Le Luxembourg raconté par la députée provinciale Coralie Bonnet
Au détour d’un virage, sur une route serpentine, l’horizon pacifiant comme des massifs d’hortensias bleus. Juillet, il se traverse comme une chambre en feu, espérant l’insolente fraîcheur des pluies d’été. En son cœur, Libramont s’apprête à rassembler des milliers de visiteurs. Pour Coralie Bonnet, députée provinciale à l’Agriculture, l’événement est l’occasion de faire re-découvrir le territoire le plus méridional de la Belgique, ses services de proximité aux agriculteurs, ses innovations durables et la mise en valeur des circuits courts.

Dans le sillage de la réforme du recentrage des missions provinciales décidée en 2020, la Province de Luxembourg a choisi de conserver l’agriculture comme domaine stratégique prioritaire.
Une décision prise dans un contexte budgétaire pourtant tendu : « Nous avons dû faire face à une montée en puissance du financement des zones de secours. En dix ans, notre contribution est passée de 1 à 16 millions €/an », rappelle Coralie Bonnet. Malgré cette pression, la volonté de soutenir les agriculteurs est restée intacte.
Un accompagnement concret et de terrain
Ce soutien se matérialise par une offre complète de services directs aux exploitants : conseils en alimentation, en bâtiment, en énergie, diagnostics économiques, comptabilité, déclarations Pac, renouvellement de permis d’environnement. Une trentaine d’agents provinciaux assurent cet accompagnement quotidien, auquel s’ajoutent des collaborations avec des structures comme Sereal (le service de remplacement pour les agriculteurs de la province de Luxembourg), Fourrage Mieux ou le Centre de Michamp. « Notre force, c’est l’indépendance du conseil. Nos agents n’ont rien à vendre, ils sont là pour orienter, aider, structurer. Cela fait toute la différence », insiste Coralie Bonnet.
Des concours pour valoriser les productions locales
Depuis plusieurs années, la Province organise une série de concours agricoles destinés à valoriser les filières emblématiques du territoire. Après le beurre, le yaourt ou encore la glace artisanale, le steak Blanc Bleu et le fromage de chèvre viennent d’être mis à l’honneur (voir Le Sillon Belge du 3 juillet). Les lauréats seront mis en avant tout au long de l’année : « Ils recevront un macaron apposable sur leurs emballages, seront présents dans le chapiteau provincial à Libramont, et pourront faire déguster leurs produits, crus ou cuits, selon la météo, directement aux visiteurs ».
Les concours ne sont pas qu’un tremplin médiatique. Ils créent du lien, du dialogue et de l’amélioration continue. « Même ceux qui ne sont pas classés nous disent leur satisfaction d’avoir eu un retour constructif de la part des jurés. Cela les aide à progresser », affirme Coralie Bonnet. La participation reste significative : 8 producteurs de viande sur 22, et 8 producteurs de fromage sur 15.
« La proportion est plus élevée dans le fromage car, par nature, ces producteurs sont presque tous en vente directe », précise-t-elle. Au fil des éditions, la cellule alimentation durable a su structurer des concours professionnels avec une expertise croissante, en lien avec les acteurs du secteur.
L’alimentation durable comme levier de transition
Pilier transversal de la politique agricole provinciale, la transition écologique passe aussi par l’assiette. Une cellule alimentation durable a été créée, dotée de quatre personnes. « On veut agir sur les pratiques concrètes du quotidien, à commencer par ce qu’on mange trois fois par jour », dit-elle. Des collectivités sont accompagnées dans leur transition alimentaire, et la Province a lancé trois études innovantes sur les alternatives aux antibiotiques (probiotiques pour les veaux), aux plastiques agricoles (sur les silos) et aux pesticides (en fonction des types de sols locaux). « C’est notre manière d’entrer dans le « One Health » : penser ensemble santé animale, santé humaine et santé de la planète », affirme Mme Bonnet.
Répondre à la pénurie vétérinaire, un enjeu stratégique
Cette approche globale prend un nouveau visage à travers le plan provincial de lutte contre la pénurie de vétérinaires. Constatant les difficultés croissantes à garantir une couverture vétérinaire suffisante, en particulier en milieu rural, la Province a lancé en janvier un groupe de travail réunissant des acteurs de terrain, de la Faculté de médecine vété
Des enfants aux champs : le projet « Bus en ferme »
L’attention portée au lien entre production et consommation s’étend aussi au monde scolaire. Dans le prolongement d’Agripédi@Lux, programme éducatif porté par la Province autour de l’agriculture, une nouvelle initiative baptisée « Bus en ferme » a été lancée début 2024. Pendant une semaine, trois cents élèves des écoles communales de Neufchâteau ont ainsi découvert le monde agricole directement au sein des exploitations.
Accueillis par la Coopérative du Grand Enclos et la ferme Elaclaba, les enfants ont participé à des ateliers pratiques comme la fabrication de beurre, des visites guidées et des dégustations. L’objectif est
TerroirLux.be, vitrine numérique du local
Relancé en 2023, le site TerroirLux.be connaît un essor notable. Plus de 500 producteurs en vente directe y sont référencés, ainsi qu’une centaine de points de vente. « C’est un outil vivant. On crée de nouvelles catégories selon les besoins du terrain, comme par exemple celle des food trucks locaux qui peuvent être sollicités pour des événements communaux ou des fêtes de village », souligne Coralie Bonnet. Les chiffres de fréquentation du site parlent d’eux-mêmes. Il a enregistré 15.775 visites à partir de février 2024 et grimpé à 16.272 entre janvier et juin de cette année. Cette dynamique repose sur un maillage serré avec les communes, les ADL, les GAL, les parcs naturels. « Nous sommes devenus un point de référence pour le circuit court en province de Luxembourg », dit-elle avec fierté.
La foire de Libramont, catalyseur annuel
Véritable moment de convergence, la Foire de Libramont cristallise chaque année les ambitions de cette institution. Dans le chapiteau provincial, on retrouve les lauréats des concours, les services agricoles, les structures de recherche partenaires (UCLouvain, ULiège, centres techniques), mais aussi des espaces touristiques.
« C’est une vitrine de notre territoire, et une plateforme d’échange avec les ministres, les institutions, les partenaires de terrain », explique Mme Bonnet. Cette année encore, les thèmes liés à l’environnement, à la santé animale et à la durabilité seront mis en avant, dans une logique de continuité des projets déjà engagés. Si les autres Provinces n’ont pas toutes conservé l’agriculture comme priorité, celle de Luxembourg entend bien continuer à l’assumer pleinement. À l’écoute des producteurs, à l’avant-garde sur la durabilité, elle entend réconcilier tradition agricole et modernité des enjeux.
« Nous sommes proches du terrain, adaptables, et engagés. C’est cette combinaison qui nous donne notre légitimité », conclut Coralie Bonnet.