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Marc Tarabella : dernier tango à Strasbourg

Syndicaliste, bourgmestre au long cours d’Anthisnes, éphémère ministre wallon de la Formation et ministre communautaire de la Jeunesse et de l’Enseignement de Promotion sociale, Marc Tarabella est député européen depuis 2004. Le parcours dense et riche qui s’est écrit entre les deux capitales européennes, s’achèvera dans quelques jours. L’heure est désormais au bilan, quand se chevauchent les souvenirs au rythme des heurs et malheurs d’une profession exposée où les sommets tutoient parfois les précipices.

Temps de lecture : 6 min

Le représentant socialiste a eu, tout au long de sa carrière, l’agriculture au cœur, secteur qu’il a inlassablement défendu au sein de la commission de l’Agriculture (Comagri).

Temps politique et réalité de terrain

« J’ai vécu 24 ans dans une ferme » insiste-t-il d’ailleurs d’emblée au moment d’évoquer son cheminement européen, lui qui a été marqué par la crise du secteur laitier en 2009. « Elle a démontré à tout le monde que l’abandon des mécanismes de régulation allait nous annoncer des difficultés en termes de revenus, lesquels constituent d’ailleurs toujours l’une des préoccupations majeures des agriculteurs en 2024 ».

Pour l’eurodéputé, il s’agit d’un moment fort, révélateur d’une lente dégradation à laquelle l’on est incapable d’apporter une réponse structurelle. Peu inspiré par les dernières réformes de la Pac, il aurait souhaité que les Institutions européennes réussissent à harmoniser le temps politique et la réalité de terrain. Il dénonce ce qu’il qualifie des « réformettes » qui proposent quelques améliorations à la marge sans prendre les problèmes à bras-le-corps et y remédier.

Une Europe à vingt-sept, devenue selon lui « ingérable » en est l’une des causes car « à l’intérêt général s’est substituée une juxtaposition d’intérêts nationaux ».

Un esprit trop commercial

En plongeant son regard dans le rétroviseur, Marc Tarabella regrette qu’à part Dacian Ciolos, aujourd’hui eurodéputé au sein du groupe libéral Renew, l’Exécutif n’ait jamais produit le moindre commissaire « à la hauteur des enjeux agricoles ».

« Les derniers commissaires étaient davantage attirés par le marché international que portés vers l’intérêt de l’agriculture européenne » a développé le socialiste qui a vu passer, au fil de son séjour au parlement, quatre commissaires dont deux, la Danoise Mariann Fischer-Boel, et l’Irlandais Phil Hogan, qui s’étaient inscrits dans ce profil commercial.

Quant à l’actuel propriétaire du portefeuille, le Polonais Janusz Wojciechowski, l’eurodéputé liégeois le considère a posteriori comme « une erreur de casting ». Et de former le vœu que l’Exécutif européen puisse enfin se doter d’un commissaire fin connaisseur du secteur agricole qui puisse répondre concrètement aux attentes de terrain des agriculteurs.

« Français, j’aurais été rocardien ! »

Des députés, des fonctionnaires, des ministres et autres hommes et femmes d’États, Marc Tarabella en a côtoyé en nombre au cours de ses vingt années de mandat. Ceux qui l’ont marqué sont deux Français. Et de citer tout d’abord l’ancien Premier ministre français Michel Rocard pour sa vivacité intellectuelle, son bon sens et sa perpétuelle recherche de compromis.

Il admire la carrière de celui qui fut aussi chef de parti, haut fonctionnaire, sénateur, député, ministre de l’Agriculture (entre 1983 et 1985), et leader adulé et contesté de cette « deuxième gauche » à la fois plus pragmatique et plus inventive que la première, pionnier d’une social-démocratie à la française et rival historique de François Mitterrand.

Arrivé au parlement européen à la fin de son parcours politique, « il n’est pas venu à l’Europe pour se reposer, il y est d’ailleurs resté pendant quinze ans » soulève le Liégeois, en évoquant une figure connue pour avoir porté haut la morale en politique.

