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Chiens de conduite : «Un chien, bien dressé, équivaut au travail de cinq personnes en élevage ovin!»

Les chiens de troupeaux peuvent être de véritables alliés pour les éleveurs. Des animaux dits de conduite, pour aller rechercher les bêtes en prairie, les diriger, séparer les lots… Mais également de protection, afin d’éviter les attaques comme celles perpétrées par des loups ou encore des renards. Afin d’en savoir plus sur ces canidés, nous sommes partis à la rencontre de Jean-Luc Censier. Accompagné de son Border Collie, Noï, il nous a accueillis dans les campagnes de Doische, où son troupeau de moutons obéit au doigt et à l’œil, guidé avec précision par le chien et son maître.

Temps de lecture : 9 min

Voir Noï au travail a de quoi laisser bouche bée ! Attentif, ce Border Collie comprend chaque coup de sifflet. Stop, coucher, pousser, en arrière, à gauche, à droite… tous ces ordres, il les connaît sur le bout des pattes et les exécute en un temps record. En alchimie parfaite avec son maître, et de manière limpide, il dirige les moutons. Un troupeau dans lequel se trouve un drôle d’intrus… Un Patou, aussi appelé Montagne des Pyrénées, se fond parmi les ovins. Et si Noï et Soon sont de la même espèce, en quelques secondes, l’on comprend que leurs missions sont bien différentes… Preuve en est : quand le Border Collie s’approche des animaux, Soon se place devant en guise de protection, puis laisse finalement Noï faire son boulot. En effet, ce grand gardien blanc ne sert pas à la conduite des animaux. Lui, son rôle, c’est de les protéger. Une protection bien nécessaire dans certaines fermes confrontées à des attaques de renards ou encore de loups, dont les dégâts sont de plus en plus nombreux dans nos contrées wallonnes.

Du cadeau de Saint-Nicolas, à Bill l’inoubliable

Et si ces chiens sont aussi devenus de vrais atouts dans la ferme de Doische, c’est grâce au savoir-faire de Jean-Luc Censier. Ancien agriculteur, aujourd’hui retraité, il raconte son histoire et comment est née sa passion pour les canidés. « Auparavant, ici, c’était une exploitation familiale. Moi, je suis parti et j’ai travaillé dans l’alimentation animale. Puis, j’ai commencé les poules pondeuses ». Au fil du temps, le site prend de l’ampleur. Toujours en bio, il se spécialise dans la production et la commercialisation d’œufs frais et de viande d’agneau. Quant à Jean-Luc, il cède sa place à sa fille et à son fils qui ont repris, avec succès, le flambeau de la ferme.

Parallèlement à sa vie dans le monde agricole, il commence à s’intéresser aux canidés. Jean-Luc Censier se rappelle ainsi avoir souhaité un chien pour la Saint-Nicolas alors qu’il était jeune. « À l’époque, nous allions chercher les vaches en prairie pour la traite, c’est pourquoi, j’ai demandé ce cadeau ». Plus tard, tandis qu’il commence l’élevage ovin, il se renseigne sur les Border Collie, et achète sa première chienne. « Auparavant, il y a une vingtaine d’années, en Belgique, il n’y avait pas beaucoup de connaissances sur cette race, et j’avais envie de me former ». Une personne venue de l’Hexagone est, dès lors, venue partager ses connaissances avec l’agriculteur. La seconde fois, ce formateur français revient accompagné de Bill. Un compagnon à quatre pattes inoubliable… « Il sortait vraiment de l’ordinaire. Il a travaillé avec des moutons, des chèvres, des vaches, des chevaux, des ânes, des poules, des oies, des canards et des cochons. Il était réellement complet », nous confie-t-il avant de montrer une gravure réalisée en mémoire de fidèle compagnon.

Pas à pas, donc, il se forme, toujours en France. Et armé de ses connaissances, il commence à en faire profiter les autres en donnant, à son tour, des formations. Enfin, il se lance dans l’élevage et vend des chiens de conduite principalement à des éleveurs de moutons ou de bovins. Un secteur dans lequel il a réussi à se faire un nom. En effet, si en Belgique, l’on connaît les concours de chiens avec les moutons, chez nos voisins il existe sept compétitions canines par an avec ces animaux. « L’année passée, en septembre, j’ai même été invité pour représenter la Belgique aux championnats d’Europe sur bovins », explique celui qui, même s’il ne participe plus à des concours, continue à en organiser. L’un d’eux aura lieu chez lui à la mi-septembre.

Un chiot dont les deux parents travaillent au troupeau

Néanmoins le plus grand plaisir de Jean-Luc Censier reste la formation des chiens de conduite, afin d’en faire, à terme, de vrais atouts dans les fermes.

« Un animal, correctement dressé, représente le travail de 5 personnes pour l’élevage ovin. C’est simple : ici, demain s’il n’y a plus de chien, après-demain, il n’y a plus de moutons ! ».

Toutefois, avant de se lancer dans l’aventure canine, il faut mettre toutes les chances de son côté. Au niveau des races, d’abord, si le plus connu est le Border Collie, on peut s’orienter vers le Beauceron, le Berger des Pyrénées, le Berger belge ou allemand, le Bouvier des Flandres ou des Ardennes… Mâle ou femelle, peu importe, ce qui compte réellement c’est la motivation du chien et son caractère. Puis, on évitera un petit trop peureux ou trop sûr de lui.

L’endroit où l’éleveur va l’acheter revêt aussi toute son importance. En effet, il est indispensable que les deux parents du chiot travaillent au troupeau. De plus, les jeunes doivent découvrir le plus possible de choses dès un mois de vie, et cela en présence de leur mère. Et ils resteront en fratrie jusqu’à minimum 60 jours.

