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Chez Gerwin Willemsen, de mythiques Renault reprennent vie après des travaux de haute restauration

Méticulosité et minutie rythment le quotidien de Gerwin Willemsen. En véritable passionné de la marque au losange, et plus particulièrement de ses modèles à six cylindres et quatre roues motrices, il leur offre des restaurations sans pareilles qui, une fois terminées, ne peuvent qu’impressionner par leur qualité.

Temps de lecture : 10 min

Design carré typique des années 70 et 80, aspect robuste, robe flamboyante, portant fièrement une charrue à cinq socs, le Renault 1181-4 posté sous l’enseigne verte au losange Renault Agriculture, elle-même surmontée d’un drapeau français, annonce indéniablement la couleur : nous sommes bien arrivés chez Gerwin Willemsen, fan inconditionnel de cette série de tracteurs dotés de moteurs à six cylindres MWM. Nous arrêtons la voiture. Pas le temps d’admirer davantage ce tracteur : Gerwin et son papa sortent d’un bâtiment et viennent à notre rencontre pour nous accueillir chaleureusement.

Quelques mots de bienvenue, quelques sourires, et Gerwin nous fait pénétrer dans l’antre de son atelier, devenu son terrain de jeu. Dès l’entrée, nous en prenons plein les yeux et ne savons où donner de la tête : nous sommes entourés de tracteurs et d’organes mécaniques en état de restauration plus ou moins avancée. Il nous emmène dans son bureau, installé au cœur de cet atelier, pour nous en apprendre plus sur sa passion dévorante.

Une enfance bercée par le Renault 781

Âgé de 43 ans, ce mécanicien travaillant au sein d’une malterie est né dans cette ferme laitière aux confins de la province d’Anvers, à la limite de la frontière néerlandaise. Son papa possède encore un tracteur Renault 781 à quatre cylindres et deux roues motrices qui lui fut fidèle durant une grande partie de sa carrière. C’est par ce tracteur que tout a commencé pour Gerwin…

L’engin a, en effet, bercé son enfance, ainsi que celle de ses deux frères et de sa sœur, durant d’innombrables heures, générant autant de souvenirs. Si, alors, Gerwin apprécie ce tracteur, il rêve surtout de modèles plus imposants, ceux à six cylindres et quatre roues motrices. Il y pense tant qu’il se promet, un jour, d’en acheter un. Il commence à épargner dans ce but.

C’est à 24 ans qu’il repère son premier exemplaire : un Renault 981-4. Il n’est pas en trop bon état : le moteur et le pont avant sont défectueux. La boîte de vitesses, de son côté, semble fonctionner correctement. La carrosserie est attaquée par la corrosion en différents endroits alors que l’intérieur de la cabine laisse franchement à désirer. Qu’à cela ne tienne, Gerwin l’acquiert et entame une remise en état de ce tracteur, qui durera six mois.

Dans les moindres détails

Une fois cette remise en ordre achevée, le Renault 981-4 reprend du service : il est couramment utilisé sur l’exploitation familiale. Au fil des heures passées à son volant, le passionné observe tantôt un petit dysfonctionnement, tantôt un défaut, liés à l’âge et au vécu du véhicule. Perfectionniste, il les remarque de plus en plus ; cela ne lui plaît pas. C’est alors que mûrit le projet d’une seconde restauration, bien plus profonde cette fois.

Entamée il y a deux ans, elle se termine tout doucement. Obsédé par le détail, le mécanicien ne laisse rien passer. « Tout est démonté et inspecté. Chaque pièce est remise en état le plus fidèlement possible. Lorsqu’il faut en remplacer une, je tente de trouver une pièce d’origine. Si Claas, qui a repris Renault Agriculture au début des années 2000, dispose encore aujourd’hui de références d’origine, beaucoup de pièces sont introuvables via cette filière ou via les autres fournisseurs de pièces bien connus dans le monde agricole. Il faut alors faire preuve de patience, de persévérance et pouvoir faire appel à un réseau de bonnes adresses », explique-t-il.

À cet égard, les réseaux sociaux se révèlent d’une aide efficace et rapide. Gerwin fait ainsi partie de différents groupes thématiques, tant français que néerlandais ou anglais. Et quand, malgré tout, les recherches restent vaines, il reste la solution de rénover ou reproduire soi-même la pièce. Il convient alors d’être astucieux et inventif. Il faut aussi faire preuve de polyvalence.

