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Silence, on trait!

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Observer le ballet des tracteurs, entendre le coq chanter, profiter du lait fraîchement sorti du pis en rendant visite au fermier voisin, humer l’odeur de la paille pressée, se rouler dans l’herbe tout juste fauchée… La vie à la campagne est une véritable symphonie des sens, qu’importe l’âge.

Néanmoins, pour certains « néo-ruraux », le coq devrait chanter un ton plus bas, les vaches ne pas meugler aussi tôt, le fumier être inodore… Quant aux agriculteurs, ils ne devraient pas se déplacer en tracteur durant le week-end et, encore moins, la nuit…

La rencontre entre des cultures dites « rurale » et « citadine » pourrait constituer un enrichissement sans pareil pour nos villages et leurs habitants, qu’ils s’agissent de « ruraux pure souche » ou de « néo-ruraux ». Pourtant, les chocs sont de plus en plus fréquents…

Une nouvelle histoire, dont la source se trouve aux Pays-Bas, vient encore une fois le confirmer. À Meierijstad, à une vingtaine de kilomètres au nord d’Eindhoven, les vaches se montrent trop bruyantes pour le voisinage d’une ferme. Au point que la question s’est posée de savoir à partir de quelle heure la traite peut débuter…

Et la municipalité a tranché : traire avant 7 heures du matin n’est autorisé qu’à condition que cela se fasse sans bruit. Quiconque connaît un tant soit peu le fonctionnement d’un élevage laitier saisit en un rien de temps l’énormité de cette décision. Décision qui n’est pas unique, car le permis d’exploitation est également couplé à la non utilisation d’un chargeur dans l’étable au-delà de 19h, toujours « en vue de limiter les nuisances sonores ». Cerise sur le gâteau, les autorités communales souhaitent également que l’agricultrice tienne un carnet de bord où seraient consignées les récoltes d’herbe et de maïs. En désaccord, l’éleveuse a porté l’affaire devant le tribunal qui rendra son verdict dans les semaines à venir.

Imaginons quelques instants ce que serait la journée d’un agriculteur sous un tel régime : 5h30 : lever, 6h00 : notifier la traite sur www.jetrait.be, 6h15 : débuter – enfin ! – la traite, 8h30 : prendre connaissance de la météo et appeler l’entrepreneur de travaux agricoles, 8h45 : notifier la récolte de l’herbe sur www.jensile.be… Un vêlage ? Attention au bruit… À signaler au plus vite sur www.mavachevêle.be !

Voilà qui serait complètement absurde. Les journées d’un agriculteur sont déjà suffisamment remplies que pour imposer de telles inepties en vue de satisfaire quelques citoyens qui ne supporteraient pas les petits tracas de la vie à campagne. Plus que jamais, le dialogue et la bienveillance doivent s’installer afin de bâtir une communauté rurale forte, dans laquelle chacun se comprend et, surtout, se respecte mutuellement.

À ce titre, inutile de rappeler que si la campagne constitue un espace de vie, elle est également le siège de la production alimentaire. Vouloir en effacer les réalités, c’est, en quelque sorte, faire disparaître celles et ceux qui remplissent nos assiettes. Est-ce réellement ce que nous souhaitons ?

Jérémy Vandegoor

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