Au pied du mur climatique
« Un chiffre alarmant ». C’est en ces termes que le commissaire européen à l’Agriculture, Christophe Hansen, a commenté l’estimation de la Banque européenne d’investissement (BEI) sur les pertes agricoles liées au dérèglement climatique. Chaque année, l’UE verrait s’évaporer plus de 28 milliards € de productions, dont la moitié imputable à des événements climatiques extrêmes. Et les projections à l’horizon 2050 sont encore plus préoccupantes.

Face à cette spirale, l’Europe ne peut plus se contenter de réparer les dégâts. Il faut repenser en profondeur la manière dont elle protège, finance et transforme son agriculture. Christophe Hansen a fixé un cap en affirmant que les agriculteurs ont besoin « d’assurances plus abordables, d’un accès aux investissements pour l’adaptation au changement climatique et d’une Pac réactive ». Trois piliers pour une nouvelle stratégie.
Car aujourd’hui, seule une minorité des pertes climatiques est couverte par une assurance, souvent jugée inadaptée ou hors de portée financière. « L’accès à l’assurance est certes important, mais le secteur a également besoin d’investissements conséquents pour rester durable et résilient », insiste le commissaire. La BEI plaide, de son côté, pour un meilleur usage des outils de marché, notamment la réassurance, pour pallier les déficits de couverture.
Mais comment investir lorsque l’accès au crédit se resserre ? Les pertes répétées, même modérées, grignotent les marges, et les nouvelles réglementations financières, bien que justifiées, pourraient accroître le coût du financement agricole. Le commissaire Hansen en est conscient et veut « réduire les obstacles tels que les coûts d’emprunt élevés et la perception des risques » qui pèsent sur les agriculteurs. Dans sa proposition de réforme de la Pac, attendue en juillet, la commission envisage la création de fonds nationaux pour les risques climatiques. Ce pourrait être une première pierre. Toutefois, il faudra aller plus loin. L’agriculture européenne ne pourra s’adapter qu’avec un soutien public massif, stable, et stratégique.
Ce tournant climatique impose à l’Europe un nouveau contrat agricole qui protège, mais aussi qui transforme. La Pac post-2027 devra être celle de la résilience. Elle pourrait bien être la dernière chance de préparer notre agriculture à un climat qui, lui, n’attendra pas. Le climat impose ses règles, à l’Europe désormais d’imposer ses solutions…