Au Domaine de la Pommeraie : un verger ancré dans le temps et tourné vers l’avenir
Depuis la dernière semaine d’août, la récolte des pommes et des poires bat son plein au Domaine de la Pommeraie. Situé à Gembloux, ce verger bio nous ouvre ses portes pour en apprendre un peu plus sur son histoire et sa production tant appréciée.

« Une pomme par jour éloigne le médecin »… et parfois, elle change aussi une vie. C’est en tout cas ce qu’ont vécu Guillaume et Aurélie Berbers.
Une histoire qui remonte à 1936
« Les plus anciens écrits mentionnant le verger avec les premiers pommiers date de 1936 », raconte Guillaume Berbers, exploitant de la Pommeraie.
En 1987, c’est Monsieur et Madame Theunis qui reprennent le verger et qui le développe au fil des années.
Sur 12 ha sont cultivées 5 variétés de poires et pas moins de 18 variétés de pommes. Parmi les variétés de pommes les plus connues, on peut citer les Boskoop, Jonagold, Elstar, Wellant, Sansa, Santana, Topaz, Rajka et les Rubinettes, particulièrement appréciées par leur clientèle.
En 2015, quelques pieds de vigne (Pinot noir et Chardonnay) sont plantés et permettent la production de vin et de crémant « La fine bulle ».
Le couple Theunis décide également en 2015 de convertir l’exploitation à l’agriculture biologique. Au terme de trois années de transition, l’ensemble du verger est certifié bio.
De leur côté, Guillaume Berbers, employé dans le négoce ferroviaire, et sa compagne Aurélie étaient à la recherche d’un projet professionnel et familial différents. Après avoir travaillé une année avec les Theunis, ils reprennent le verger en 2022. Aujourd’hui, ils en sont à leur quatrième saison.
De la chance, de la volonté et de la conviction
« Lors de nos recherches pour notre projet de reconversion, le hasard ou la chance nous a mis sur le chemin de la Pommeraie », explique Guillaume. Tout correspondait à leurs critères : un travail en extérieur avec le vivant, qui de surcroît est en agriculture biologique, et surtout avec la possibilité de vendre en direct et d’avoir un contact avec le consommateur.
« Tout était nouveau pour nous », précise l’arboriculteur. L’année passée avec les Theunis lui a permis de se former et lui a donné les outils pour reprendre l’exploitation. Guillaume Berbers fait également partie de différents groupes de producteurs bio et bénéficie toujours des conseils de l’ancien propriétaire, de collaboration et de l’entraide des autres producteurs de fruits.
La production bio était aussi une volonté et une conviction. « Nous sommes persuadés que la santé passe par l’alimentation. Le bio est donc, pour nous, un levier pour une alimentation plus saine et qui respecte la nature », ajoute Guillaume.
Durant les quarte dernières saisons, aucun arbre n’a été planté : « Nous travaillons encore avec les anciens pieds ». Selon Guillaume, un verger de pommier s’exploite environ 15 ans, mais tout dépend de l’état sanitaire et de la production des arbres. Il donne également l’exemple pour les poiriers, dont certains pieds du verger donnent encore du fruit et datent de 1964.
Une intense période
Comme pour les moissons ou l’arrachage des pommes de terre et des betteraves, la récolte des pommes est une période assez intense, qui s’étend généralement de la fin août, pour les plus hâtives, à la fin octobre. La récolte des poires se fait également au même moment, dans le courant du mois de septembre, et se réalise en un seul passage.
Pour les pommes, cela est un peu différent. Deux à trois passages sont nécessaires : le premier pour cueillir les plus colorées et les suivants pour le reste des pommes qui étaient derrières les premières et qui étaient moins colorées. La maturité des fruits est évaluée par différents critères comme la couleur, la densité de sucre et la fermeté du fruit qui nécessitent des analyses et des instruments de mesures. Pour le particulier, la couleur foncée du pépin reste un bon indicateur.
