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L’agroenvironnement en Wallonie en 2023 (2/3): tournières enherbées et parcelles aménagées n’ont pas le même succès

Indéniablement, au champ, les Maec connaissent deux destinées différentes. D’un côté, les tournières enherbées voient leurs surfaces progresser, avec des effets positifs pour la biodiversité et l’érosion des sols. De l’autre, les parcelles aménagées, bien que très efficaces en la matière, souffrent d’une nette désaffection.

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L’analyse des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) relatives aux parcelles cultivées se concentre sur les MB5 « tournières enherbées » et MC7 « parcelles aménagées ». La MB12 « céréales sur pied » n’est pas abordée étant donné qu’il n’est plus possible de s’y engager.

Regain d’intérêt pour les tournières enherbées

Les « tournières enherbées » sont des bandes enherbées dans les champs, fauchées et récoltées partiellement en été. Après un fort désintérêt il y a 10 ans et une stagnation depuis, le progrès est de 535 ha entre 2022 et 2023. Soit 21 % de superficie de plus ! Ce nouveau succès s’explique sans doute, en partie, par un paiement légèrement amélioré.

Après plusieurs années  de désamour, les tournières enherbées renouent avec  le succès, en témoigne  la hausse de 21 %, entre 2022 et 2023, des superficies  qui leur sont consacrées.
Après plusieurs années de désamour, les tournières enherbées renouent avec le succès, en témoigne la hausse de 21 %, entre 2022 et 2023, des superficies qui leur sont consacrées. - Th. Walot

Deux autres explications peuvent être avancées. D’une part, la tournière peut être valorisée pour répondre à l’obligation de couverts végétaux permanents (« CVP ») en bordure des cours d’eau tout en restant payée. D’autre part, mais de façon plus limitée, parce que la tournière pouvait être comptabilisée pour atteindre le seuil de 3 ou 4 % de la BCAE 8, ce qui est devenu sans objet cette année.

Le succès retrouvé relance un développement interrompu de très longue date (figure 1). On espère donc atteindre assez facilement un objectif qui, néanmoins, est peu ambitieux car fixé à peine au-dessus de la couverture des meilleurs jours.

Figure 1: évolution des surfaces de tournières enherbées (en ha).
Figure 1: évolution des surfaces de tournières enherbées (en ha).

Cette mesure est importante pour soutenir la biodiversité commune dans les cultures, entre autres si on y respecte bien, en été, la bande refuge non fauchée. Elle permet aussi de réduire de manière très efficace les effets du ruissellement érosif là où les eaux ne sont pas encore concentrées (situation de pentes faibles et pas trop longues).

Les « tournières » contribuent à soutenir fortement les espèces animales et végétales sauvages communes des terres arables. Ce sont des éléments importants du maillage écologique qui devrait occuper le dixième de la surface dans les champs.

Les parcelles aménagées, des mesures d’une grande efficacité

Pour toute une série d’espèces animales et même végétales, l’effet des tournières est cependant insuffisant. Ce sont les parcelles aménagées, mesure ciblée plus élaborée de l’agroenvironnement, qui peuvent répondre à leurs besoins. Cette Maec regroupe aujourd’hui les « bandes » et les « parcelles » qui, pour ces dernières, n’ont pas de contraintes de forme et coexistaient dans l’agroenvironnement jusqu’en 2021. Les « parcelles aménagées » bénéficient aujourd’hui d’un paiement intéressant de 2.000 €/ha et par an.

Les conseillers de Natagriwal sélectionnent avec les agriculteurs uniquement les endroits les plus utiles où installer des parcelles aménagées et définissent, en concertation, des modalités d’exploitation adaptées. Ce sont des aménagements enherbés plus ou moins fleuris ou encore des cultures en rotation, pures ou en mélange de plantes agricoles (céréales à paille, radis, tournesol…). Celles-ci ne sont pas récoltées. Elles produisent des graines et constituent des abris pour les oiseaux et la faune des champs en hiver.

La première priorité, soit la plus grande utilité de cette mesure, est de soutenir les espèces sauvages locales (oiseaux, insectes et espèces végétales). Cependant, les aménagements peuvent aussi contribuer à la réduction du ruissellement érosif et de ses effets, à la protection des eaux de surface et à améliorer le paysage. L’évaluation de ces mesures confirme une très grande efficacité.

On sait que des parcelles aménagées devraient occuper prioritairement minimum 5 % des 120.000 ha des meilleures terres arables de Hesbaye où l’on trouve encore plus ou moins abondamment des oiseaux comme les alouettes (qui nichent au sol dans les champs) mais aussi les plus rares busards ou bruants proyers. La surface qui soutient ces espèces est actuellement cinq fois trop faible et l’objectif global pour la mesure à l’échelle wallonne (4.900 ha) au moins trois fois trop bas (figure 2). En règle générale, les parcelles aménagées sont très efficaces localement, mais couvrent des surfaces totales bien trop faibles pour avoir un effet positif sur les populations globales des espèces que l’on souhaite maintenir et redévelopper.

Figure 2: évolution des surfaces de parcelles aménagées (en ha).
Figure 2: évolution des surfaces de parcelles aménagées (en ha).

Pour ne rien arranger, on constate une désaffection très nette, l’an dernier, pour la mesure. Une des causes remontant fréquemment des interlocuteurs de terrain est probablement aussi liée aux conditions et conséquences des contrôles.

Comme dans le cas des mesures relatives aux prairies (lire ci-après), la légitimité de tirer une partie de son revenu pour un service environnemental et payé à partir du budget « d’aides agricoles » est aussi loin d’être une référence admise par la profession et les « institutionnels agricoles ». Cette perception limite aussi l’engagement. Côté négatif conjoncturel, on doit aussi ajouter les longs délais d’attente observés ces deux dernières années avant que se stabilisent les dispositions environnementales de la politique agricole commune relatives aux terres arables. Nous n’y sommes pas encore cette année !

Deux éléments pourraient éclaircir l’avenir. Premièrement, des paiements s’approchant davantage des pertes de revenu moyennes calculées après avoir été portés à 2.000 €/ha. Ensuite, le passage de 9 à 25 % de la proportion des terres arables qui peuvent être affectées à la surface de tournières enherbées et parcelles aménagées. C’est un revenu garanti durant cinq ans, à l’inverse de certains contrats de culture annuels. Ceux qui ont bien fait leurs comptes y adhèrent de façon très importante, s’approchant parfois du plafond de 25 %.

D’après Thierri Walot

Université catholique de Louvain

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