis restent à l’abri dans l’étable. Elles ont accès à de l’eau, à des blocs de sel et à des minéraux. Le soir, nous repartons. Nous reprenons le chemin des fagnes à 18 h et je laisse mes brebis paître jusqu’à 21 h. Je ne quitte jamais mes brebis pendant ce temps.
Avant, j’emmenais uniquement mes border collies, mais maintenant, j’emmène aussi deux mâtins espagnols que je tiens en laisse le temps de leur apprentissage. Ils ont six mois et pourront bientôt rejoindre un groupe de brebis qui paissent en réserve naturelle. Dans un an, leur apprentissage devrait être terminé et ils pourront être confiés à un autre éleveur de brebis.
Le mâtin espagnol est une race idéale pour protéger les troupeaux contre le loup, une fonction qu’il a toujours remplie en Espagne, son pays d’origine. Il continue d’ailleurs d’y être utilisé à cet effet, car l’Espagne a toujours eu des loups. Malheureusement, d’autres races ont quelque peu désappris leur fonction initiale. J’ai un chien de montagne des Pyrénées depuis plusieurs années, mais comme le loup ne s’est plus manifesté en France depuis longtemps, la race a en quelque sorte oublié comment remplir son rôle. Au sein de cette race, il faut procéder à une nouvelle sélection. Le chien de montagne des Pyrénées aboie beaucoup, ce qui n’est pas idéal dans les zones densément peuplées. S’il sent une personne à des centaines de mètres, il commence déjà à aboyer ; ce n’est pas le cas du mâtin espagnol. »
Des chiens qui peuvent être plus difficile à gérer
« Le mâtin espagnol est un chien idéal pour protéger des troupeaux, et pas seulement contre le loup. Souvent, il considère aussi les humains ou les autres chiens comme des intrus. Je pense donc qu’il ne convient pas pour les troupeaux vivant dans des zones très peuplées. Des incidents se sont déjà produits avec des mâtins espagnols, c’est pourquoi il est très important de les dresser correctement.
Sans l’aide d’Edo Gommes et de Welkom Wolf, je ne me serais jamais lancé. Edo a mis en place le programme d’élevage avec Welkom Wolf et c’est lui qui vient ici plusieurs fois par semaine pour suivre et soigner les chiens. Ces chiens doivent absolument être dressés par quelqu’un qui s’y connaît, sinon, les choses peuvent mal tourner.
Les jeunes chiens doivent aussi toujours être en compagnie d’un chien plus âgé et dressé afin de donner le bon exemple. Si les chiots n’ont pas d’exemple, ils risquent de se montrer trop joueurs envers les brebis et de les blesser.
J’ai également appris qu’il ne fallait pas laisser un chien près d’une brebis en train d’agneler, car il s’interposerait entre la brebis et l’agneau après la mise à bas. Si le chien se met à lécher l’agneau, la brebis le repoussera, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.
Lorsque Welkom Wolf m’a demandé de dresser ses chiens ici, j’ai accepté volontiers. Je ne suis absolument pas contre le loup, mais je tiens évidemment à protéger mes animaux. Le loup n’a pas été aperçu ici depuis plusieurs années. Mais en 2016, mes brebis ont été les premières victimes de ce prédateur en Belgique. Au total, en trois jours d’affilée, j’ai retrouvé sept brebis complètement dévorées. J’ai tout de suite su que ce n’était pas le fait d’un chien. Mes brebis subissent des attaques de chiens chaque année, mais je les retrouve dans un état différent. Elles sont blessées ou mortes, mais pas dévorées. J’ai alors immédiatement appelé le Département de la Nature et des Forêts (DNF), qui a trouvé l’ADN. »
En 2016, la première attaque belge du loup
« Le DNF a pu démontrer que l’ADN provenait d’un grand canidé, mais n’a pas pu dire s’il s’agissait d’un loup. En 2018, des excréments de loup ont été trouvés, et il s’est avéré qu’ils contenaient le même ADN que celui trouvé sur mes brebis en 2016. J’ai alors reçu un courrier me confirmant qu’il s’agissait effectivement d’un loup à l’époque.
Curieusement, il n’y en a plus qui est passé par ici depuis. Je m’étonne d’ailleurs qu’aucune meute ne se soit encore établie dans les environs, mais je pense que cela ne va plus durer.
Comme j’emmène mes brebis pâturer, elles ne sont protégées par aucune clôture. Elles sont donc à tout moment à la merci du loup. En enclos, les brebis pâturent certes dans une zone fermée, mais les clôtures ne sont pas totalement résistantes à ces animaux.
Je souhaite donc me préparer à l’arrivée des loups dans cette région, c’est pourquoi je suis heureux d’avoir pu entamer cette collaboration avec Welkom Wolf. Et je pense que les chiens, s’ils sont bien dressés, pourraient rejoindre utilement ma ferme. Certains de nos chiens sont déjà allés en Haute Veluwe, aux Pays-Bas, et se sont retrouvés face à face avec un loup. La propriétaire se promenait avec les chiens en laisse, quand elle a soudain vu ce prédateur au milieu de ses brebis. Elle a lâché les chiens et ils se sont immédiatement lancés à l’assaut du loup qui s’est enfui aussi vite qu’il l’a pu. Ils font donc vraiment du bon travail. En Haute Veluwe, les chiens ne sont pas encore lâchés dans le troupeau, car il y a pas mal de promeneurs et de cyclistes.
Ces canidés ont besoin d’une très bonne formation pour savoir quand il y a un réel danger dans leur pâturage. Ils ne doivent surtout pas prêter attention à ce qui se passe en dehors de la zone de pâturage, et cela peut s’avérer difficile. Mais c’est primordial, en effet, personne ne souhaite voir un chien de 70 kg lui foncer dessus ! »
Le Réseau Loup en Wallonie vs Welkom Wolf en Flandres
« Je suis membre du Réseau Loup, la version wallonne de Welkom Wolf. Bien que ces organisations aient beaucoup de choses en commun et qu’elles aient tout intérêt à collaborer, elles n’y parviennent malheureusement pas.
Le Réseau Loup est subventionné par la Région wallonne tandis que Welkom Wolf est une ASBL. De plus, Welkom Wolf est mal vue du Réseau Loup, et ce n’est pas juste. L’ASBL flamande comprend, elle aussi, des biologistes ainsi que d’autres experts. Une meilleure coopération entre les deux organisations permettrait réellement de mieux relever les défis liés au loup en Belgique. La situation est d’ailleurs identique entre Natagora (en Wallonie) et Natuurpunt (en Flandre). Je trouve cela vraiment regrettable », estime Stijn.
Poursuite du programme d’élevage de ces chiens
« Actuellement, les autorités belges n’accordent aucune subvention pour l’achat de chiens de protection de troupeaux. C’est dommage, car aux Pays-Bas, en Allemagne et en France, les éleveurs de brebis y ont droit. L’achat de deux chiens coûte facilement 6.000 euros, et leur entretien n’est pas bon marché non plus, car ils ont un gros appétit. À la fin du mois, nos chiots resteront pour la première fois en duo en pâturage avec les brebis. Je suis impatient de voir comment cela va se passer, mais comme ils sont bien dressés, je suis confiant.
De plus, je tiens vraiment à poursuivre ici le programme d’élevage de mâtins espagnols dans les prochaines années et à élever quelques portées supplémentaires.
Cette année, nous avons eu 7 chiots et ils se portent bien. Je pense que c’est l’endroit idéal pour leur formation, surtout grâce à la bonne coopération avec Edo Gommes et Welkom Wolf », conclut Stijn.
Sanne Nuyts