L’ancien ministre socialiste français de l’Agriculture et actuel maire du Mans Stéphane Le Foll fait aussi partie de son panthéon personnel. Eurodéputé entre 2004 et 2012, « il a fait autorité au sein du groupe socialiste » souligne M. Tarabella qui cite aussi quelques figures belges au premier rang desquelles Philippe Busquin.

L’ancien ministre socialiste, sénateur et bourgmestre de Seneffe, fait partie de ces personnes qui l’auront aussi marqué. « Je suis entré au parlement le même jour que lui, le 13 septembre 2004, alors qu’il venait de quitter le poste de commissaire à la Recherche ». Il se souvient de « la simplicité, de la correction et de l’affabilité » d’un homme brillant et reconnu internationalement, mais assurément trop peu en Belgique, pour son remarquable travail au sein du collège européen.

Record de longévité au groupe socialiste

Au-delà de sa famille politique, l’élu wallon a aussi particulièrement apprécié côtoyer Guy Verhofstadt, Frédérique Ries ou encore Gérard Deprez, ces deux derniers ayant effectué respectivement non moins de cinq et six mandats au sein de l’Institution parlementaire. Marc Tarabella détient, quant à lui, le record de longévité au sein du groupe socialiste, devant José Happart et Raymonde Dury.

Une durée qui étonne, voire détonne, en Belgique, mais qui constitue la norme pour les Allemands, lesquels effectuent souvent cinq, voire six mandats, « parce que l’Allemagne est probablement le pays qui mesure le mieux l’importance du niveau décisionnel européen » expose Marc Tarabella. Outre-Rhin, la tendance est de désigner de jeunes députés pour les maintenir en fonction durant plusieurs mandats au fil desquels ils gagnent en crédibilité et en efficacité dans des commissions clefs telles que celles de l’Environnement, de l’Industrie, du Commerce international, de l’Économie et de l’Agriculture.

Au-delà de l’agriculture

Mais le plus interpellant, c’est de constater que les problèmes évoqués dans les débats qui ont accompagné les débuts de son mandat en 2004 sont restés sensiblement les mêmes vingt ans plus tard.

« Cela fait des années que l’on constate une dégradation du revenu agricole sans trouver de solution, et c’est cela qui restera l’un de mes plus grands regrets au niveau européen » soupire le bourgmestre d’Anthisnes. La faute, selon lui, à l’impossibilité de faire changer de cap la commission, devenue un mastodonte trop lourd à manœuvrer.

Marc Tarabella évoque le pincement au cœur qu’il ressentira au moment de tourner définitivement la page européenne mais il continuera de mesurer la chance d’avoir pu travailler à ce niveau de pouvoir qui lui a fait découvrir des réalités, des cultures, des problématiques de notre temps.

Il aura été responsable de la réforme des marchés publics entre 2012 et 2014 initiée par le commissaire Michel Barnier. Il fut par ailleurs l’un des rares hommes à siéger au sein de la commission des Droits de la Femme et de l’Égalité des Genres et fut rapporteur du texte sur l’égalité entre les hommes et les femmes reconnaissant notamment le droit de toutes les femmes à disposer de leurs corps via un accès aisé à la contraception et à l’avortement.

Après l’Europe…

Son mandat achevé, l’ancien eurodéputé se consacrera à sa famille et à sa commune d’Anthisnes à laquelle il voue une véritable « passion » et dont il est bourgmestre depuis 30 ans. Ce sera aussi le club de football local dont il vient de prendre la présidence et, pourquoi pas « une fonction de guide touristique au parlement européen » sourit-il avec malice.

Il met toutefois un point d’honneur à préciser que ce n’est pas le « Qatargate » qui l’aura poussé à prendre une décision qu’il avait déjà mûrement réfléchi. L’affaire l’a pourtant profondément meurtri, et particulièrement déçu « d’avoir été évincé par le parti socialiste et le groupe socialiste européen qui ont bafoué le principe de présomption d’innocence ».

Il garde en tête les 20 années de travaux intéressants qu’il a pu mener grâce au président Elio Di Rupo à qui il souhaite « plein succès » dans sa future mission européenne.

Marie-France Vienne

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