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Visite de l’Ambassadeur de Chine au Carah : «Une coopération exemplaire appelée à se renforcer»

C’est un prestigieux visiteur que le Carah a accueilli, le 17 février dernier, dans ses différents pôles. Cao Zhongming, l’Ambassadeur de Chine en Belgique, est venu à la rencontre des dirigeants athois pour échanger et les remercier du travail effectué par leurs équipes sur le terrain au niveau de la lutte contre le mildiou. Et dire que tout a commencé par une annonce dans Le Sillon Belge…

Temps de lecture : 8 min

Un entrefilet dans nos pages relayait en effet, en 1998, une annonce de l’Awex relative à l’organisation d’un stand collectif au premier Salon international agricole de Pékin en 1999.

La pomme de terre, une culture phare en Chine

Le Carah rappelle que c’est sous l’impulsion de François Serneels qu’il décide d’y participer et présente en Chine son système d’avertissement pour la protection des champs de pomme de terre contre le mildiou. Lors de ce salon, des contacts sont pris avec le Centre International de la Pomme de Terre (qui dispose de bureaux locaux en Chine).

Il faut savoir que la pomme de terre est la quatrième culture chinoise après le riz, le blé et le maïs. Tout comme leurs homologues belges, les agriculteurs locaux sont confrontés tous les ans à des graves problèmes dus au mildiou, ce champignon microscopique capable de détruire parfois jusqu’à 70 % des cultures à l’échelle d’une région (100 % à l’échelle d’une parcelle).

L’expertise du Carah reconnue en Chine

À l’initiative de Christian Ducatillon, l’équipe du Carah a développé, dès la fin des années 70, un dispositif d’avertissement pour tous les agriculteurs de la province de Hainaut avant de s’étendre à toute la région wallonne.

En Chine, c’est au sein du Comté de Wuxi, devenu depuis la référence nationale chinoise pour la lutte contre le mildiou, qu’a été mis en place pour la première fois le système Carah d’avertissement. S’ensuivront de nombreux échanges internationaux entre le Carah et la Chine visant l’amélioration de la culture de la pomme de terre et celle de l’efficacité des intrants.

Le succès enregistré par Wuxi dans ce domaine a d’ailleurs amené les autorités nationales à y organiser, en 2013, la conférence nationale chinoise sur la pomme de terre, en 2014, la conférence nationale sur le mildiou, et en 2015, le deuxième séminaire en vue de la mise en œuvre d’un système d’avertissement à l’échelle de la région Asie-Pacifique. Des manifestations auxquelles a été invité le Carah.

Toujours en 2015, le gouverneur de Wuxi a effectué une visite officielle en province de Hainaut, à l’occasion des démonstrations « Potato Europe » à Kain.

En avril de la même année, François Serneels, coordinateur de ces actions de coopération du Carah avec la Chine, s’est vu décerner par le gouverneur de la Municipalité autonome de Chongqing une « Chongqing Friendship Award », récompense symbolique pour une contribution au développement socio-économique de la région.

Le Hainaut, terre de goût et de recherche !

En 2009, la région autonome de Mongolie intérieure, autre grande productrice de pommes de terre, a invité les experts du Carah, cette fois, pour la production de plants.

Outre le contrôle du mildiou, il s’agissait de renforcer les compétences de l’équipe de la Senfeng Seed Potato Company, une entreprise produisant des plants sur environ mille hectares. Un accord de collaboration de 4 ans a été mis en place en 2017 et a conduit cette entreprise à jouer un rôle pilote en la matière.

Le Crepa-Carah dispense par ailleurs des formations à destination des agriculteurs,  des acteurs du secteur vert et cela couvre et concerne toute l’activité  au niveau de l’agronomie internationale.
Le Crepa-Carah dispense par ailleurs des formations à destination des agriculteurs, des acteurs du secteur vert et cela couvre et concerne toute l’activité au niveau de l’agronomie internationale. - Carah Asbl.

Le 14 avril 2018, lors de la 16ème Conférence internationale sur l’échange de talents en Chine qui s’est tenue à Shenzhen, François Serneels a été désigné comme l’un des 40 experts ayant le plus influencé la Chine au cours des 40 années de la réforme et de l’ouverture 1978-2018.

Quatre ans plus tard, l’ambassadeur de Chine en Belgique lui a remis le Prix de l’Amitié 2022 pour son expertise en Chine et sa contribution exceptionnelle à la campagne de modernisation de la Chine. C’était trois mois avant d’effectuer son déplacement à Ath.

La poursuite des relations Carah-Chine

Le Carah a par ailleurs précisé en amont de la visite de l’ambassadeur chinois, que la crise sanitaire a interrompu pendant trois ans les missions et les formations de terrain en Chine mais certainement pas les contacts.

Les relations se sont alors déroulées à distance, par exemple par deux séries de sept conférences en vidéo auxquelles ont participé jusqu’à deux cents agronomes chinois durant les hivers 2021 et 2022 qui ont notamment permis d’aboutir sur de nouveaux projets.

C’est notamment le cas du projet Impocha qui, depuis 2021 et pour trois ans, réunit La Belgique, la Chine et l’Afrique du Sud et couvre en même temps trois problématiques très complexes : la biodiversité, le changement climatique et la santé humaine.

Outre les aspects purement scientifiques, cette approche constitue un véritable défi en termes de multidisciplinarité et de collaboration interculturelle.

