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Fertilisation du froment: Un profil en azote du sol appauvri par les pluies

Les traditionnelles réunions de sortie d’hiver du Livre Blanc ont eu lieu la semaine passée. Les céréaliculteurs de Wallonie ont pu découvrir les analyses et recommandations des experts lors de deux séances d’informations. Durant celle-ci et afin de bien préparer la saison à venir, une mise au point sur la réserve des sols en azote et ainsi que quelques recommandations pour les fumures étaient proposées.

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Avant de faire le point sur les réserves en azote minéral des sols, il est utile de s’intéresser aux conditions climatiques observées ces derniers mois. On connaît en effet l’influence que peuvent avoir la pluviométrie et la température sur l’ampleur de ces reliquats.

Une température supérieure aux normales…

Après un mois d’août proche des normales, le mercure a recommencé à grimper à partir de la rentrée. Les températures mesurées à la fin de l’été sont très élevées, faisant de septembre un mois particulièrement chaud. Comme en 2022, l’automne 2023 est caractérisé par des températures plutôt douces pour la saison. Les relevés provenant de la station IRM d’Ernage semblent confirmer cette tendance (tableau 01) En effet si la température ne cesse de baisser depuis septembre, elle reste mois après mois, nettement supérieure aux normales mensuelles.

… et d’importantes précipitations

Du côté des précipitations, l’arrivée du mois de septembre laisse entrevoir une petite accalmie après un été particulièrement pluvieux. Mais cette météo plus calme cède rapidement sa place à un temps beaucoup plus instable dès la mi-octobre. À partir de ce moment-là, la pluie ne va littéralement plus nous quitter. Durant les trois derniers mois de l’année, nos régions sont régulièrement traversées par des précipitations importantes, comme l’attestent les cumuls pluviométriques mesurés d’octobre à décembre.

09-Température moyenne de l’air sous abri-

État des cultures en sortie hiver

Dans les semis de la plateforme expérimentale de Lonzée, à la date du 07 février 2024, les stades de développement du froment observés dans les essais sont au plein tallage dans les semis de mi-octobre, au début tallage dans les semis de début décembre et à 3 feuilles dans les semis de mi-décembre.

L’état des emblavements est très variable cette année. Si les parcelles implantées à la mi-octobre sont pour la plupart en bon état, la situation semble plus contrastée pour les semis tardifs réalisés en novembre et décembre.

Si vous pressentez que votre situation s’écarte d’un contexte moyen, il est conseillé de faire réaliser des profils azotés dans vos parcelles afin d’adapter au mieux la fertilisation azotée de vos cultures.

Le profil en azote minéral du sol faible

Pas moins de 77 parcelles de froment d’hiver ont été échantillonnées, entre le 19 janvier et le 3 février 2024, par le Carah, le Cra-w (Unité Fertilité des sols et Protection des eaux), par Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège (GRENeRA et l’Unité de Phytotechnie) et par le CePiCOP. Cette année, le nombre d’échantillons est moins important à cause des conditions hivernales observées durant la période de prélèvement. De nombreux champs emblavés avec du froment n’étaient pas accessibles à cause de la neige présente en quantité. Comme chaque année, ces prélèvements ont été réalisés dans les différentes régions agricoles de Wallonie sur des parcelles présentant des situations culturales contrastées, notamment au niveau des précédents culturaux. Cette diversité et le nombre de prélèvements réalisés ont pour but d’être le plus représentatif possible de la réalité du terrain. L’échantillonnage de ces profils a été réalisé sur 90 cm de profondeur.

Le tableau 02 révèle que le profil moyen en sortie d’hiver de cette année est particulièrement faible par rapport aux années précédentes. Il faut remonter à 2018 pour avoir une situation comparable. D’après les données récoltées jusqu’au 3 février 2024, le niveau d’azote présent dans le sol sur une profondeur de 90 cm est en moyenne de 35 kg Nmin /ha. Ce qui est largement inférieur à la teneur moyenne en azote minéral de ces dix dernières années (55 kg Nmin /ha).

09-Comparaison des réserves en azote

Migration au-delà de 90 cm

Les précipitations de ces derniers mois (tableau 01) ont eu une incidence importante sur le stock d’azote minéral encore présent dans le sol à cette période. Ces faibles quantités sont distribuées uniformément entre les trois horizons. Les couches supérieures (0-30 cm) et intermédiaire (30-60 cm) du profil contiennent respectivement 10 et 11 kg Nmin /ha. Enfin, le dernier horizon, compris entre 60 et 90 cm de profondeur, contient à peine plus d’azote (14 kg Nmin /ha). Les pluies de l’automne et de l’hiver, en s’infiltrant, ont favorisé la migration de l’azote au-delà de 90 cm de profondeur et ont ainsi contribué à appauvrir le profil.

