Poireaux: gérer les écarts d’épluchage pour limiter les dégâts de la mouche mineuse des Alliacées
La question est d’actualité pour les récoltes de poireaux d’hiver. Depuis douze ans, la mouche mineuse des Alliacées (Napomyza gymnostoma) impose aux producteurs des adaptations constantes. Les deux périodes de vol des adultes varient d’une année à l’autre, bien que leurs intensités soient plus marquées d’avril à mi-juin et entre fin août-début septembre jusqu’en novembre. Les pupes, elles, résistent aux hivers modérés. Pour limiter les dégâts, plusieurs techniques ont été éprouvées dans la pratique, et il ressort qu’il est essentiel de laisser le moins de résidus de récolte possible sur les parcelles.

Nous constatons très bien les dégâts sur la végétation des poireaux encore dans les champs. Les pieds ayant subi de fortes attaques sont effondrés et sont en sénescence évidente et avancées.
Les expériences après le labour des pieds non récoltés ne sont pas toujours concluantes. L’influence du labour est d’ailleurs insuffisante que pour considérer qu’il s’agit d’une méthode préventive pour prévenir les attaques ultérieures. C’est, bien entendu, mieux que rien, néanmoins ce n’est pas parfait.
Après la récolte, le compostage des écarts de triage permet de tuer une grande partie des pupes présentes sur les feuilles et dans les futs. C’est une partie significative de la solution pour enrayer localement l’explosion des populations de mouches.
Quelques rappels sur la biologie de cette espèce
Les conférences scientifiques des dernières années permettent d’affiner progressivement les connaissances sur cette mouche. Celle de mars 2017 tenue à Lille rassemblait les données de nombreux chercheurs de la Fredon, du CTIFL et d’Inagro. Ils ont présenté une étude consacrée à la mineuse des Alliacées. L’ILVO, le PCG, Inagro et le PSKW étudient le cycle et les moyens d’identification de l’espèce. D’autres centres belges complètent et actualisent les données et émettent des avertissements et messages d’alerte destinés à la profession.
Ainsi, nous constatons dans nos régions deux vols importants durant l’année. Celui du printemps concerne surtout les oignons, les échalotes, les pépinières de poireaux et autres Alliacées, celui d’automne s’implique surtout en culture de poireaux.
Des auxiliaires, notamment des micro-hyménoptères parasites, peuvent agir sur les adultes mais difficilement sur les larves.
La proportion de plantes atteintes peut être de 100 %. Des maraîchers ont abandonné leurs productions devant les difficultés de mettre en œuvre des solutions…
Les températures proches de 15°C et une humidité importante sont favorables à la mouche mineuse. Dans de telles conditions, les œufs éclosent après 5 à 7 jours, le développement larvaire dure 18 à 23 jours, les adultes émergent 1 à 5 mois plus tard en fonction des conditions. Notons que nous connaissons une météo fraîche depuis plusieurs semaines.
Il est important de repérer les vols dans ses propres parcelles, la présence de piqûres de nutrition est le premier symptôme afin de ne plus tarder à mettre en place des moyens de lutte. Des piqûres de nutritions sont constatées actuellement à proximité de notre région. Elles précèdent les pontes et le début du cycle évolutif.
Les filets à mailles inférieures à 0,8 ou 1 mm protecteurs placés hermétiquement sur la culture sont efficaces mais coûteux. De plus, leur placement demande du temps.
Plusieurs produits sont homologués en culture conventionnelle parmi lesquels spinosad, deltametrine, lambda-cyhalothrine, azadirachtine. Ils sont actifs contre les adultes. Spinosad est toléré sous certains cahiers de charge bio. Le délai avant récolte doit être respecté pour chacun de ces produits. Il est possible de vérifier l’emploi de ceux-ci sur www.fytoweb.be
Les déchets de nettoyage des poireaux sont des lieux importants de survie des pupes. À ce sujet, selon l’ILVO, ces dernières peuvent endurer trois mois à 0°C. Elles meurent à des températures bien plus basses, -15°C au niveau de l’endroit où elles sont hébergées.
Le compostage permet d’éliminer une grande partie des pupes et constitue une solution préventive efficace. En revanche, l’enfouissement par labour ne suffit pas à réduire significativement le nombre de pupes capables de donner naissance à de nouveaux adultes. Et les conditions de travail en ferme maraîchère influencent l’ampleur des vols d’adultes lors de la saison suivante.
La lutte en saison de production
Il est démontré que la lutte par la couverture des poireaux avec des filets anti-insectes donne de bons résultats. Il faut que les filets soient posés avant les vols. Or, ceux-ci se produisent à des dates qui peuvent être différentes d’un village à l’autre. Les services d’avertissement donnent des messages précieux avec une vision territoriale large. Les observations in situ permettent d’affiner et de préciser le moment du début des vols sur place. Nous pouvons utiliser les filets anti-insectes standards à mailles de 1,3 mm, toutefois ceux à mailles fines (0,6 mm) sont plus efficaces. Rappelons que cette technique a un coût et les mailles apportent un certain ombrage et donc une réduction de l’activité photosynthétique. Le rendement peut dès lors être un peu plus faible, de même que le poids individuel des poireaux peut être diminué.
Lorsque le cahier de charge le permet, nous pouvons utiliser la protection par insecticides. Il faut distinguer ceux qui ont une action sur les larves et peuvent donner une efficacité après un vol et des pontes. Au contraire, certains produits sont efficaces uniquement de manière préventive.
La situation actuelle…
Des observateurs constatent que les symptômes semblent plus importants qu’il y a un mois. C’est le cas en certaines parcelles professionnelles et en potagers d’amateurs. Il est difficile d’affirmer que cette aggravation est due à réellement une activité récente de larves ou plutôt à des observations sur des parcelles dont les arrachages n’ont commencé qu’il y a quelques semaines.
D’autre part, les récoltes récentes font apparaître des lésions dues à d’autres causes. Des bactérioses peuvent évoluer au départ de la base du fut, notamment dans les terrains qui furent gorgés d’eau lors des deux derniers mois.
L’évolution du mildiou donne aussi une vision altérée du comportement du feuillage et des futs. Rappelons que les grandes taches foliaires prennent l’aspect du papier. La maladie peut se développer du printemps à l’automne. Elle peut provoquer d’importants dégâts et rendre la production invendable à cause des lésions au feuillage. La résistance variétale et une bonne aération de la parcelle sont les deux premières méthodes de lutte. Les traitements fongicides complètent la protection des plantes.
En pratique
Gardons la priorité de nos actions en concordance avec l’époque de l’année. Actuellement, cela concerne la gestion des écarts d’épluchage. Les mesures préventives pour la prochaine saison de production seront d’application à partir d’avril.