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Se responsabiliser et rendre le risque acceptable

Suite à la Voix de la Terre de Marc Assin publiée dans Le Sillon Belge du 7 décembre dernier sous le titre « Un métier aux mille dangers », je voudrais rappeler que nous, agriculteurs belges, évoluons dans un pays où l’agréation et l’utilisation de PPP doivent répondre à une législation des plus strictes au monde. Nous y arrivons grâce aux énormes investissements et aux importants efforts des firmes et des agriculteurs, notamment.

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Depuis de nombreuses années, nos agriculteurs sont tenus de gérer leurs cultures de manière responsable et intégrée, c’est-à-dire que l’utilisation des produits de protection des cultures n’intervient qu’en dernier recours. Chaque agriculteur est libre d’utiliser des produits de synthèse ou de n’avoir recours qu’à des produits d’origine naturelle (dont la nocivité est parfois bien plus élevée), ou de ne rien utiliser du tout, avec toutes les menaces que cela implique. L’immense majorité de nos agriculteurs gère la manipulation de ces remèdes de manière responsable.

Dans son courrier, Marc Assin évoque « ces molécules chimiques manipulées par nous, avec plus ou moins de précautions, – plutôt moins que plus ! »… Je tiens à rappeler à tous qu’il est vivement contre-indiqué de se moquer, tel un adolescent immature n’en faisant qu’à sa tête, des conseils permettant de limiter les risques qui remplissent les étiquettes de produits phyto depuis des lustres, et que tout un chacun devrait prendre le temps de lire, évidemment…

Je déplore que vous repreniez les arguments des marchands de peur qui rejettent systématiquement la faute sur l’industrie alors que, vous-même, admettez que certains font fi des précautions basiques.

En parcourant votre courrier, je crains que certains citoyens lambda se disent : « Les agriculteurs, ces irresponsables, ces ignorants, qui se revendiquent détenteurs d’une phytolicence… ». Alors que la grande majorité d’entre eux s’efforce de travailler le mieux possible.

Concernant les produits interdits en UE et commercialisés à l’étranger, je voudrais insister sur les points suivants :

– Si certains produits non agréés en EU sont exportés, c’est parfois simplement parce qu’ils sont appliqués sur des cultures qui n’existent pas en EU et qui présentent des pathologies inconnues chez nous.

– Si certaines molécules, tel le dichlorfos (utilisé chez nous jusqu’il y a peu), sont encore fortement demandées à l’export, c’est pour contenir les invasions d’insectes lors du stockage des denrées alimentaires dans les pays vivant sous des climats tropicaux humides et qui ne disposent pas d’installations de stockage ultra-coûteuses et suffisamment performantes. En Inde, chaque année, des quantités considérables de denrées alimentaires sont gaspillées ou rendues dangereuses pour la consommation par la présence d’insectes, de rongeurs, de champignons producteurs de mycotoxines, ce qui réapparaît d’ailleurs chez nous lorsqu’on lève la garde.

– Comment lutter contre la malaria en cas d’urgence autrement qu’en utilisant des insecticides rémanents ?

– Ou tout simplement parce que les mesures alternatives dont se gargarisent les « jesaistout » sont simplement loin d’apporter satisfaction ou sont tout simplement non applicables… et, croyez-moi si vous le voulez, mais en Europe, nous allons encore bien déchanter à ce sujet !

Quand on parle de maladies et de cancers autour de nous, sujet combien sensible, j’invite tout un chacun à consulter l’enquête Agrican, la plus vaste étude mondiale sur la population agricole. Elle permet de nuancer les accusations sans fondements des marchands de peur.

Moi qui sillonne les villes et campagnes depuis 15 ans pour faire comprendre le pourquoi et le comment du métier d’agriculteur, je constate qu’y compris dans nos rangs, ceux des agriculteurs, il y a encore une quantité monstrueuse de travail de communication à accomplir !

J’appelle tous les agriculteurs à continuer à faire de leur mieux et, surtout, à le FAIRE SAVOIR !

Christian Walravens

P.S : Sur notre petite planète, nous aurons compris bien des choses le jour où nous admettrons que le danger potentiel est partout (eau, soleil, toxines naturelles, éléments naturels ou inventés par l’homme) et que l’enjeu est d’œuvrer continuellement pour rendre les risques acceptables, c’est le fardeau de la condition humaine. Ce travail continu commence par l’éducation des petits, l’enseignement, les remises à niveau comme les cours de phytolicence, en somme, par l’apprentissage du bon sens faisant de nous des êtres responsables.

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