« J’ai par exemple reconstitué des toits de cabine en polyester en en utilisant plusieurs pour assembler les parties non cassées ensemble. Actuellement, je rénove des phares qui étaient entièrement piqués par la rouille et dont le verre était bien terni. Cela prend beaucoup de temps mais le résultat est très satisfaisant : le tracteur sera équipé des mêmes phares que lors de sa sortie d’usine ! Je ne supporterais pas, par exemple, d’installer des feux LED qui seraient totalement anachroniques sur ce tracteur. »

Le passionné ne s’est autorisé qu’une seule entorse : élargir les ailes arrière. « C’était en effet l’un des défauts de ces tracteurs qui se salissaient alors rapidement. D’autre part, cela permet le montage de pneus plus larges rendant, de mon point de vue, une esthétique encore plus flatteuse au tracteur. Pour ce faire, j’ai dû en parallèle élargir les jantes. Beaucoup de pièces ont dû être entièrement reconstruites : j’ai notamment refabriqué moi-même des bacs à batterie, des marche-pieds, des bagues en bronze, des éléments d’échappement… sans oublier les faisceaux électriques qui sont totalement introuvables aujourd’hui. J’ai reconstruit ce faisceau en me fiant aux plans du constructeur, en utilisant les mêmes sections de câblage évidemment mais aussi les mêmes couleurs. Je fais d’ailleurs profiter d’autres amateurs de mes connaissances et de mon savoir-faire en commercialisant le faisceau électrique de ces Renault mais aussi diverses pièces que je refais, à l’instar des marche-pieds et du capitonnage intérieur de la cabine », commente-t-il encore.

La cabine, un véritable défi

S’il reste encore du travail sur ce 981-4, Gerwin entrevoit la fin du chantier : « On peut comparer sa première restauration à une mise en bouche ou un échauffement », plaisante-t-il. « Cette deuxième restauration est en cours depuis deux années déjà, dont deux tiers du temps ont été consacrés à la rénovation de la cabine. »

Elle a été entièrement démontée, dépouillée, puis remontée. Après avoir contrôlé les ajustements des différentes pièces, elle a reçu deux couches d’apprêt, puis deux couches de laque. Vint ensuite le tour des équipements et de l’habillage dont elle dispose. La cabine regorge d’accessoires dont beaucoup ne sont plus disponibles. « J’ai reproduit moi-même les soufflets couvrant le pied des différents leviers ainsi que le capitonnage. Ce dernier m’a donné beaucoup de fil à retordre : il a fallu mesurer patiemment les différentes cotes, trouver le revêtement et les mousses les plus fidèles… Ma maman n’a ensuite pas compté ses heures pour coudre ensemble les différents éléments ». Pour avoir pu monter à bord de cette cabine, nous pouvons témoigner que le jeu en valait la chandelle !

Plusieurs restaurations en parallèle

Entre les deux restaurations de ce tracteur, Gerwin a également restauré en profondeur, et selon cette même méthodologie, le Renault 1181-4 que nous avions aperçu à l’extérieur lors de notre arrivée.

« Je l’ai acheté il y a environ cinq ans à une personne habitant dans la région des Lacs de l’Eau d’Heure. Initialement, je me rendais sur place pour lui acheter quelques pièces. Lorsqu’il m’a dit qu’il possédait ce Renault à l’arrière de ses installations, j’ai demandé à le voir et… il est finalement arrivé chez moi. Hormis son moteur qui avait été fissuré par le gel, il était globalement en bon état. Après avoir trouvé un autre moteur chez un revendeur aux Pays-Bas, que j’ai dû acheter presque au même prix que le véhicule lui-même, j’ai entamé sa restauration complète : elle a duré au total un an et demi », raconte notre interlocuteur.

Si ces travaux de restauration durent aussi longtemps, c’est naturellement dû au fait que Gerwin s’attelle à cette tâche avec autant de méticulosité et de minutie durant ses temps libres, mais c’est aussi parce qu’il travaille sur plusieurs tracteurs simultanément.

« Paradoxalement, cela me permet de gagner du temps. Lorsqu’un délai d’attente se fait sentir pour l’un d’eux, comme lors de la commande d’une pièce, je peux travailler sur un autre. Certains ensembles communs peuvent être restaurés en même temps. Je pense par exemple aux cabines : j’ai démonté intégralement plusieurs d’entre elles pour les peindre simultanément. Actuellement, je travaille essentiellement sur le 981-4, sur un 1451-4 appartenant à un propriétaire néerlandais et sur un 1181-4 sur lequel je reconstruis un relevage avant ».

