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Comment intervenir face à ce souci récurrent qu’est la salinité ?

Un excès de sel dans les parcelles maraîchères est loin d’être sans conséquence pour les cultures en place. Le phénomène est d’autant plus présent dans les serres, où seule l’irrigation permet de compenser l’exportation d’eau par les végétaux. Avant l’implantation des nouvelles cultures de printemps, des mesures correctrices doivent être envisagées, si nécessaire.

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Nous ne savons pas encore quelles seront les températures et les précipitations des prochains mois, ni quel sera l’ensoleillement… Les météorologues esquissent des tendances générales. Pour des données précises, la fiabilité est déjà très bonne trois ou quatre jours à l’avance.

Toutefois, ce début de printemps nous rappelle ce qui fut vécu il y a cinq, quatre et trois ans. La chaleur fut plus importante que les moyennes statistiques et les précipitations furent très variables.

Pour le maraîchage, la présence d’eau est nécessaire pour maintenir l’irrigation en activité normale. Or, il n’est pas toujours possible d’en disposer en suffisance… C’est alors que des risques de salinités peuvent apparaître, notamment en serre maraîchère. Si les apports sont insuffisants, les remontées capillaires conduisent vers la surface une partie de l’eau qui est absorbée par les cultures et une autre en surface de sol, perdue par évaporation.

En plein ou sous serre, quelle compensation ?

En plein air, ces quantités d’eau exportées sont compensées par les précipitations et les irrigations. Si les précipitations sont importantes, nous pouvons même constater la lixiviation des éléments minéraux les plus solubles vers les zones inférieures du profil du sol.

Pour les cultures sous serre maraîchère, c’est l’irrigation qui doit assurer cette compensation. Mais de multiples raisons peuvent amener un déséquilibre. Très généralement, celui-ci réside dans un manque d’apports. Ils ne compensent pas les exportations par les plantes et l’évaporation de surface de sol.

Nous devons prendre un maximum de précautions pour limiter les conséquences fâcheuses qui en résultent pour les cultures qui occuperont le terrain lors des prochains mois.

Quand la teneur en sel devient élevée…

Quand l’évaporation et l’absorption d’eau par les cultures sont significativement plus importantes que les apports, nous constatons une remontée capillaire d’eau qui amène des sels dissous et une accumulation de ceux-ci dans la partie supérieure du sol. Quand le bilan reste déficitaire sur une longue période, la teneur en sels solubles dans l’eau peut devenir très élevée. Nous constatons alors deux conséquences : une toxicité par excès de sels et un déséquilibre entre les éléments nutritifs. Les bases Na, Ca, Mg et, surtout, K sont amenées plus près de la surface avec les remontées d’eau. Le pH en surface augmente sensiblement.

Ce sol a été laissé au repos, nous voyons que les herbes sauvages peinent à se développer. Un dépôt blanc apparaît en surface de sol laissant supposer que l'eau en s'évaporant y a abandonné ses sels dissous.
Ce sol a été laissé au repos, nous voyons que les herbes sauvages peinent à se développer. Un dépôt blanc apparaît en surface de sol laissant supposer que l'eau en s'évaporant y a abandonné ses sels dissous. - F.

Le constat est évident dans les cas extrêmes, avec arrêt de la croissance et apparitions de signes de toxicités ou de blocages sur la végétation. De manière moins évidente dans un premier temps, nous observons également une sensibilité accrue des cultures à des maladies de faiblesse.

En pratique, ce sont d’abord les racines qui se développent ou fonctionnent moins bien lorsque la salinité est élevée. L’exploration du profil du sol est moins performante. La captation par les plantes diminue, l’absorption d’éléments mineurs devient insuffisante.

Un signe révélateur

En cas de salinité excessive, le premier constat est que la culture ne se développe pas selon le calendrier prévu. Elle tarde à s’installer, les plantes prennent une teinte plutôt foncée. L’élévation de la salinité modifie la tonicité de la solution du sol, rendant l’absorption d’eau plus difficile par les plantes. Celles-ci montrent des signes de perte de turgescence lors des heures chaudes de la journée, de flétrissement temporaire ou permanent, voire des mortalités.

Un signe nous oriente dans la réflexion : les adventices ne se développent pas très bien non plus. Elles sont moins nombreuses et restent plus petites que d’habitude. Comme plusieurs espèces végétales sont concernées par nos observations, même si c’est à des degrés divers, notre réflexion dépasse les seuls symptômes de maladies spécifiques. Mais n’oublions pas que certains champignons telluriques s’étendent aussi sur plusieurs espèces et, en affectant les racines, amènent de premiers symptômes proches de ceux de la salinité.

