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Dès l’entame de la saison, les nerfs des patatiers ont été mis à rude épreuve

Cette année, les pluies auront été à la fois les alliées et les ennemies des producteurs de pommes de terre. Retardant les plantations tout d’abord, elles sont tombées à point nommé en juillet, alors que la sécheresse sévissait depuis plusieurs semaines. Mais l’excès d’humidité a également été favorable au mildiou… Les sources de stress ont donc été nombreuses, dans un contexte économique où la quasi-pénurie de tubercules s’est fait ressentir.

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Vivra-t-on encore une saison normale ? », s’interroge-t-on de plus en plus fréquemment dans les fermes. La Fiwap, elle aussi, se pose la question et livre ses premières observations sur cette campagne particulière, tant sur le plan cultural qu’économique, l’un n’étant pas sans impact sur l’autre.

Du jamais-vu, dès la plantation

Et Daniel Ryckmans de détailler : « Par rapport à la moyenne des cinq dernières années, les pommes de terre ont été plantées avec environ trois semaines de retard ». Le calendrier parle de lui-même : la majeure partie des plantations a été effectuée vers le 15-20 mai, plutôt que vers le 20-25 avril habituellement, en raison des conditions météorologiques particulières de ce printemps qui ont retardé l’ensemble des travaux des champs.

Certains agriculteurs, qui avaient eu l’opportunité d’effectuer les plantations avant les fortes pluies de début mai, ont fait face à des problèmes de mauvaises levées voire, dans certains cas, de non levées. Au point de se questionner : faut-il casser les buttes pour permettre aux plants de lever, quitte à perdre les bénéfices qu’elles procurent ? « Devoir intervenir sur les buttes, c’est du jamais-vu ! »

Autre spécificité de cette saison, dont il n’y a pas lieu de se réjouir : certaines parcelles ont été replantées, voire retournées et dédiées à une autre culture.

Des arrachages

tardifs… et risqués ?

Les mois de mai et juin, très secs, ont été suivis d’un mois de juillet très pluvieux. « Cela a permis de sauver la saison ! Un été sec, combiné à des plantations et levées tardives, aurait mené à la catastrophe », enchaîne Pierre Lebrun, qui précise néanmoins que « chaque plante porte deux à trois tubercules de moins qu’habituellement ». Un constat qui impactera certainement le rendement mais qui a permis de maintenir le calibre des tubercules. Les arrachages pourraient donc révéler des résultats corrects, bien qu’il reste du chemin à parcourir jusqu’à la récolte.

À ce sujet, la Fiwap s’attend à ce que les parcelles soient arrachées plus tardivement, en vue de prolonger la période de croissance de la culture. « Cependant, en septembre, la durée du jour et les températures diminuent… Cela ne permettra sans doute pas d’égaler les records de production. »

La nouvelle convention concerne maintenant les Pays-Bas, la Belgique mais aussi la France.
La nouvelle convention concerne maintenant les Pays-Bas, la Belgique mais aussi la France. - J.V.

« Certains agriculteurs prendront certainement des risques et s’orienteront vers des opérations tardives de défanage et d’arrachage », complète Daniel Ryckmans. Avec les dangers que cela représente (arrachages compliqués, éventuels problèmes de conservation) en cas d’automne pluvieux, voire de gelées précoces. « Si le pari est réussi, cela prouvera que la pomme de terre est résiliente et extraordinaire. »

Sous la menace des doryphores

Sur le plan sanitaire, la culture a été épargnée jusque fin juillet. Depuis début août, la pression en mildiou est très importante. Dans certaines parcelles, la situation s’est avérée être complexe : les pluies estivales ont compliqué l’accès aux terres et, par conséquent, les interventions phytosanitaires.

« On observe ponctuellement la présence du pathogène. Pour l’instant, son développement est maîtrisé, mais à coup de traitements répétés. » Les périodes de chaleur, mais aussi les pluies, de fin août détermineront comment évolue l’infection.

La fin de saison sera marquée, en toute logique, par l’apparition des habituelles maladies de faiblesse sur les plants en sénescence.

Cette campagne a également été ponctuée par la présence d’un autre ravageur : « Nous n’avons jamais observé autant de doryphores aussi tôt en saison », explique-t-on du côté de la Fiwap. L’insecte était déjà présent sur des plantes à peine levées. « C’est, ici aussi, du jamais-vu ! »

Cela ne réjouit guère Pierre Lebrun et Daniel Ryckmans : « Les doryphores constituent une menace pour l’avenir… Et ce, d’autant que le Centre wallon de recherches agronomiques a mis en évidence qu’ils se montrent résistants à certains insecticides ».

Pour la Fiwap, les doryphores constituent une menace pour l’avenir  et ce, d’autant qu’ils se montrent résistants à certains insecticides.
Pour la Fiwap, les doryphores constituent une menace pour l’avenir et ce, d’autant qu’ils se montrent résistants à certains insecticides. - J.V.

Jusqu’à 600 €/t

Si elle est atypique sur le plan cultural, cette saison l’est également sur le plan économique. « Tous les facteurs se sont conjugués pour qu’il y ait une quasi-pénurie de pommes de terre en juin-juillet », confirme Pierre Lebrun. Premièrement, la récolte belge 2022 n’a pas été excessive. Ensuite, les productions du bassin méditerranéen ont souffert de la météo (pluies, gel, sécheresse…), réduisant les quantités de tubercules espagnols et italiens mis sur le marché. Enfin, les plantations belges ont été retardées de trois semaines, y compris les hâtives qui n’ont été disponibles qu’en août.

Les pommes de terre ont atteint des prix allant jusqu’à 600 €/t. L’industrie, face au manque de disponibilité, a été contrainte d’acheter des tubercules sur le marché égyptien. « C’est bien une conjonction d’éléments qui a mené à une telle situation, qui n’est pas destinée à se reproduire. Le retour des hâtives ramène de la normalité sur les marchés. »

Quant aux producteurs, à quoi doivent-ils s’attendre pour les semaines à venir ? « Les surfaces dédiées à la pomme de terre ne sont pas excessives. Comme déjà souligné, les rendements n’atteindront pas des sommets, mais la qualité devrait être au rendez-vous (pas de boulage, peu de pommes de terre difformes ou crevassées). Il n’y a pas de raison de se montrer pessimiste. » Les pluies sont arrivées à temps et devraient permettre aux agriculteurs de remplir leurs contrats. Par contre, il paraît peu plausible qu’il y ait pléthore de pommes de terre sur le marché libre européen.

Deux marchés en souffrance

Pierre Lebrun constate encore que deux marchés sont en souffrance, celui du frais et celui des variétés à chips.

« Même si l’industrie capte l’attention, le marché du frais ne doit pas être délaissé. C’est un secteur qui doit être soutenu, car des agriculteurs s’y intéressent et contribuent à préserver une économie locale. »

Concernant les variétés à chips, la Fiwap observe que le nombre de producteurs s’y intéressant diminue. « Les variétés à frites s’accaparent le gros des volumes de production, alors que l’on a observé une importante demande en chips de la part des consommateurs durant la crise sanitaire. » Les chips artisanales se développent néanmoins, prenant une place croissante sur les marchés et dans le panier de la ménagère.

J. Vandegoor

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