Ensuite, il faut savoir repérer plusieurs qualités : la motivation, évidemment, un caractère en adéquation avec son maître, l’obéissance ou encore sa puissance. « La puissance, c’est comme un prof qui arrive en classe. Il est là, et plus personne ne parle ». Un charisme inné, susceptible d’évoluer avec l’âge. L’éleveur peut également l’amener à améliorer son courage afin qu’il se démène pour faire bouger toutes les bêtes et prouver que c’est lui qui mène la danse. « Certains Border Collie savent mener 400 moutons », ajoute à ce sujet l’ancien agriculteur. Autre conseil : il est préférable de posséder plusieurs chiens de conduite, en cas d’accident avec l’un d’eux et pour assurer le renouvellement.

Enfin, comme l’élevage, c’est travailler avec du vivant, il peut toujours y avoir des surprises. « Lorsqu’on élève des chiens, la génétique entre en compte pour, je pense, 60 %. Néanmoins, parfois, il y a des nichées avec des parents extraordinaires dont les chiots ne donneront rien, tandis que l’année suivante, ils seront meilleurs. En outre, il est nécessaire d’accoupler un mâle et une femelle avec les mêmes qualités pour optimiser ses chances de réussite ».

Ne pas brûler les étapes lors de l’éducation et du dressage

Lorsque le chiot est choisi, place au dressage. Pour avoir un animal au top, à l’image de Noï, Jean-Luc Censier indique que cette étape peut être réalisée entre 10 et 14 mois. « Certains commencent à 5, 6 mois. Toutefois, en démarrant avec un chien d’un an, s’il possède des qualités, il va évoluer beaucoup plus vite. En attendant, je travaille le rappel, le stop, le retour à la niche, le coucher, je le mets un peu aux moutons… Bref, les notions de base ».

À partir d’un an, les choses sérieuses commencent… « Pour débuter, on choisira de préférence un lot de 5 à 6 animaux pas agressifs et, si possible, déjà habitués aux chiens. C’est plus facile avec des moutons ».

À ce propos, il est impératif de savoir qu’on ne dresse pas une bête au travail. De même, il est important de ne pas brûler les étapes. « Le chien ne peut pas apprendre plusieurs choses en même temps, donc on ne règle qu’un seul bouton à la fois. Étant donné qu’il travaille toujours par association d’idées, il faut mettre un mot sur une action lorsque celle-ci est bien exécutée. Lors de chaque nouveauté, on utilisera principalement le langage corporel, puis, lorsque c’est acquis, on mettra un ordre sur l’action. Le oui est utilisé lors de situations de confort, à l’inverse du non pour l’inconfort. Ce non doit permettre de mettre fin immédiatement à tout comportement inopportun du chien, et peut, dans certains cas, lui sauver la vie », enseigne-t-il lors de ses formations.

Enfin, comme le prouve le binôme entre Jean-Luc et son Border Collie, pour qu’une belle collaboration puisse naître, il ne faut pas oublier que la complicité entre le maître et son animal est un facteur clé de réussite.

Les chiens de protection : pas la panacée…

Si des chiens de conduite sont élevés à l’élevage du Censier, ce n’est pas le cas de ceux de protection. D’ailleurs, Jean-Luc tient à mettre les points sur les i de but en blanc : « Avoir des chiens de protection, c’est bien, oui, néanmoins ce n’est pas la panacée ! ». Si certains éleveurs sont tentés d’en avoir pour contrer les attaques, il faut prendre en compte la difficulté de bien les éduquer.

« Pour eux, il doit y avoir un côté naturel. Le chien doit être né dans un troupeau. La mère doit mettre bas dans la bergerie, et pour les chiots, les moutons doivent être comme leur famille. Le canidé doit se prendre pour l’un d’entre eux ».

Toutefois, il faut atteindre un juste équilibre afin que l’animal puisse être manipulé, notamment pour les vaccins, les soins…, le tout sans risquer de se faire mordre. De même, il ne faut pas trop jouer avec lui, puisqu’il ne doit pas s’attacher à l’homme. Bref, une relation « très compliquée à mettre en place ».

De plus, elle comporte des risques. Par exemple, au moment des mises bas, certains protecteurs ont tué des agneaux, d’autres se sont approprié un jeune et n’acceptaient plus que la brebis s’en approche.

Formé dans le sud de la France, l’éleveur a vu comment cela se passait dans les Pyrénées avec des canidés servant à protéger les troupeaux des attaques de loups ou d’ours. « Les gens en montagne possèdent 5, 6, 7 chiens. Un éleveur avait environ 1.500 moutons pour 12-13 canidés. Il ne faut pas, non plus, oublier que cela a un coût pour nourrir ces animaux ».

En effet, pour assurer une bonne protection, il est nécessaire de compter un chien par parcelle. Pour un gros troupeau, plusieurs devront être présents.

À Doische, Soon va avoir 4 ans. Ce chien a été récupéré auprès d’une ancienne éleveuse d’ovins, cessant son activité. Aujourd’hui, il vit en osmose avec les moutons. Un rôle clé… mais à mettre en place dans les règles de l’art.

Soon, le chien de protection, se fond parmi le troupeau de moutons.
Soon, le chien de protection, se fond parmi le troupeau de moutons. - D.T.

Toutefois, si vous souhaitez vous lancer dans cette aventure, au niveau des races à privilégier, Jean-Luc Censier conseille le Patou, comme dans cette ferme, le Berger des Abruzzes, ou encore le Kangal, un Berger d’Anatolie, plus populaire en Turquie et reconnaissable à sa queue enroulée au-dessus de son dos. Des animaux magnifiques, à ne mettre qu’entre de bonnes mains pour savoir en tirer toutes les qualités.

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