Les robots en bio (2/2): au travail 7 jours sur 7, 24 h sur 24, pour gagner en sérénité
Outre les cultures légumières, les robots sont désormais actifs en grandes cultures. À Assesse, dans les parcelles de Guillaume Fastré, on retrouve le robot Farmdroïd dans les parcelles de chicorées où il soulage l’agriculteur dans son travail.

Guillaume Fastré est à la tête de la ferme de Corioule, une exploitation mixte typique du Condroz namurois mêlant élevage et cultures pour lesquelles il est passé en bio en 2013. Selon l’agriculteur, ce choix lui a permis de garder une ferme à taille humaine et de valoriser son travail tout en s’assurant une rémunération correcte. Voici son parcours, du bio au robot.

Pourquoi avoir opté pour un robot ?
La culture de chicorée correspond bien à mon exploitation, prenant place tous les cinq ans dans la rotation. Pour le désherbage bio de cette culture, le binage, même très précis avec guidage par caméra, ne permettait pas de maîtriser le développement des adventices, avec des levées assez lentes et l’impossibilité de travailler sur la ligne.
Le désherbage manuel pouvait constituer une alternative, toujours plus efficace qu’une machine, mais nous avons dû constater que son coût et la difficulté de trouver du personnel augmentaient d’année en année.
Le robot Farmdroïd m’est apparu comme une solution intéressante et financièrement à ma portée. En outre, il me permettait de gagner en sérénité étant donné la possibilité de travailler 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Je dois avouer que mon intérêt pour la technologie et les innovations a joué un rôle dans ma décision…
Comment fonctionne cet engin ?
Farmdroïd sème et désherbe ce qu’il a semé. À partir du point de départ géolocalisé par RTK, chaque graine est positionnée et le robot bine toute la surface du sol, à l’exception de l’emplacement des semences. Conçu au Danemark pour les petites graines et, surtout, la betterave, il permet de semer et biner une culture de 20 ha avec un parcellaire bien groupé.
En chicorée, on arrive plutôt à 10 ha en raison d’une population de graines double par rapport à la betterave, ce qui ralentit le chantier de binage dans la ligne. Ce ne fut pas un problème, car cela correspond à la taille de mon exploitation.
Un parcellaire morcelé est une contrainte : le robot se déplace seul à 2 km/h. Sur de longues distances, il faut le transporter soit sur un chargeur, sans le replier, soit avec un plateau pour qu’il corresponde au gabarit routier.
Farmdroïd est autonome en énergie grâce à ses quatre panneaux solaires. A partir de mi-avril, avec un ensoleillement normal, il peut travailler jour et nuit. En effet, un seul panneau est nécessaire pour le travail tandis que les trois autres rechargent les batteries pour travailler la nuit.
Pour la préparation de sol, il n’y a pas de restrictions par rapport à une technique classique : éviter les terres à cailloux et avoir une préparation fine et plate bien replombée.
Comment vous sentez-vous après une première saison ?
Le robot m’a mis en confiance grâce à la simplicité de sa technologie.
Dès qu’un problème apparaît, par exemple si une graine se coince dans le disque semeur ou si la trémie de l’élément semeur est vide, l’engin s’arrête et l’opérateur reçoit une alarme sur l’application du smartphone. Toutes les données sont stockées dans le cloud, une sécurité en cas de « bug ».
Cependant, vous faites maintenant face à un avenir incertain pour le bio ?
C’est exact. J’avais de bons débouchés l’an dernier pour la production de chicorées bio, entre Beneo et la déshydratation pour la chicorée-café.
Entretemps, l’inflation a fait chuter le pouvoir d’achat et donc la consommation de produits bio qui restent plus chers. Comme conséquence, Beneo a décidé de ne pas acheter de chicorée bio en 2024, et il y a de grandes incertitudes à l’avenir…
Pour rentabiliser l’investissement, il faut chercher des alternatives. C’est ainsi que je ferai un essai avec du chia, une culture venant d’Amérique du Sud dont les petites graines auraient beaucoup de valeur en alimentation humaine, comme les lentilles ou le quinoa. L’avantage est de pouvoir conserver les réglages du robot.
L’oignon est une autre possibilité, mais elle requiert de modifier l’interligne par rapport à la chicorée.
Est-ce que les évolutions du Farmdroïd vous permettraient de vous diversifier ?
Il pourra bientôt semer de grosses graines, comme le maïs ou les pois, ce qui ouvrira d’autres perspectives. En agriculture conventionnelle, il pourra faire de la pulvérisation ultra-localisée basée sur la géolocalisation des graines.
Sur l’éventuelle généralisation de ce type de matériel en agriculture conventionnelle pour réduire les doses de produits phytos utilisée, je suis mitigé : on peut effectivement réduire les quantités utilisées en combinant le spot-spraying et le binage, mais le prix de revient final est trop élevé par rapport aux prix des produits phytosanitaires et au coût d’utilisation d’un pulvérisateur moderne dans une exploitation de grande taille.
Quel bilan tirez-vous de votre expérience ?
Le bio fut, chez moi, possible grâce au recours aux nouvelles technologies, afin de remplacer la chimie par la mécanisation.
À mes débuts, le binage avec autoguidage m’a beaucoup aidé, y compris en céréales, en évitant les redoublages et en me permettant de travailler précisément, même dans les dévers du Condroz.
Le robot fut une suite logique, avec l’objectif de diminuer la charge de la main-d’œuvre manuelle dans une exploitation à taille humaine en bio.
En revanche, je crois qu’il faudra plusieurs années avant qu’un tel engin remplace le conducteur du tracteur pour tirer une herse rotative ou un outil à dents ou à disques. Si un opérateur doit surveiller le robot ou le déplacer sur la voie publique, autant qu’il continue de piloter le tracteur…
Finalement, je crois beaucoup à l’avenir des exploitations à taille humaine où le travail de l’agriculteur est bien valorisé avec l’aide d’une certaine robotique… Un certain paradoxe qui me plaît plutôt.
WalDigiFarm