Accueil Economie

«Avec les NBT, on ouvre la boîte de Pandore»

Il est sûrement l’eurodéputé le mieux préparé à siéger à la commission de l’Agriculture. Le socialiste français Christophe Clergeau vient de reprendre les dossiers transmis par son prédécesseur, Éric Andrieu. Il a développé, lors d’une récente rencontre avec la presse, les positions qu’il défendra en matière de politique agricole au sein de l’hémicycle.

Temps de lecture : 5 min

L e néo-député a non seulement rejoint la commission de l’Agriculture, mais aussi celles de l’Environnement et du Développement, tout en étant par ailleurs vice-Président de l’assemblée parlementaire ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

Mais qui est Christophe Clergeau ? C’est un Nantais qui se définit comme un politique généraliste aimant à se plonger dans les dossiers tout en ne rechignant pas à aller à la confrontation pour défendre ses idées.

Engagé à l’âge de 15 ans chez les jeunes socialistes, il a, selon ses dires, « tout fait dans les mouvements de jeunesse » si bien qu’il a fini président des jeunes rocardiens où il succède à Manuel Valls, futur premier ministre de François Hollande.

Tous les chemins mènent à l’agriculture

Son parcours professionnel l’a amené à travailler à Radio France International (Rfi), soutenir des radios indépendantes en Afrique sub-saharienne avant de devenir, en 1997, chef de cabinet du ministre de l’Agriculture Louis Le Pensec dans le gouvernement de Lionel Jospin… sans avoir la moindre connaissance ni la moindre accointance avec le secteur agricole.

Un parcours qu’il a poursuivi à l’Institut Agro de Rennes en tant qu’enseignant-chercheur où il travaille sur les politiques publiques de sécurité des aliments. Il démarre une thèse sur la création de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (l’Anses) et sur celle de sa consœur européenne, l’Efsa.

« J’ai retrouvé mes sujets de prédilections, les OGM, la santé alimentaire, les effets des pesticides sur la santé humaine, l’évaluation des risques » a-t-il résumé en citant les domaines sur lesquels il s’est penché durant plusieurs années.

Il rentre, en 2004, au conseil régional des Pays de la Loire, où il travaille d’abord sur l’enseignement supérieur et la recherche avant de prendre en charge le développement économique et l’innovation avec… l’agriculture dans son portefeuille. Il retrouve le soutien aux filières agricoles, à l’installation, la mise en œuvre du second pilier de la Pac.

Dangereuse mise à mal du Pacte Vert

A 55 ans, et fraîchement arrivé au parlement européen, Christophe Clergeau s’est immédiatement inquiété du « grand revirement du PPE » sur le Pacte Vert contre lequel ce groupe a mis en œuvre une stratégie de « démantèlement » avant de dénoncer « la démagogie » des démocrates-chrétiens qui ont choisi de s’inscrire dans la préparation des élections « alors qu’il y a une urgence climatique ».

S’il regrette cette posture et le dangereux rapprochement entre la droite et son extrême sur les sujets agro-environnementaux, le Nantais reconnaît toutefois le caractère « flou » et les principes « trop généraux » du texte présenté par la commission au niveau de la loi sur la restauration de la nature.

« On pourrait tout de même imaginer que les zones agricoles en bio ou en excellence environnementale puissent être comptabilisées dans les fameux 10 % de terres à consacrer à la conservation de la biodiversité » a-t-il développé en ajoutant qu’il y aurait moyen de faire en sorte que « cette mesure soit un accélérateur de transformation plutôt qu’un obstacle pour le monde agricole ».

Il a laissé sous-entendre que les propositions «aussi vagues» mises ainsi sur la table par l’Exécutif sont malheureusement susceptibles de faire le lit de la démagogie...

« Les NBT sont de nouveaux OGM »

Le nouveau membre de la commission de l’Agriculture a donné le ton sur son engagement en matière d’OGM.

« Cela fait 30 ans que l’on parle des OGM en les présentant comme une réponse aux pesticides, sauf que personne ne l’a jamais démontré » a-t-il cinglé.

Favorable, M. Clergeau ne l’est pas davantage aux NBT qu’il qualifie de « nouveaux OGM » car « on force quand même une transformation du génome et « l’on est quand même loin de la sélection variétale classique ».

Pour le député socialiste, « il ne suffit pas d’analyser la plante, mais la façon dont elle est mise en œuvre et ce que cela induit dans le mode de conduite des cultures. »

C’est pour cette raison qu’il demande de recourir à des méthodes d’évaluation éprouvées et de protéger l’indépendance des institutions évaluatrices

Enfin, comme une partie des eurodéputés de gauche, Christophe Clergeau réclame que les NBT restent soumis à la réglementation OGM, conformément à une décision rendue en 2018 par la cour de justice européenne.

Au-delà du nutri-score

M. Clergeau s’est par ailleurs clairement positionné en faveur du nutri-score, un modèle éprouvé et adopté par sept pays européens.

Il le décrit comme un outil indispensable car simplifiant et rendant accessible une information au plus grand nombre,

Rien ne pourra toutefois se construire sans la mise en œuvre d’une politique alimentaire qui protège les citoyens en leur donnant les clefs pour bien choisir leur alimentation et améliorer leur santé et leur bien-être.

M. Clergeau a cité de nécessaires campagnes d’information à destination des consommateurs, notamment les jeunes, quant à la nature des aliments et d’une alimentation équilibrée, le gaspillage alimentaire, les filières agricoles, le terroir.

« La transition ne se pilote pas contre les agriculteurs »

Le nouveau venu en commission de l’Agriculture a enfin annoncé qu’il continuerait à se battre au niveau de la régulation des marchés, la stabilisation de prix rémunérateurs, les organisations de producteurs. Car, pour lui, « la transition de l’agriculture ne se pilote pas contre les agriculteurs »

« Je viens de l’ouest de la France, vous verrez donc en moi un défenseur des industries agroalimentaires mais pas n’importe lesquelles. Pas celles qui sont dans la maltraitance animale, la surutilisation du sel ou de produits hypertransformés avec des conséquences négatives sur la santé humaine » a-t-il annoncé en se félicitant de l’arrivée « de nombreux industriels qui s’engagent dans des changements de modèle et de mode de production ».

Marie-France Vienne

A lire aussi en Economie

Le déclin de la production belge d’aliments pour animaux s’est stabilisé en 2023

Economie La baisse de la production belge d’aliments pour animaux en 2023 a été limitée à -3%, là où elle enregistrait encore une chute de 6% l’année précédente. Le secteur belge de l’alimentation animale a également enregistré une baisse limitée de son chiffre d’affaires, qui s’élève à 6,5 milliards d’euros, ce qui le place en 7e position au sein de l’Union européenne. La part du secteur de l’alimentation animale par rapport à l’ensemble du secteur alimentaire est restée relativement stable à 9%.
Voir plus d'articles