Le marché des terres (qui est régulé et encadré en France) demeure très attractif, par rapport à l’évolution du prix des forêts et du foncier agricole européen, beaucoup plus élevé.
Le rendement locatif brut du foncier agricole loué s’établit en moyenne à 3,4 % en 2022 et sur les 10 dernières années. Ce rendement brut moyen oscille entre 2,5 % et 4,5 % selon le niveau de prix du foncier et la nature des productions.
Sur les 10 dernières années, le prix moyen du foncier agricole s’est apprécié de 3,6 % par an.
La performance (cumul rendement et valeur du capital) est plus qu’honorable et s’établit en moyenne à 7 % par an hors fiscalité.
« Nous sommes sur un foncier agricole qui n’augmente pas et demeure actuellement extrêmement intéressant pour un investisseur » a souligné Benoît Léchenault.
La Safer, gendarme du foncier
Le marché du foncier rural reste, entre 90 % et 95 %, franco-français, surtout depuis que la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) qui dispose d’un droit de préemption, réglemente le marché.
Son champ d’action a d’ailleurs été récemment renforcé par la Loi Sampastous de 2021 qui a instauré un contrôle de certaines cessions de parts sociales et plus largement des modifications de la répartition du capital social des sociétés détenant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole.
Au niveau des investisseurs étrangers, ce sont les Belges qui sont les plus représentés, intéressés par le marché français, bien moins cher qu’en Belgique.
Que se passe-t-il dans les vignes ?
Le prix moyen du foncier viticole en France cote autour de 151.200 €/ha, « chiffre en trompe-l’œil qui cache des situations très différentes d’une région à l’autre » précise M. Léchenault.
Si certaines vignes valent 10.000 €/ha, d’autres peuvent grimper jusqu’à 20, voire 40 millions €/ha. C’est le cas en Bourgogne, sur les Crus Classés.
Le prix des vignes en France progresse en moyenne de 1,5 % par an depuis 10 ans. En Bordelais, Saint-Émilion progresse sur les 10 dernières années de 18 % par an et Pomerol de 15,7 % par an, alors que l’AOP Bordeaux atteint difficilement 1 % d’augmentation annuelle. Le prix du Bordeaux générique s’est même effondré de près de 12 % en un an.
En Bourgogne, les Grands Crus connaissent en moyenne une augmentation de 9 % par an sur 10 ans, et les Premiers Crus de 8 %. La Champagne qui a ralenti en prix ces dernières années, connaît, comme les Crus des Côtes-Du-Rhône ou les Côtes de Provence, une hausse de 3 à 4 % par an sur les 10 dernières années
Le marché du vin explique en partie les évolutions de prix à l’hectare dans un secteur tout à la fois diversifié et volatile avec de fortes disparités.
Le haut de gamme (notamment les vins qui ont la possibilité d’être exportés) fonctionne très bien et la Champagne, la Bourgogne et la Provence et ses rosés sont les trois régions qui « surperforment » tandis que le Bordelais souffre un peu en raison de la concurrence à l’exportation.
« Les appellations d’entrée de gamme en Bordeaux ont diminué en valeur parce qu’il est plus difficile, voire impossible, de les exporter sur le marché international » illustre Benoît Léchenault.
Les États-Unis et le Royaume-Uni, grands importateurs de vins
Avec 20 % des exportations, les États-Unis restent le premier pays importateur de vins français au monde. En 2022, les ventes augmentent de 14 % et représentent plus de 2,2 milliards €.
Ces bons résultats s’expliquent en grande partie par les ventes de vins effervescents, dont le champagne. En dépit du Brexit, les ventes vers le Royaume-Uni s’établissent à 1,4 milliard €, en progression de 8,5 % par rapport à l’année précédente.
Le Royaume-Uni demeure le deuxième marché français. À eux deux, les États-Unis et le Royaume-Uni concentrent plus de 30 % du chiffre d’affaires des exportations françaises de vins.
« Nous notons par ailleurs une reprise des exportations de vins français vers la zone asiatique, notamment au Japon. Avec 18,7 % de croissance, Singapour devient la plateforme régionale pour la distribution des vins français, devant Hong Kong et la Chine » a annoncé le directeur d’Agrifrance.
Forêt : un environnement économique un peu plus contraint en 2023
Il s’agit d’un marché qui a augmenté de 140 % en l’espace de dix ans. Le prix moyen à l’hectare se situe autour de 4.600 €, en hausse de 4,2 % par rapport à 2021.
« Aujourd’hui, pour un client qui recherche une forêt de plus de 50 ha, on sera plutôt sur des prix de l’ordre de 14.000 ou 15.000 € par hectare pour une forêt avec de beaux peuplements » précise Benoit. Léchenault.
Plus de 80 % des ventes et 35 % de la surface cédée correspondent à des transactions de moins de 10 ha. A noter que les agriculteurs restent les premiers acquéreurs de forêts, souvent achetées avec des terres agricoles.
Agrifrance note toutefois un léger coup de frein sur le marché en cet automne 2023 en raison du contexte actuel marqué par un ralentissement du marché de l’immobilier, une augmentation des taux et la baisse du prix du bois : « c’est la première année que celui des essences, en ce compris le chêne, diminue » spécifie M. Léchenault.
Quant au hêtre, il a accusé un repli de 10 % de ses prix. En résineux, toutes les essences ont baissé de 20 à 30 % sur les six derniers mois de 2022 après avoir augmenté pendant cinq ans. Le douglas (73,77 €/ m³) et l’épicéa commun (51,93 €/m³) ont perdu respectivement 30 % et 26 % en 6 mois.
En 2023, l’incertitude sur les marchés du bois demeure et s’est même amplifiée. Aux États-Unis, le marché de la construction ralentit de 20 % et la Chine réduit ses importations de résineux, entraînant une chute du prix des sciages de 40 %.
En Europe, la filière du bois prévoit en 2023 un recul de 2 à 3 % des sciages de planches en résineux.
La résilience des acteurs du foncier rural, viticole et forestier
« Quand des éléments de crise surviennent sur un marché, c’est l’entrée de gamme qui est en est la première victime : une forêt, un vignoble ou des terres agricoles de grande qualité seront toujours impactés en deuxième ou troisième ligne » souligne le directeur d’Agrifrance avant de préciser que « nous sommes toujours sur des marchés très sains même si l’on peut évoquer une sorte de réajustement ou de rééquilibrage, avec des investisseurs qui se posent davantage de questions ».
Enfin, M. Léchenault s’est voulu optimiste quant aux perspectives futures.
Le foncier rural, qu’il soit agricole, viticole ou forestier, est un secteur qui fait face à de grands enjeux en matière de réchauffement climatique et de renouvellement générationnel.
Mais les professionnels qui le font vivre ont toujours su faire preuve de résilience et d’innovation pour s’adapter aux changements.
Marie-France Vienne