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«Plus large, plus grand, plus puissant»

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« Citius, Altius, Fortius », autrement dit : « Plus vite, plus haut, plus fort ». Telle est la devise des Jeux olympiques modernes, complétée depuis 2021 par le mot latin « Communiter », signifiant « ensemble ».

Dans le domaine des jeux agrolympiques, les constructeurs de matériel agricole semblent, eux aussi, avoir adopté une devise similaire, bien que non officielle : « Plus large, plus grand, plus puissant ». En témoignent les diverses nouveautés présentées à l’approche d’Agritechnica, grand-messe de la mécanisation agricole qui se tiendra mi-novembre, à Hanovre (Allemagne) : des ensileuses développant plus de 1.000 ch, une généralisation des outils de travail du sol et semoirs de 12 m et plus, du matériel de récolte des fourrages fauchant ou andainant toujours plus large, des tracteurs dépassant 850, voire 900 ch, des charrues à 12 ou 14 corps…

Début juillet, Thierry Krier, président et ceo du Groupe Kuhn, déclarait d’ailleurs que les ventes réalisées dans les segments XL et XXL représentent 40 % du business global du constructeur alsacien. Pour sa part, Theo Leeb, directeur de Horsch Leeb Application Systems, s’est penché sur la largeur des rampes de pulvérisateurs. Ainsi, si les modèles de 36 m font aujourd’hui figure de standard en Europe, il parie sur une nouvelle norme pour demain, à savoir 45 m. Le tout dans un contexte de prise d’embonpoint des cuves de pulvérisation.

Tels des bodybuilders, les outils agricoles voient donc leur carrure croître. Une tendance aux origines multiples.

Premièrement, en Europe, la tendance à la diminution du nombre de fermes se traduit par un accroissement de la surface cultivée par exploitation. Cela, conjugué à un net recul de la main-d’œuvre agricole disponible, explique pourquoi les agriculteurs ont besoin d’outils plus larges. Mais abandonner des outils de 3 ou 4 m au profit de modèles de 8, 10 ou 12 m requiert un complément de puissance… Et se traduit par la production et l’achat de tracteurs embarquant davantage de chevaux sous le capot.

Le recours aux outils plus larges permet également, pour les agriculteurs, d’optimiser au mieux les plages de travail disponibles. Lesdits outils permettent également de réduire le nombre de passages sur la parcelle cultivée et, par conséquent, la compaction des sols. Pour autant, toutefois, qu’une attention particulière soit accordée aux poids des engins et outils ainsi qu’à leurs pneumatiques ou chenilles.

Pour les constructeurs, proposer de tels outils permet de répondre à une certaine demande, mais aussi de se tourner vers d’autres marchés. Europe de l’Est, Amérique du Nord et du Sud… regorgent de parcelles aux dimensions « hors normes » pour un agriculteur belge. Dans ces contrées, impossible de se contenter d’un semoir ou d’un déchaumeur de 3 m… Place donc aux grandes largeurs et aux grosses cylindrées.

Demeurent néanmoins quelques questions… Ces outils seront-ils, demain, accessibles à tous les agriculteurs ou, au contraire, taillés uniquement pour les grosses structures capables de financer et de rentabiliser de tels investissements ? Les agriculteurs belges trouveront-ils encore des machines adaptées à leur parcellaire, morcelé et moins adapté à l’accueil de tels mastodontes mécaniques ?

Voir plus large, plus grand, plus puissant répond à une réelle nécessité, tant pour les constructeurs que pour certains agriculteurs. Mais il demeure nécessaire que tout professionnel puisse accéder à des outils qui répondent à ses attentes, à la fois sur le plan d’une utilisation pratique et adaptée à la surface cultivée, que du point de vue des fonds qu’il souhaite allouer à un tel investissement.

Jérémy Vandegoor

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