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HH Group: «Chaque jour, nous devons réfléchir à comment nous pouvons nous améliorer»

L’entreprise familiale Hilaire Van der Haeghe (HH Group), basée à Wilrijk, célèbre cette année son 125ème anniversaire. Un événement remarquable dans deux secteurs en pleine évolution que sont l’agriculture et la distribution de machines agricoles.

Temps de lecture : 10 min

À l’occasion de cet important jubilé, les gérants actuels, issus des troisième et quatrième générations, ont évoqué avec nous l’histoire, les défis et l’avenir de l’entreprise. Était présent lors de notre rencontre Christian Van der Haeghe, petit-fils du fondateur Hilaire et président du conseil d’administration. S’il n’est plus impliqué dans les tâches opérationnelles quotidiennes, il continue de livrer ses conseils en vue d’assurer la continuité et de transmettre la vision à long terme de la famille à la génération suivante.

La direction opérationnelle est assurée par ses neveux Jean-Christophe Smeets, qui occupe le poste de directeur général, et Julien Van der Haeghe, Business Unit Manager de HH Agri (distribution des marques Fendt et Amazone).

Alors que l’entreprise célèbre son 125ème anniversaire, il a fallu plusieurs décennies avant qu’elle ne se lance dans la distribution de machines agricoles. Quand et comment est-ce arrivé ?

Christian Van der Haeghe (CVdH) : Hilaire, jeune Flamand occidental originaire d’Elverdinge, a effectué la « grande traversée » vers l’Amérique et en est revenu avec plusieurs idées. Il y a découvert de nouvelles machines (c’est-à-dire des appareils ménagers) et a commencé à vendre des « machines industrielles », telles que des machines à laver et des essoreuses (l’ancêtre du sèche-linge) en 1898. À l’époque, ces technologies étaient de vraies innovations.

En 1935, les fils d’Hilaire sont entrés par hasard en contact avec la famille allemande Fahr, qui cherchait un distributeur pour ses machines en Belgique. La société Van der Haeghe n’avait aucun lien avec l’agriculture, mais elle avait une expérience dans la distribution de produits techniques. Quelque temps plus tard, un contact similaire a été pris avec Amazone.

Les activités dans le secteur des espaces verts ont vu le jour de la même manière : par une simple rencontre avec un fabricant anglais de tondeuses à gazon.

Trois secteurs d’activité

Aujourd’hui, l’entreprise compte 130 collaborateurs, plusieurs succursales, et distribue une trentaine de marques. Comment gérez-vous cela en pratique ?

Julien Van der Haeghe (JVdH) : La solution consiste à travailler avec différentes business units (secteurs d’activité) : HH Agri, HH Garden & Municipal, HH Industry et Claas. Au sein de chaque business unit, le personnel travaille de manière autonome, ce qui lui permet aussi de se spécialiser. Bien entendu, il y a un partage de connaissances et certaines business units travaillent parfois ensemble.

Dans ces différents secteurs, nos clients finaux sont différents, ont des attentes uniques et sont confrontés à des défis qui leur sont propres. En tant qu’importateur, nous devons constamment veiller à identifier où se situe notre valeur ajoutée, ce que permet la division en business units.

Les trois secteurs susmentionnés contribuent-ils tous de la même manière au chiffre d’affaires ?

Jean-Christophe Smeets (JCS) : Non. Le prix d’une moissonneuse-batteuse Claas n’est pas le même que celui d’un tracteur Fendt, d’un semoir Amazone, d’un mini-tracteur Iseki ou encore d’un chariot élévateur Yale. Le résultat généré par nos différents secteurs d’activité est donc variable et dépend du prix des produits. Le chiffre d’affaires le plus important est celui du secteur « Agriculture », suivi des « Parcs & Jardins ». Nous obtenons également d’excellents résultats dans l’industrie, secteur dans lequel nous vendons davantage aux clients finaux.

Depuis 2012, vous possédez également une succursale à Geldermalsen, aux Pays-Bas, spécifiquement pour HH Garden & Municipal. Pourquoi l’avoir ouverte ?

JCS : Nous nous y sommes installés à la demande d’Iseki, dont nous étions déjà l’importateur, qui cherchait une solution pour investir le marché néerlandais. Nous connaissions le produit et parlons la même langue. C’est donc une opportunité qui s’est présentée, et nous l’avons saisie. Nous avons immédiatement profité de ce déploiement à l’étranger pour créer une filiale au Benelux pour le secteur « Parcs & Jardins ». L’offre ne se limite pas à la marque Iseki. Se positionner en tant qu’importateur dans le Benelux crée un certain « attrait » pour les fabricants.

