Pesticides : une politique durable encore à construire en Wallonie
La Cour des comptes a récemment publié un rapport critique sur la politique d’utilisation durable des pesticides en région wallonne. Si l’objectif est d’aligner les pratiques agricoles avec les ambitions européennes de préservation de la biodiversité, l’audit met en lumière de nombreuses carences entravant l’efficacité de cette politique.

L’état de la biodiversité en Wallonie est préoccupant, notamment dans les zones agricoles où l’utilisation des pesticides affecte fortement la biodiversité dite « ordinaire ». Depuis 2004, les quantités de pesticides utilisées restent globalement stables, ce qui ne permet pas d’inverser la tendance.
Enchevêtrement de compétences et données insuffisantes
La répartition des compétences entre les niveaux fédéral et régional complique la gouvernance. Les responsabilités en matière de vente et d’utilisation des pesticides sont partagées, rendant la politique difficile à coordonner. Les données de vente sont, par exemple, disponibles uniquement au niveau fédéral, tandis que les usages agricoles sont extrapolés à partir d’échantillons peu représentatifs, notamment dans les cultures de pommes de terre, grandes consommatrices de pesticides.
En réponse à une exigence européenne, un registre électronique des usages professionnels sera mis en place à partir de janvier 2026 en Wallonie. Aucun outil centralisé n’est toutefois prévu pour exploiter ces données de manière efficace, faute d’accord entre entités.
La réduction des pesticides ne se limite pas aux quantités, elle concerne aussi les risques pour la santé et l’environnement. Or, les indicateurs de risques harmonisés au niveau européen sont récents et peu précis. En Wallonie, plusieurs indicateurs ont été abandonnés ou sont encore en cours de développement, sans qu’ils soient associés à des objectifs chiffrés ou contraignants. La surveillance des pesticides les plus dangereux, pourtant obligatoire, reste inopérante.
Des programmes mal définis et peu suivis
Le troisième programme wallon de réduction des pesticides (PWRP3), couvrant la période 2023-2027, vise une réduction de 50 % de l’empreinte pesticides d’ici 2030. Toutefois, cet objectif reste vague, sans méthode de mesure ni étapes intermédiaires définies. Le programme manque de priorisation stratégique et d’indicateurs clairs, ce qui nuit à sa lisibilité et à son efficacité. L’efficacité des mesures adoptées est rarement mesurée. La lutte intégrée contre les ravageurs, par exemple, est peu évaluée. Par ailleurs, plusieurs mesures importantes du programme précédent (2018-2022), comme la révision de l’arrêté pesticides ou la désignation de zones vulnérables, sont toujours en attente.
La coordination entre les différents plans liés à l’agriculture et à l’environnement est insuffisante. La coexistence de plusieurs plans (Pac, plans bio, gestion de l’eau…) sans vision globale crée une dilution des efforts. De plus, la séparation des ministères compétents (Environnement et Agriculture) complique l’harmonisation des actions. La Cour des comptes invite les autorités à renforcer la coordination, à clarifier les responsabilités, à améliorer la collecte et l’exploitation des données et à fixer des objectifs mesurables. Une politique de réduction des pesticides efficace est essentielle pour enrayer l’érosion de la biodiversité en Wallonie, particulièrement en milieu agricole.