Cao Zhongming (au premier plan) a chaleureusement salué les vingt années de collaboration entre le Carah et son pays : l’organisme athois travaille désormais dans non moins de  14 régions chinoises où il y a déployé plus de 1.000 stations météo.
Cao Zhongming (au premier plan) a chaleureusement salué les vingt années de collaboration entre le Carah et son pays : l’organisme athois travaille désormais dans non moins de 14 régions chinoises où il y a déployé plus de 1.000 stations météo. - M-F V.

Coordonné par Sciensano du côté belge, il porte sur le suivi de l’exposition des agriculteurs aux fongicides employés pour protéger les pommes de terre contre le mildiou et l’évolution du microbiome du sol d’une part lors des pulvérisations de ces mêmes fongicides et d’autre part dans des conditions climatiques simulant le climat futur, plus chaud et plus sec en été.

Du côté sud-africain, les Universités de Prétoria et de Limpopo, et du côté chinois, la Yunnan Academy of Agricultural Sciences, le South West China Potato Research Center et le Ccap, et du côté belge, Sciensano, le Carah, Hainaut Analyses et l’Université de Gand, partagent au sein de ce projet une vaste gamme d’expertises dans un ensemble complexe de disciplines.

L’importance de l’enseignement

La Chine aime beaucoup les symboles, et les vingt années de collaboration entre le Carah et le pays du soleil levant en est un, puisque l’organisme athois travaille désormais dans non moins de 14 régions chinoises où il y a déployé plus de 1.000 stations météo.

André Parfonry, le directeur du Carah, a rappelé aux visiteurs d’un jour toute l’importance de l’enseignement et des voyages pédagogiques d’étudiants en Chine, dès 1999, dans l’essor de la coopération entre les deux pays.

De 2001 à 2019, nous rappelle le Carah, grâce aux bons contacts établis avec Chongqing, la haute école Condorcet a organisé annuellement un voyage d’études de quinze jours dans les campagnes de cette région pour les étudiants bacheliers et masters en agronomie. Plus de 450 étudiants et une vingtaine d’enseignants ont participé à ces voyages. Certains y effectuent aussi leur stage de fin d’études.

Outre à Wuxi et dans d’autres comtés de Chongqing, les agronomes du Carah et des enseignants de Condorcet ont été invités à partager leur expérience en pomme de terre et à donner des formations dans de nombreuses autres provinces chinoises grosses productrices de pomme de terre : outre la Mongolie intérieure, on note celles de Ningxia, Gansu, Hubei, Guizhou, Hunan, Henan Sichuan, Yunnan…

Les rôles clefs du Crepa-Carah dans le paysage agricole hennuyer

La visite de l’Ambassadeur chinois était aussi l’occasion de détailler, au niveau des structures qui s’occupent de la pomme de terre en dehors de la partie « enseignement », toutes les missions du Crepa (centre pour la recherche, l’économie et la promotion agricole) dont la province a élargi le champ d’action avec la création de du Carah. L’Asbl qui porte des projets, effectuer des services (y compris payants) au bénéfice de la population. Rapidement, les deux institutions ont évolué ensemble.

« L’une de nos fiertés et de nos forces est d’avoir pu réunir, sur un espace restreint, à la fois l’enseignement secondaire avec l’Ipes qui abrite 750 élèves dont une partie suit une formation agricole, la haute école Condorcet ainsi que les laboratoires de Hainaut Analyses » a développé M. Parfonry avant d’évoquer la ferme expérimentale et pédagogique gérée par le Crepa-Carah située à environ 1km de ces institutions.

« Nous sommes le deuxième centre de recherche agronomique en Wallonie »

C’est dans cette ferme de taille moyenne, avec ses quelque 70 hectares de terres agricoles, qu’une trentaine de personnes poursuivent des expérimentations végétales et travaillent au niveau de la recherche en matière de pomme de terre.

Les travaux menés au laboratoire d’analyse permettent aux agriculteurs hennuyers de bénéficier de données sur l’état du sol et de conseils en termes de fertilisation.

Le Crepa-Carah est par ailleurs un organisme de certification indépendant qui délivre des certificats de bonnes pratiques agricoles dans le domaine des productions animale et végétale.

L’un des objectifs de l’institution consiste à soutenir tout à la fois l’enseignement secondaire et supérieur et entretient tout un tissu relationnel avec des entreprises et des associations locales et régionales.

En liaison directe avec la haute école Condorcet, les deux institutions ont développé la recherche au niveau de la microbiologie et -technologie. Elles ont par ailleurs un volet « horticulture » qui permet de servir d’outil pédagogique aux étudiants de la haute-école.

En route vers de nouveaux horizons

Et ce n’est pas tout, puisque le Crepa-Carah dispense par ailleurs des formations à destination des agriculteurs, des acteurs du secteur vert. Une dimension qui couvre et concerne toute l’activité au niveau de l’agronomie internationale.

« C’est la Chine qui nous a permis de déployer et d'explorer ces nouveaux horizons » s’est félicité M. Parfonry en annonçant le départ imminent de chercheurs vers le Kazakhstan ou encore la Guinée.

Le service d’économie rurale encadre près d’un millier d’agriculteurs en Hainaut. Il s’agit principalement d’un encadrement économique, « on donne aux agriculteurs des outils pour comprendre les recettes et les dépenses de leur exploitation, nous les aidons à établir des dossiers d’investissement et de reprise ».

Le directeur du Carah a enfin évoqué le projet de construction d’un nouveau bâtiment qui devrait réunir sur trois étages le Crepa-Carah, une partie de la haute-école Condorcet et les laboratoires de Hainaut Analyses.

Une volonté de coévolution chère aux institutions athoises, qui devrait devenir réalité « d’ici cinq à six ans ».

Marie-France Vienne

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