JVdH : La succursale de Geldermalsen est une société à responsabilité limitée distincte, filiale de la SA Hilaire Van der Haeghe. La société belge comprend Hilaire Van der Haeghe avec HH Agri, HH Garden et HH Industry. Il existe également une autre société anonyme, Ag-Tec, établie à Fernelmont, qui s’occupe de la distribution de la marque Claas. La société faîtière avec laquelle nous nous déployons à l’international s’appelle HH Group.

Une même activité sur plusieurs implantations, est-ce que cela fonctionne bien ? En tant que chef d’entreprise, vous ne pouvez pas être partout…

JCS : En théorie, lorsque les conditions de circulation sont bonnes, nos implantations de Geldermalsen et de Fernelmont se trouvent à une bonne heure de route, soit une distance raisonnable. Nous faisons donc un peu la navette. Nous sommes également organisés de manière à ce que ces business units soient autonomes et fonctionnent seules.

JVdH : Nous donnons délibérément à nos employés des responsabilités et de l’espace. Cela leur permet de fonctionner de manière assez autonome. Nous avons des employés compétents qui sont au service des produits, des clients et de l’entreprise. C’est là que réside notre force : avoir des travailleurs engagés. En tant que chef d’entreprise, nous ne pouvons pas tout faire. Certainement pas si nous voulons nous développer. Pour cela, nous devons pouvoir nous appuyer sur une équipe solide.

Une politique de marques « premium »

Comment les marques que vous distribuez se sont-elles retrouvées dans votre portefeuille ?

CVdH : Il s’agit d’une combinaison entre l’expérience, un peu de chance et la capacité à saisir les opportunités. Comme nous l’avons déjà mentionné, Fahr et Amazone ont été des rencontres fortuites que nous avons réussi à rentabiliser. Il y a 55 ans, Allis-Chalmers (Fahr) a cessé sa production pour l’Europe. Nous nous sommes retrouvés sans marque de tracteur… Nous sommes tombés sur l’entreprise wallonne Lambert qui ne croyait plus en Fendt. Reprendre cette importation était une excellente solution pour nous… Et voyez où en est Fendt aujourd’hui.

C’est avec la distribution de la marque Fahr que l’entreprise Hilaire Van der Haeghe  a franchi pour la première fois le pas vers l’agriculture.
C’est avec la distribution de la marque Fahr que l’entreprise Hilaire Van der Haeghe a franchi pour la première fois le pas vers l’agriculture. - VDH

Souhaitez-vous encore ajouter des marques à votre portefeuille ?

JVdH : Nous recevons presque chaque semaine des propositions de partenariat de la part d’entreprises du monde entier. Nous sommes ouverts à la distribution de nouvelles marques et à l’élargissement de notre offre, mais nous sommes très critiques. Nous optons pour des produits de qualité, de vraies marques haut de gamme auxquelles nous croyons et pour lesquelles nous nous engageons à long terme afin de réaliser une valeur ajoutée. Choisir des opportunités à court terme a des conséquences sur l’ensemble du réseau de distribution.

Nous courons un marathon, pas un sprint. Nous préférons prendre plus de temps pour déterminer notre trajectoire plutôt que de devoir changer constamment de cap. La prochaine génération doit aussi être en mesure de continuer à évoluer et à grandir avec les produits.

CVdH : Nos clients achètent des produits chers et veulent en être satisfaits longtemps. Après l’achat, ils attendent une assistance continue.

JCS : Nous cherchons des produits complémentaires de haute qualité technique. Nous n’allons pas créer de concurrence dans notre propre catalogue.

Vous proposez des marques haut de gamme, avec un prix plus élevé. Comment gérez-vous cela vis-à-vis des clients et des fabricants ?

JVdH : Nos produits étant plus chers, nos clients doivent rester satisfaits à long terme. Nous mettons tout en œuvre pour qu’ils puissent rentabiliser au mieux leur investissement.

Les fabricants connaissent aussi notre rôle, les coûts que nous supportons et notre valeur ajoutée. Nous avons de bons résultats, qui leur donnent satisfaction. Bien avant de produire, ils veulent avoir une idée de la demande. C’est pourquoi nous les rencontrons et leur exposons la situation pour le marché belge.

JCS : Les attentes des fabricants sont revues chaque année. Nous discutons d’où nous en sommes et où nous voulons aller, nous identifions les bonnes et les moins bonnes performances… Grâce à notre expertise du marché belge, nous entamons un dialogue ouvert avec les fabricants sur la manière de gérer concrètement les choses.

Les tâches des importateurs évoluent

Quels changements avez-vous constaté au fil des ans dans votre rôle d’importateur ?