Un autre signal, c’est la répartition des zones de la serre où la situation est plus préoccupante qui correspond aux zones où les asperseurs se croisent moins bien. En ces endroits où les apports d’eau sont les plus faibles, les plantes souffrent davantage. Sous serre maraîchère, les seuls apports d’eau proviennent de l’irrigation. Tout manquement ou mauvaise répartition aura des conséquences sur le risque de salinité.

Si les asperseurs recouvrent insuffisamment les zones irriguées, nous pouvons avoir l’impression que le sol est mouillé partout, mais les quantités apportées ne sont pas les mêmes en chaque m² de la serre. Nous pouvons nous en rendre compte quand le sol se ressuie après une irrigation et, de manière plus précise, en installant une série de pluviomètres en différant endroits de la zone couverte par un asperseur. Il n’est pas rare de constater des différences d’apports d’eau dans un rapport de 1 à 4.

Le déficit hydrique peut provoquer des chloroses  et des nécroses marginales ou plus généralisées  des feuilles. Ce déficit peut être dû au manque d'eau dans le profil du sol, tout simplement, mais aussi  être aggravé par un manque de développement  des racines à cause d'un excès de salinité.
Le déficit hydrique peut provoquer des chloroses et des nécroses marginales ou plus généralisées des feuilles. Ce déficit peut être dû au manque d'eau dans le profil du sol, tout simplement, mais aussi être aggravé par un manque de développement des racines à cause d'un excès de salinité. - F.

Analyser le sol !

Une analyse de sol réalisée pour la détermination de la salinité est la méthode recommandée pour quantifier le problème. Sur base des résultats, nous pourrons entamer une série d’irrigations destinée à lessiver les sels en excès et à les diluer dans le profil. Les éléments minéraux restent disponibles pour les cultures, mais sont moins concentrés dans la partie supérieure de la zone d’enracinement.

En pratique, il ne s’agit pas d’une analyse classique des éléments fertilisants mais bien d’une analyse spécifique. La mesure de la teneur en sels solubles par kg de sol se fait généralement par une mesure indirecte, plus rapide. Parmi les méthodes usuelles, la conductivité exprimée en millisiemens/cm ou en microsiemens/cm d’un extrait aqueux au 1/5 est en lien direct avec la teneur en sels solubles.

D’autres méthodes rapides sont également utilisées pour estimer de manière indirecte la concentration en sels, comme celle de la détermination de la conductivité électrique à 25°C d’un extrait de pâte saturée, par exemple.

Corriger le plus rapidement possible

Avant l’implantation des nouvelles cultures de printemps, prenons rapidement la mesure du problème de salinité dans chacune de nos serres, et envisageons les irrigations correctrices tant que nous avons de l’eau de pluie disponible dans nos réserves. Les besoins en eau d’irrigation correctrice peuvent se calculer. Les paramètres dépendent de la nature du sol, des qualités de l’eau et de la quantité de sel à éliminer. L’irrigation correctrice est plus facile à calculer et à mettre en œuvre durant l’entre-deux cultures.

Simplement, comme ordre de grandeur, des apports de l’ordre de 200 mm d’eau de pluie permettent de corriger pas mal de situations sous au moins deux conditions. Premièrement, le drainage doit être suffisant et efficace. Ensuite, les asperseurs doivent être agencés de manière à ce que les précipitations soient réparties uniformément avec des variations de maximum 20 % entre les extrêmes.

Une gestion optimale de l’irrigation implique une adaptation des apports pour satisfaire aux besoins de la culture en place, y compris les pertes au niveau du sol. L’emploi d’appareils de mesure de l’humidité, comme les tensiomètres, est bien utile.

Les apports raisonnés de fumure permettent d’éviter des fluctuations saisonnières importantes au fil de l’année.

Le paillage est « indispensable » pour limiter  les besoins totaux en eau durant l'été et   réduire les risques de salinité de surface.
Le paillage est « indispensable » pour limiter les besoins totaux en eau durant l'été et réduire les risques de salinité de surface. - F.

Le paillage, les techniques de travail du sol, de bonnes structures sont autant de mesures qui permettent de limiter les évaporations en surface et les remontées capillaires. Le paillage devrait être généralisé au moins de mai à septembre.

Une teneur en matière organique du sol correspond à un pouvoir tampon et une capacité d’échange élevé. Le seuil de toxicité de la salinité sera plus élevé avec des sols à teneurs élevées en matières organiques.

Les fumures minérales classiques seront fractionnées pour limiter les quantités apportées par intervention. Les engrais retard et les engrais organiques libèrent les éléments progressivement.

F.

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