Pour ce dernier aussi, Gerwin attache une grande importance à la conformité de la pièce aux productions originales. « En effet, ce relevage sera identique à celui qui était fourni par Renault en option. J’apprécie agrémenter mes tracteurs d’équipements optionnels qui figuraient au catalogue du constructeur. J’ai par exemple pourvu mon 981-4 d’un réservoir à carburant supplémentaire, dont j’ai entièrement fabriqué la réplique en inox et qui se glissait sous le marche-pied », raconte-t-il.

« Pour le relevage avant du 1181-4, je me suis déplacé en France pour prendre des photos et des cotes sur un tracteur qui en était doté. Je refabrique intégralement le relevage à l’identique. Dans ce cas-ci aussi, les réseaux sociaux font figure d’allié précieux : s’il me manque une cote ou si je désire une photo prise sous un autre angle, je peux aisément contacter le propriétaire par ce biais et il m’envoie l’information très rapidement. »

« Vous l’aurez compris, je suis très actif sur les réseaux sociaux et y partage mon travail et ma passion plusieurs fois par semaine. Ces échanges sont un vrai plaisir car la communauté présente dans ces groupes m’apporte souvent des réponses aux questions que je me pose et, inversement, mon expérience ainsi racontée peut servir à d’autres. Et puis, les messages que je reçois en retour sont très positifs. Beaucoup de personnes me félicitent pour mon travail. C’est très valorisant et, s’agissant de restaurations de longue durée, cela permet de maintenir mon enthousiasme et ma motivation pour mener à bien ces chantiers. »

Une écurie qui s’étoffe

D’autres tracteurs sont venus au fil du temps rejoindre l’écurie de Gerwin. Aujourd’hui, ce sont pas moins de huit tracteurs de cette série qui lui appartiennent avec, dans le détail, un 891-4, deux 981-4, deux 1181-4 et trois 1451-4. Son dernier achat étant l’un de ces derniers, un 1451-4 ayant été actif dans la région de Rochefort et provenant initialement d’Aquitaine. Quatre d’entre eux sont présents dans l’atelier lors de notre venue, en phase de restauration. Pour certains, celle-ci se termine, pour d’autres elle ne fait que commencer.

À leur côté se tient aussi le Renault 1451-4 néerlandais évoqué ci-avant et qui est en cours de remontage. Gerwin nous en dit plus sur ce tracteur : « Lors d’un voyage aux Pays-Bas, j’ai découvert ce tracteur coupé en deux. Le moteur était parti en révision. Le propriétaire m’a fait part de son projet de le restaurer mais il désespérait de voir ce projet qu’il avait débuté se finaliser. Il estimait ne pas avoir toutes les compétences ni le temps nécessaire. Tout en discutant, l’idée a germé de le refaire pour lui. Aujourd’hui, ce chantier se poursuit et se déroule bien ».

Avant de nous quitter, Gerwin nous fait faire le tour de l’atelier et des extérieurs, l’occasion notamment d’admirer sous le soleil une nouvelle fois ce 1181-4 restauré et ce 981-4 en passe de l’être totalement, d’apprécier la sonorité de leur moteur et de prendre place dans leur cabine.

À l’arrière des bâtiments gît littéralement un autre tracteur dont l’état fait peine à voir : « Celui-ci n’aura pas droit à une seconde vie ; il est en bien trop mauvais état », enchérit-il.

« Il s’agit d’un tracteur qui a passé une bonne partie de sa carrière à travailler sur une plage en bord de mer. Son exposition intense et prolongée à l’air marin a fait des ravages. La corrosion s’est installée partout. La carrosserie s’est transformée en dentelle tandis que certains éléments se décomposent littéralement tant ils sont attaqués, comme les montants de cabine ou les tours des vitrages. Son état rebutait les acheteurs et j’ai pu l’acquérir pour une croûte de pain. Pour moi, c’est une bonne affaire : il servira de banque de pièces. Certaines d’entre elles peuvent être difficiles à trouver et, quand on parvient à les dénicher, elles peuvent être onéreuses. Or, plusieurs d’entre elles peuvent encore être prélevées sur ce tracteur et réutilisées sur un autre : bol de filtre à air, bocal de liquide de frein, vitres, toit en polyester, verres de phares… »

Nul doute que Gerwin fera bon usage de ces équipements lors de ses futurs projets. Nous le remercions pour son accueil amical et quittons l’endroit presque avec regret tant il est rare de pouvoir admirer des travaux de restauration d’un tel niveau. Chapeau bas, l’artiste !

N.H.

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