CVdH : La marge sur une machine a diminué (rires) et notre personnel est mieux formé. L’un des aspects qui nous tient à cœur depuis le début est la valeur ajoutée. Chaque étape entre le client et l’usine doit pouvoir le prouver. Beaucoup de choses ont changé au fil des ans. Tout est devenu plus transparent, les marges plus petites, les informations plus nombreuses. Autrefois, les contacts avec les fabricants étrangers étaient beaucoup moins fréquents, alors qu’aujourd’hui, ils sont presque quotidiens. Tout est devenu beaucoup plus professionnel.

Auparavant, les échanges en devises étrangères (marks, livres ou francs) étaient nombreux. Parfois, les taux de change suscitaient de vives inquiétudes. Depuis l’arrivée de l’euro, c’est une situation qui n’existe heureusement plus.

JCS : À l’époque, disposer d’un bon entrepôt de pièces détachées était important. Aujourd’hui, offrir des possibilités de formation et un local pour les dispenser est aussi important qu’un stock de pièces.

JVdH : Sur le plan logistique, nous stockons peu de pièces détachées de Claas. L’entrepôt se trouve, en effet, à proximité, à environ trois heures de route de Wilrijk. Notre valeur ajoutée a énormément évolué et se traduit aujourd’hui par la fourniture de conseils, par exemple, sur ce que les clients et les revendeurs devraient avoir en stock.

Pour Iseki (produit au Japon), la situation est différente. Il faut plusieurs semaines pour recevoir des pièces détachées, parfois dix jours pour une commande urgente. Nous avons donc davantage de pièces en stock.

Aujourd’hui, quelles sont les principales tâches qui vous incombent en tant qu’importateur ?

JVdH : Le partage d’informations et de connaissances dans les deux sens, à la fois vers le fabricant et vers le réseau de distributeurs. Nous travaillons également sur la formation, ainsi que sur la représentation de nos différentes marques lors de salons et d’événements.

Les reprises de machines d’occasion sont de plus en plus fréquentes ces derniers temps, particulièrement pour notre secteur « Industrie ». Dans celui-ci, les machines sont souvent louées pour une longue période, cinq ans par exemple. Au moment de la vente, nous devons déjà tenir compte de leur valeur résiduelle lors de la reprise. Nous devons aussi disposer de circuits de commercialisation pour ces machines.

Quel est votre plus grand défi à l’heure actuelle ? Le personnel ?

JCS : En effet. Trouver du personnel compétent est difficile, particulièrement pour les profils techniques. Nous subissons de plein fouet la guerre des talents. Les attentes à l’égard du personnel sont élevées dans un marché concurrentiel. En tant qu’entreprise, nous essayons de nous positionner comme un employeur attractif. Nous recrutons principalement des personnes désireuses d’apprendre et donnons la possibilité aux collaborateurs de se former continuellement.

JVdH : Pour le personnel, travailler avec des marques premium est une grande fierté. En outre, nos travailleurs disposent de l’espace et de l’autonomie nécessaires pour organiser leurs tâches. Ils peuvent prendre des responsabilités. Nous ne cherchons pas des collaborateurs qui viennent avec des problèmes, mais des collaborateurs qui viennent avec des solutions.

Nous tenons compte de l’évolution des conditions de travail et anticipons des carrières plus courtes et le fait que les travailleurs changent d’emploi plus rapidement qu’auparavant. C’est pourquoi nous veillons à ce que le savoir ne soit pas l’apanage d’une seule personne, mais qu’il soit partagé. Nos collaborateurs doivent donc avoir l’esprit d’équipe. Nous avons la chance d’avoir une faible rotation du personnel.

Dans le secteur agricole, des entreprises familiales d’importation ont disparu. Cela vous effraie-t-il ?

CVdH : Non. Au cours de notre histoire, nous ne sommes pas restés inactifs… Nous avons toujours anticipé les changements, nous avons pris des risques, nous avons évolué et nous nous sommes fortement développés. Cette croissance a motivé les dirigeants, la génération suivante et les collaborateurs. Elle donne une image positive aux fabricants, aux distributeurs et aux clients.

JVdH : Fêter 125 ans, c’est très bien, mais cela ne donne aucune garantie pour l’avenir. Chaque jour, nous devons réfléchir à comment nous pouvons nous améliorer. Cette attitude, nous l’avons en tant qu’entrepreneur et en tant qu’entreprise. C’est ainsi que nous pouvons continuer à évoluer. Notre mentalité ne consiste pas à maintenir les choses telles qu’elles sont depuis plusieurs années. Le statu quo est une régression...

D’après Tim Decoster

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