Des disparités liées aux précédents culturaux

Comme chaque année des disparités existent également entre les différents précédents culturaux (tableau 03). Les profils les plus riches sont logiquement observés lorsque le froment suit une légumineuse ou une pomme de terre. Ces parcelles présentent un reliquat moyen de 43 kg Nmin  /ha. À noter que pour un précédent pomme de terre ou légumineuse, ces reliquats mesurés en janvier 2024 sont particulièrement faibles comparativement aux années antérieures. D’autres précédents comme le colza, le maïs ou la chicorée offrent des reliquats assez faibles avec une teneur moyenne légèrement inférieure à 40 kg Nmin /ha. Enfin pour un précédent comme la betterave dont les arrachages ont souvent été retardés par le mauvais temps en 2023, la quantité d’azote minéral présente dans le sol n’excède pas les 20 kg de Nmin /ha.

Il est important de remarquer que pour un même précédent, il existe une forte variabilité entre les différents profils. Cette variabilité illustre les contextes pédoclimatiques variés rencontrés en Wallonie mais également les différences de pratiques en matière de fertilisation.

09-Profils azotés moyens

Les fumures de référence pour la nouvelle saison

Pour les variétés Q2, Q3 et Q4

La fumure de référence pour 2024 est basée sur les résultats d’une analyse pluriannuelle des essais « fumure », ainsi que sur base des observations de ce début de saison. Il est également important de rappeler que ces fumures de référence sont recommandées pour la conduite des variétés de froment panifiable belge supérieur (Q2), des variétés de froment à autres usages non fourrager (Q3) et pour les variétés de froment basique belge (Q4) destinées à l’alimentation animale.

Cette année, le stock d’azote minéral présent dans le sol est relativement faible. La fraction de tallage est donc, pour ces raisons, maintenue à 60 kg N/ha. Les fractions de redressement et de dernière feuille sont fixées par rapport à une année normale.

La situation d’une parcelle à l’autre est très variable. Certaines parcelles semées entre les gouttes après le 20 octobre peuvent présenter un peuplement clairsemé. Il est faux de croire qu’un apport équivalent ou supérieur à 60 kg N/ha en première fraction permettra de corriger cette situation. Au contraire, ces quantités importantes d’azote ne seront pas correctement valorisées par le froment. Une partie de cet azote sera alors perdue. Par conséquent, si le peuplement de votre parcelle est clairsemé, c’est-à-dire que 50 % des plantes ont été perdues, il est recommandé cette année de diminuer votre première fraction de 30 kg N/ha.

Enfin la fumure en deux fractions sera réservée uniquement aux situations les plus favorables. Une fumure totale de 170 kg N/ha est donc conseillée pour l’année culturale 2023-2024. La dernière fraction est réduite par rapport aux années précédentes afin de garantir la bonne valorisation de cet azote, mais aussi pour éviter tout excès de fertilisation en fin de cycle.

Les trois fumures de référence proposées en 2024 sont :

En trois fractions, pour une situation normale :

–  Fraction du tallage (1ère fraction) : 60 N

– Fraction du redressement (2e fraction) : 60 N

– Fraction de la dernière feuille (3e fraction) : 65 N

En trois fractions, pour situation dégradée avec un peuplement clairsemé (50 % de plantes en moins)

– Fraction du tallage (1ère fraction) : 30 N

– Fraction du redressement (2e fraction) : 60 N

– Fraction de la dernière feuille (3e fraction) : 65 N

En deux fractions, réservée aux situations les plus favorables

– Fraction intermédiaire « T-R » : 95 N

– Fraction de la dernière feuille : 75 N

Pour rappel, ces fumures de référence doivent toujours être adaptées en fonction du contexte de la parcelle et de l’état de la culture. Avant chaque apport, il est impératif d’ajuster les doses préconisées par la fumure de référence en tenant compte des différents facteurs correctifs.

Le conseil pourra évoluer en cours de saison en fonction des conditions de développement et de croissance des cultures.

Dans un contexte où le prix des engrais azotés est particulièrement élevé, il est plus que probable qu’un excès de fertilisation génère d’importants surcoûts. Cette année encore, raisonner sa fumure est une démarche nécessaire afin de garantir des rendements économiques satisfaisants.

Pour les variétés Q1 et Q1A

La fumure de référence reprise ci-après est uniquement destinée à la conduite des variétés de froment panifiable belge premium (Q1), catégorie qui reprend également les variétés de froment élites améliorantes (Q1A). Basé sur des résultats d’essais antérieurs, l’objectif de ce type de schéma est d’atteindre un compromis entre rendement, teneur et qualité des protéines.

Cette fumure de référence est spécialement recommandée pour ces variétés de froment qui ont pour principal débouché la valorisation en meunerie et en boulangerie.

En trois fractions :

– Fraction du tallage (1ère fraction) : 40 N

– Fraction du redressement (2e fraction) : 60 N

– Fraction de la dernière feuille (3e fraction) : 85 N

Cette fumure de référence peut également être appliquée selon un schéma en 4 fractions. Plutôt que d’apporter 85 kg N/ha à la dernière feuille, il est possible de scinder cette dernière fraction en deux en réalisant un premier passage avec 40 kg N/ha au deuxième nœud et un second avec 45 kg N/ha au stade dernière feuille étalée. Ce type de schéma colle davantage aux besoins de la plante et permet de mieux répartir le risque en cas de mauvaise valorisation.

Il est important de rappeler que la culture de variétés élites améliorantes (Q1A) nécessite d’opter au préalable pour un contrat qui rémunère correctement la qualité.

D’après le Livre Blanc céréales,

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