Lors de la cueillette en elle-même, les pommes sont stockées dans des palox par l’intermédiaire des petits paniers à fond amovible qui évitent les coups. La pomme est un fruit fragile qui développe facilement des tâches si elle a reçu des coups ou si elle a été pincée lors de la récolte. Les pommes abîmées ou pourries sont laissées au sol pour préserver les autres pommes de l’effet « taches d’huile ». L’origine des tâches et des coups peut être multiple : coups de soleil durant les périodes chaudes, coups de bec d’oiseaux, insectes…
La commercialisation B to C à la Pommeraie
La conservation des pommes de la Pommeraie se fait au froid : les palox sont disposés dans un grand frigo et y restent jusqu’au moment de la vente. Les frigos sont vides vers la fin du mois de février ou le début du mois de mars, ce qui représente une période de conservation assez courte mais qui a lieu dans une atmosphère non modifiée. En effet, une grande partie des fruits sont conservés dans une atmosphère modifiée, par exemple par le remplacement de l’oxygène par de l’azote, pour freiner la respiration et le vieillissement du fruit.
Les pommes sont manipulées deux fois : une première fois à la récolte et une deuxième fois au triage. Lors du triage, les fruits sont inspectés et calibrés. Les abîmés sont destinés au pressage et les autres sont proposés à la vente.
Guillaume et Aurélie tiennent également un petit magasin dans lesquelles ils proposent de nombreux produits : caisse de pommes, jus, jus pétillant, sirop, confitures… La transformation des fruits a lieu dans des ateliers spécialisés et équipés. Le reste des pommes est vendu dans d’autres magasins de la région et les poires à un grossiste bio.
Le verger, c’est aussi du travail tout le reste de l’année, avec le triage et la vente de novembre à février, la taille des arbres dès le début du mois janvier jusqu’au mois d’avril et l’entretien sanitaire ainsi que des abords (tontes et désherbage) de mars à août.
Les difficultés du bio
L’arboriculture biologique n’est pas sans son lot de difficultés. Des ravageurs aux maladies, le verger demande beaucoup d’entretien, de tonte et de désherbage. Il faut être vigilant et présent pour pouvoir intervenir de la manière la plus précise ou la plus proche de l’infection ou du problème.
Du point de vue des insectes ravageurs, l’anthonome, l’hoplocampe et le carpocapse peuvent générer de nombreux dégâts. La carpocapse, par exemple, pénètre le fruit, va jusqu’au trognon pour y manger les pépins puis ressort et passe à la pomme suivante. Les solutions pour lutter contre les insectes en agriculture biologique sont limitées. L’arboriculteur travaille donc surtout de manière préventive. Dans le cas du carpocapse, la confusion sexuelle peut être utilisée. Il s’agit de répartir des phéromones dans le verger ce qui empêche le mâle de retrouver les femelles.
Du côté des maladies, la tavelure et le chancre sont les principales à surveiller. « L’application de cuivre est la seule solution qui existe pour le moment. Seulement, la Belgique prévoit d’interdire son utilisation dans le courant de 2026, ce qui posera certainement de gros problèmes non seulement dans les vergers mais aussi pour la culture de pommes de terre et dans les vignes », explique Guillaume.
Les centres pilotes étudient également d’autres moyens de lutte comme le piégeage massif pour les insectes ou les résistances variétales. La Pommeraie essaie également de créer un cadre favorable pour accueillir les auxiliaires naturellement présents (coccinelle, perce-oreille et syrphe) mais aussi les rapaces, en installant des perchoirs et des nichoirs, afin de lutter contre les campagnols.
Des années contrastées mais un avenir prometteur
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Guillaume en est à sa quatrième saison sur le Domaine de la Pommeraie et a connu quatre années très contrastées, notamment d’un point de vue climatique. Pour faire face à ces changements, Guillaume ne pense pas à s’agrandir mais plutôt à se diversifier. Par exemple, en implantant d’autres variétés ou d’autres fruits qui supporteraient mieux ces nouvelles conditions.
Travailler avec des variétés dites résistantes ou moins sensibles à la tavelure et aux ravageurs serait une solution également. « Le Centre wallon de recherches agronomiques réalise d’ailleurs beaucoup de travaux à ce sujet et développe différentes variétés, comme la Ducasse résistante à la tavelure, pour les prochaines années », explique Guillaume.
Selon lui, la pomme suscite toujours un vif attrait auprès des consommateurs. Les vergers ont encore de longues années devant eux.