Le poids des mots

Lait de soja, lait d’avoine, lait de riz… Ces dénominations ont encore la vie dure dans le quotidien de nombreux Belges et, peut-être, ne disparaîtront-elles jamais du vocabulaire courant. Pourtant, au sein de l’Union européenne, l’utilisation du terme « lait » est réservée au produit issu de la traite d’un mammifère. De même, « beurre », « crème », « fromage » ou encore « yoghourt » sont exclusivement réservés aux produits laitiers d’origine animale. Certes, il existe quelques exceptions mais celles-ci concernent des denrées commercialisées de longue date et n’imitant pas des produits laitiers. Cette liste inclut, entre autres, le lait de coco, la crème de marrons, le beurre de cacao, le beurre de cacahuète… ou encore le haricot beurre et la poire Beurré Hardy. C’est dire à quel point le législateur européen s’est montré pointilleux sur la question.
La situation est bien différente du côté des produits carnés. Là où le lait et ses produits dérivés sont jalousement protégés, les appellations telles que « steak », « saucisse » ou encore « burger » peuvent être employées pour des produits végétaux. Du moins, pour l’instant… Le 8 octobre, le Parlement européen a, en effet, adopté un texte d’une portée relativement large dont l’un des points vise à réserver ces termes aux seuls produits d’origine animale.
Le débat entre les « pour » et les « contre » a été vif. Les premiers estimaient qu’il ne fallait ni tromper le consommateur, ni laisser perdurer une forme de concurrence déloyale des substituts végétaux. Les seconds, quant à eux, voient en ce texte un important frein à la transition écologique. D’aucuns estimaient, par ailleurs, qu’il n’était pas nécessaire de consacrer du temps à pareille question, la considérant même comme étant inutile, vu son absence d’impact sur les conditions de travail et le revenu des agriculteurs.
Se montrer plus strict sur les dénominations adoptées par les produits carnés et végétariens ne facilitera pas, en effet, le quotidien des éleveurs. Toutefois, choisir les termes adéquats, c’est témoigner sa reconnaissance vis-à-vis d’une profession, c’est rappeler que travailler jour après jour avec le vivant requiert de nombreuses compétences, c’est se souvenir que derrière chaque steak ou escalope se trouvent des hommes et des femmes soucieux du bien-être de leurs animaux…
N’en déplaise à certains députés européens, honorer le savoir-faire et la qualité du travail de nos éleveurs n’est en rien anecdotique. Se sentir reconnu et respecté – peut-être aujourd’hui plus que jamais – est essentiel pour tout un chacun. Et cela passe aussi, tout simplement, par les mots…