La verticilliose, un nouveau défi pour le secteur du lin
Dans le cadre d’un projet européen (projet Interreg France-Wallonie-Flandre), le Centre wallon de recherches agronomiques est chargé d’étudier deux maladies fongiques du lin, la verticilliose et la septoriose, dans le but de développer des stratégies de lutte durable. Pour l’une de ces maladies, la verticilliose, il n’existe, à ce jour, aucune solution efficace.

Biocontrol 4.0 est un portefeuille de sept projets européens axés sur la recherche de solutions innovantes dans la lutte contre les maladies des plantes et les ravageurs. Ces différents projets ont pour objectif de développer de nouveaux produits de biocontrôle et d’y intégrer des outils numériques pour faciliter l’élaboration et l’utilisation de ces nouvelles solutions.
Parmi les sept projets Interreg, Trans-Pathoflax 2.0 se penche sur la culture de lin et rassemble 11 partenaires du nord de la France (Normandie et Hauts-de-France), de Flandre et de Wallonie. Le Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w) participe aux recherches pour la Wallonie.
Les liniculteurs font actuellement face à trois maladies fongiques, à savoir la verticilliose, la septoriose et l’oïdium, pour lesquelles il n’existe aucun moyen de lutte durable. Le projet Trans-Pathoflax 2.0 vise à combler ce manque au moyen d’outils de phénotypage, de la microscopie et de la biologie moléculaire.
Cet objectif se caractérise par trois actions concrètes :
– trouver des variétés de lin textile résistantes aux maladies afin de maximiser la production de fibres longues ;
– identifier des solutions de biocontrôle : champignons, bactéries antagonistes pour empêcher l’infection de se développer ;
– sensibiliser les agriculteurs : présentation des maladies et des facteurs de risque.
La verticilliose est causée par un champignon du sol pour lequel il n’existe aucun traitement, à l’inverse de l’oïdium et de la septoriose qui peuvent être contrôlés par des méthodes chimiques.
Le champignon responsable se maintient dans le sol sous forme de microsclérotes résistants, pouvant persister jusqu’à 15 ou 20 ans en terre.
L’infection a lieu par les racines et se répand dans l’entièreté de la plante sensible. Cette maladie vasculaire provoque le flétrissement et le dessèchement des tissus ainsi qu’une réduction du rendement et de la qualité des fibres, par la dégradation des fibres longues qui deviennent cassantes. Les symptômes n’étant pas spécifiques à la verticilliose, il est parfois difficile de la distinguer d’autres problèmes. C’est au moment du rouissage, lorsque les plants de lin sèchent sur la parcelle avant la récolte, que les symptômes typiques sont observables : les tiges prennent une teinte grise à bleutée et deviennent cassantes.
Ce champignon polyphage peut se développer sur de nombreuses cultures dont la pomme de terre ou la betterave.
La culture de pomme de terre a un impact majeur sur l’augmentation du potentiel infectieux du sol. En effet, l’infection de la solanacée par le champignon n’affecte pas les rendements en tubercules mais multiplie la quantité de microsclérotes présente dans le sol. Le retour de la pomme de terre sur la parcelle de façon fréquente est donc un facteur de risque de développement de la maladie sur le lin.
Pour le projet Trans-Pathoflax 2.0, le Cra-w s’intéressera à l’évaluation de la sensibilité de cultivars de pomme de terre à la verticilliose. La capacité des sols à limiter l’infection (sols suppressifs) sera également étudiée ainsi que l’influence d’extraits de parois racinaires de lin sur la germination des microsclérotes. En effet, il a été observé que les sols les plus infestés de verticilliose n’étaient pas nécessairement ceux qui exprimaient le plus la maladie.
Le champignon serait-il en compétition avec d’autres micro-organismes du sol ce qui empêcherait la germination des microsclérotes ? Les racines de certaines variétés de lin émettraient-elles, ou non, des substances qui empêcheraient ou provoqueraient la germination des microsclérotes et marqueraient ainsi un degré de tolérance à la maladie ? Ces questions restent encore en suspens.
Les projets du portefeuille Biocontrol 4.0. ont pour objectif d’intégrer des outils numériques dans leur recherche. Dans le cadre de Trans-Pathoflax 2.0, des drones et images satellitaires pourraient être notamment employés pour la reconnaissance de la verticiliose lors du rouissage afin d’aider les sélectionneurs à identifier des variétés de lin tolérantes à la maladie.
Selon Anne Chandelier, responsable du laboratoire de mycologie au Cra-w, « la lutte biologique est ce vers quoi nous nous dirigeons. Mais dans un premier temps, nous devons trouver des solutions et aider les agriculteurs. En agriculture conventionnelle, un pas important serait de proposer des variétés résistantes et d’informer les agriculteurs quant aux pratiques à risque. Si par la suite, il nous est possible d’aller jusqu’aux développements de solutions de bio-contrôle et à l’utilisation de l’intelligence artificielle, ce serait encore mieux. Il y a d’autres priorités. Il faut intégrer la stratégie de bio-contrôle dans une approche beaucoup plus globale comme le respect de bonnes pratiques agricoles, la lutte génétique… Tous les aspects de la problématique doivent être intégrés. »