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Bastogne ne deviendra pas un supermarché pour les frelons asiatiques!

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Nous ne tenons absolument pas à ce que le frelon asiatique vienne se servir dans nos ruchers pour nourrir leurs familles nombreuses.

Arrivé par accident dans la région bordelaise avec des terres cuites venant de Chine, le frelon asiatique a doucement mais sûrement colonisé la France, et ne s’est pas arrêté en si mauvais chemin. Les pays limitrophes ont eux aussi été touchés par cette vilaine bestiole qui mange tout sur son passage. Chaque nid dévore environ 11kg d’insectes, tout est bon, et en fin de saison, quand ses locataires trouvent un rucher, ils attaquent les abeilles fatiguées dont ils ne font qu’une bouchée qu’ils partageront avec leurs congénères.

Les femelles fécondées commencent à fabriquer un petit nid primaire. Une fois ce nid totalement fermé, une sélection s’opère alors. La plus forte des femelles tue ses concurrentes et commence à pondre. C’est elle qui deviendra la reine et assurera ensuite la descendance. Le nid grossit alors durant tout l’été. Une partie de l’essaim peut se délocaliser souvent dans la cime d’un arbre mais aussi sous un abri ou une toiture à proximité. Ce nouveau nid est souvent plus gros. Bien caché dans la canopée, on ne le découvrira qu’en automne, au moment de la chute des feuilles. Hélas, à ce moment les nouvelles fondatrices sont déjà fécondées et l’année d’après chaque nid peut en engendrer une vingtaine d’autres. On ose imaginer en quelques années le nombre de nid qu’il peut y avoir.

Oui, le frelon est carnivore, mais il se nourrit surtout d’insectes, et constitue un redoutable prédateur pour nos insectes indigènes dont certains sont déjà en déclin. Les poubelles, les barbecues, sont aussi son terrain de jeu, car il a besoin de protéines pour nourrir la reine frelon et sa nombreuse descendance.

Quand une colonie de frelons trouve une ruche, c’est comme si elle débarquait dans un restaurant étoilé avec un buffet garni à volonté. Le frelon a la capacité de voler en stationnaire, au moment où l’abeille, alourdie et fatiguée, arrive sur la piste d’atterrissage. Il fond sur sa proie, lui sectionne la tête et les pattes avant de s’emparer de la partie la plus charnue et musclée, source de protéines.

Les petites abeilles, stressées, n’osent plus sortir, leur nourriture se raréfie, la ponte de la reine ralentit, affaiblissant la colonie. Les frelons ont alors tout le loisir de la piller, entraînant la disparition du miel et des abeilles, au grand désespoir des apiculteurs.

Les abeilles sont déjà impactées par le varroa, lui aussi importé de Chine, mais aussi par le changement climatique, la sécheresse, le manque de fleurs nourricières… Nous courrons le risque de perdre tous nos butineurs et surtout tous nos pollinisateurs. Le manque de mouches et autres insectes aura des répercussions sur les populations d’oiseaux qui s’en nourrissent.

Il faut trouver une solution !

Cela passera par le piégeage de printemps, quand la jeune reine cherche seule sa nourriture et du sucre où puiser son énergie. C’est le moment idoine pour placer des pièges sucrés dès que la température atteint environ 13 degrés. Nous y glissons un bouchon de liège comme flotteur pour que les petites mouches puissent ressortir, un liquide sucré et fermenté va attirer le frelon asiatique tandis qu’il repoussera les abeilles.

À noter que l’entrée du piège est trop petite pour notre frelon européen que nous souhaitons, pour notre part, protéger. C’est ce que nous appelons un piège « sélectif ». L’appât doit être changé tous les 15 jours, sauf le contenant qui diffuse des phéromones qui attireront d’autres frelons.

La section des Babeilles de Michamps, école agréée de l’Union royale des ruchers wallons (Urrw), a décidé de venir en aide aux apiculteurs de la région. Il faut savoir que le frelon asiatique a fait son apparition en deux endroits l’an dernier. Nous n’avons toutefois pas pu localiser leurs nids, et il est donc possible que ces deux colonies aient essaimé pour produire plusieurs reines à la recherche d’un nouveau terrain de chasse. Ces dernières peuvent parcourir plusieurs centaines de mètres.

L’idée consiste à placer des pièges autour des nids, car une reine détruite est synonyme d’un nid en moins.

La ville de Bastogne a décidé de nous offrir une série de pièges qui sera distribuée uniquement dans les zones touchées. Ce sera notre section qui se chargera de leur distribution. La commune prendra aussi en charge la désinsectisation lors de la découverte des nids. Voilà donc une vraie bonne nouvelle pour sauver notre biodiversité pour tous nos insectes. Nous croisons les doigts pour que cette nouvelle fasse jurisprudence dans toutes les communes belges afin de déclarer la guerre aux frelons asiatiques dans notre pays.

Je tiens ici à remercier Monsieur Besseling, échevin de la nature, le conseil communal et Monsieur Klein, agent constatateur et chef de file de Nature Admise dans notre bonne commune de Bastogne. Un merci aussi aux petites mains pour l’aide apportée à ce projet et à celles et ceux qui participeront à la surveillance de ce prédateur venu de loin dont on veut enrayer la prolifération.

Jocelyne Collard

Présidente de l’Union royale des ruchers wallons et directrice de l’école apicole de Michamps à Bastogne

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