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La fin de l’abondance alimentaire ?

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Et si le réchauffement climatique annonçait la fin d’une ère d’abondance alimentaire mondiale ? Une vaste étude du « Climate Impact Lab », publiée dans la revue « Nature », tire la sonnette d’alarme. Fruit de huit années de recherche dans 55 pays, elle estime que les rendements caloriques de six cultures clefs (blé, maïs, riz, soja, sorgho et manioc) pourraient chuter de 11 % à 24 % d’ici à la fin du siècle, malgré les efforts d’adaptation.

Les données, d’une rigueur implacable, dessinent une trajectoire inquiétante : chaque degré de réchauffement supplémentaire entraînerait une perte de 120 kilocalories par personne et par jour, l’équivalent d’un repas léger. À +3 ºC, c’est l’équivalent du petit-déjeuner quotidien de chacun qui disparaîtrait. L’image, frappante, illustre ce que les chiffres disent sobrement : même avec l’optimisation des semis, des variétés et des intrants, l’agriculture atteint les limites de son adaptation.

Ce constat remet en cause une croyance longtemps dominante : celle d’une sécurité alimentaire assurée par la technologie et les échanges mondiaux. Désormais, les pays du Nord ne sont plus épargnés, et la menace devient universelle. Elle oblige à reconnaître que l’adaptation, aussi nécessaire soit-elle, ne suffira pas. La réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre reste la seule voie pour limiter la casse.

Mais répondre à cette crise ne peut se résumer à un surcroît d’efficience. C’est l’ensemble du système agroalimentaire qu’il faut repenser : diversifier les cultures, valoriser les savoirs locaux, préserver les sols, réorienter les régimes alimentaires, réduire le gaspillage, relocaliser les filières. Il s’agit moins d’ajuster les marges d’un modèle à bout de souffle que d’en concevoir un nouveau, capable de conjuguer résilience écologique, justice sociale et durabilité économique. Le chantier est immense, mais il est déjà en cours sur de nombreux territoires. Il mérite aujourd’hui d’être soutenu à l’échelle globale.

Car si l’agriculture est l’une des premières victimes du changement climatique, elle en est aussi l’un des moteurs, responsable d’environ un quart des émissions mondiales. Elle peut pourtant devenir un levier de transition, à condition que les choix politiques suivent. Une agriculture bas carbone, en harmonie avec les cycles naturels, est à la fois possible et indispensable.

À l’heure où le réchauffement atteint déjà 1,5 ºC, les projections ne relèvent plus d’un futur hypothétique. Elles concernent le présent. Agir, c’est maintenant. Il en va non seulement de notre capacité à nourrir l’humanité, mais aussi de l’équilibre des sociétés. La crise climatique est aussi une crise de sécurité, de justice et de paix.

Marie-France Vienne

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