Un pas éthique, un défi technologique

La décision du gouvernement wallon d’interdire le gazage des poussins mâles dans les filières pondeuses, adoptée en première lecture le 3 juillet dernier, s’inscrit dans une dynamique plus large de révision éthique des pratiques d’élevage. Elle prolonge l’interdiction du broyage instaurée en 2021, et confirme la volonté des autorités régionales d’ancrer l’agriculture dans un cadre plus respectueux de la sensibilité animale. L’élimination massive des poussins mâles à la naissance, longtemps acceptée au nom de la rentabilité économique, heurte de plus en plus les consciences. Ces animaux, malheureusement écartés parce qu’ils ne pondent pas et ne correspondent pas aux standards de l’élevage de chair, sont tués par millions chaque année dans les couvoirs du monde entier. Ce modèle industriel, fondé sur l’optimisation biologique et économique, est aujourd’hui remis en cause par une société qui exige davantage de cohérence entre pratiques agricoles et valeurs morales. C’est pourquoi le recours à l’ovosexage devrait aujourd’hui devenir un objectif prioritaire. En permettant d’identifier le sexe de l’embryon avant l’éclosion, cette technologie offre une réponse pragmatique et éthique à la question de l’élimination des poussins mâles. Déjà expérimentée (et parfois appliquée) en Allemagne, en France ou aux Pays-Bas, elle mérite d’être encouragée, soutenue, structurée.
La Wallonie, forte de son engagement sur les questions de bien-être animal, se doit désormais de favoriser l’émergence de cette solution en soutenant la recherche, en facilitant l’investissement dans des équipements adaptés, en encourageant les partenariats entre les acteurs publics, privés et scientifiques. Car si l’ovosexage représente une avancée technologique, il est aussi un levier de transformation pour toute une filière. Il ne s’agit pas seulement d’interdire une pratique, mais de construire un autre modèle où l’innovation technologique répond à l’exigence éthique, où la compétitivité ne se fait pas au détriment de la sensibilité animale, et où l’agriculture peut continuer à s’exercer en accord avec les valeurs de la société.
La fin du gazage des poussins mâles appelle, sans tarder, une ambition plus large, celle de faire de l’ovosexage non plus une exception expérimentale, mais une norme industrielle. C’est à ce prix que l’éthique trouvera sa traduction dans les faits, et que la filière pondeuse pourra continuer à avancer avec responsabilité. À l’heure où les attentes sociétales en matière de bien-être animal se font toujours plus pressantes, la responsabilité des pouvoirs publics est de bâtir des solutions durables et partagées avec le secteur agricole.