Profit, argent, cupidité

Trois lettres lourdes de signification : Pac… Dans les fermes européennes, elles ne peuvent vouloir dire qu’une seule chose : politique agricole commune. Il en est ainsi depuis le 30 juillet 1962, date à laquelle ladite politique a officiellement vu le jour. Mais pour d’autres, attirés par les budgets considérables qui gravitent autour de la ruralité européenne, ces trois lettres ont une tout autre signification : profit, argent et cupidité. Pour preuve, ces deux situations, révélées tour à tour les 26 et 27 mai.
En Grèce, tout d’abord. Le ministre de l’Agriculture, Costas Tsiaras, a confirmé la découverte d’une fraude présumée aux subventions de la Pac distribuées par l’Opekepe, l’Agence grecque des aides de la politique agricole commune. Selon le parquet européen, qui enquête sur la situation, « un nombre important de personnes » a obtenu des aides agricoles entre 2019 et 2022 pour des pâturages, principalement en revendiquant à tort des terres publiques. Au cours des années suivantes, jusqu’en 2024, les mêmes individus ont continué à soumettre de fausses déclarations leur permettant ainsi d’activer et maintenir leurs droits au paiement.
En Italie, ensuite. La gendarmerie a annoncé la saisie pour 1,14 million d’euros de biens appartenant à « un groupe criminel » soupçonné de détournement de fonds de la Pac, à Salerne, près de Naples. Plusieurs entreprises auraient obtenu illégalement des financements, sur base de données mensongères, avec « la complicité de techniciens agricoles et de fonctionnaires de la région de Campanie » en échange d’un pourcentage sur les montants détournés, selon le communiqué des carabiniers.
Malgré la mise en place de contrôles et autres garde-fous, certains parviennent donc à s’approprier de l’argent qui ne leur est pas destiné. Argent qui, inutile de le rappeler, provient des impôts versés par l’ensemble des contribuables européens. Ces deux « affaires » en masquent certainement d’autres, et on ne peut que le déplorer.
La manne financière associée à la politique agricole commune ne doit pas servir à satisfaire les envies et besoins de quelques individus malveillants. Elle est destinée, entre autres, à soutenir les agriculteurs européens, à garantir un approvisionnement stable en denrées alimentaires à prix abordables, à préserver les zones rurales européennes et à assurer leur développement, à contribuer à lutter contre les changements climatiques… En bref, elle bénéficie à chacun des citoyens européens.
S’octroyer une part de cet argent par cupidité, c’est hypothéquer ces objectifs, c’est nuire au soutien octroyé à celles et ceux qui se lèvent chaque matin pour nous nourrir, c’est freiner drastiquement le développement des zones rurales… Ces détournements, bien que localisés, jettent le discrédit sur la politique agricole commune elle-même, alors qu’elle souffre et, pour certains, s’essouffle déjà énormément. Les contrôles doivent se poursuivre, de même qu’un travail de transparence accrue doit être mené. La crédibilité de la Pac ne peut être assurée que si chaque euro issu de son budget sert réellement à celles et ceux qui habitent et façonnent les territoires ruraux.