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Une vague, forte de 10.000 agriculteurs et 1.000 tracteurs, a déferlé sur Bruxelles

Ils avaient prévenu qu’ils reviendraient… Ils l’ont fait ! Le 18 décembre, des milliers d’agriculteurs et des centaines de tracteurs ont déferlé sur Bruxelles. Belges, Français, Allemands, Polonais, Espagnols… ont crié leur colère mais aussi leur désespoir, face à une Europe qu’ils estiment décidée à ne pas les écouter…

Temps de lecture : 5 min

À l’appel du Copa-Cogeca et de l’ensemble des syndicats européens qui en sont membres, de nombreux agriculteurs étaient attendus ce 18 décembre, à Bruxelles. Initialement, pour un cortège, à pied, ponctué de discours rappelant les principales revendications du monde agricole face à un avenir particulièrement incertain en cette fin d’année. En réalité, c’est une véritable marée de tracteurs qui a déferlé sur Bruxelles, transformant la capitale de l’Europe en gigantesque parking à ciel ouvert, à la grande surprise de certains citadins.

Comme un seul homme

Dans les fermes wallonnes, la colère couve depuis plusieurs mois déjà. Entre des prix des céréales et des pommes de terre, sur le marché libre, au plus bas, le recul annoncé et constaté du prix du lait ou encore la diminution drastique de la sole betteravière dès le printemps prochain, le moral est loin d’être au beau fixe. À cela s’ajoutent les annonces relatives à la prochaine mouture de la politique agricole commune, dont le budget risque d’être raboté de 20 %…

Cristallisant à la fois les inquiétudes et oppositions des agriculteurs, l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur constitue une inquiétude supplémentaire. « Bref, actuellement, rien ne va », résume un agriculteur rencontré sur place.

Et si la Flandre se montre favorable à l’accord avec les pays d’Amérique du Sud, ce n’est pas le cas de ses fermiers. Des quatre coins du nord du pays, portant les mêmes revendications que leurs homologues du Sud, les agriculteurs flamands étaient eux aussi bien présents et décidés à faire connaître leur opinion, slogan après slogan.

À l’appel d’une quarantaine d’organisations agricoles européennes, plus de 10.000 manifestants (7.000 selon la police) étaient présents à Bruxelles. Côté tracteurs, plus de 500 engins étaient initialement attendus, dont quelque 50 devant accompagner la marche, seule manifestation « officielle ». Ce nombre a largement été dépassé. Pour preuve, un représentant de la Fédération des jeunes agriculteurs (Fja) faisait état de plus de 400 tracteurs provenant du Hainaut, dont une centaine de Français. Un chiffre auquel il convient d’ajouter tous ceux ayant rejoint la Capitale depuis les autres régions du pays et d’Europe. Au total, près d’un millier de tracteurs a été recensé par les forces de l’ordre.

Des revendications maintes fois répétées

L’action visait à faire pression sur les chefs d’États et de gouvernement, réuni en sommet à Bruxelles, pour aborder le prochain cadre budgétaire de l’Union européenne. Si l’accord avec les pays du Mercosur ne figurait officiellement pas au programme des discussions, les agriculteurs européens ont saisi l’opportunité pour rappeler leur forte opposition à ce texte que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, entendait signer avant la fin de l’année. Une piqûre de rappel qui leur semblait plus que nécessaire après les actions de janvier et février 2024.

Du côté du quartier européen, se succédaient ainsi coups de klaxons, jets de pétards et, pour certains, lancers de projectiles (œufs, pommes de terre, betteraves et autres feux d’artifice) sur les forces de l’ordre, en équipement anti-émeute. Des personnes masquées, ne se revendiquant pas d’un quelconque syndicat agricole, s’étaient infiltrées parmi les manifestants et sont tenues pour responsable, outre les tirs de feux d’artifice, de nombreuses dégradations. Ce qu’ont notamment regretté la Fja, le Boerenbond et le Groene Kring.

Bien qu’exprimé différemment, le message était le même du côté de la marche réunissant les syndicats européens. Caroline Jaspart, présidente de l’Union des Agricultrices wallonnes, et Daniel Coulonval, président de la Fédération wallonne de l’agriculture, n’ont pas manqué d’alerter sur la situation critique que traverse actuellement le secteur. Pour Mme Jaspart, « les agriculteurs se sentent isolés, abandonnés et, surtout, pas protégés ». Et Daniel Coulonval d’enchaîner : « L’Union européenne, c’était un rempart de protection. Mais elle se perd un peu plus chaque jour ». « N’importons pas l’agriculture dont nous ne voulons pas », a-t-il encore clamé.

« Si l’accord avec le Mercosur est signé, il faudra sûrement hausser le ton », prévenait également le président de la Fja, Florian Poncelet. Concernant la baisse attendue du budget dédié à la politique agricole commune, bien que d’autres possibilités de financements seraient ouvertes aux États membres, les craintes ne sont pas absentes dans le chef du jeune homme. « Le risque, c’est d’en faire des pac nationalisées et, dans la foulée, de créer de la concurrence entre les pays européens » s’est-il inquiété en marge de la manifestation.

Une très large délégation française

De nombreux agriculteurs français, pour la plupart affiliés à la puissante Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea) ou membres des Jeunes Agriculteurs (JA), ont également gagné Bruxelles, que ce soit pour participer à la marche ou rejoindre l’imposant rassemblement de tracteurs. Aux revendications de leurs homologues européens, ils ont ajouté leur inquiétude grandissante face à la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Plus de 100 foyers de DNC ont déjà été recensés outre-Quiévrain, où la situation demeure préoccupante dans le Sud-Ouest. Si la campagne de vaccination gagne en intensité, notamment grâce à l’appui de l’armée, dépêchée par l’État français pour acheminer des vaccins depuis les Pays-Bas, les abattages de cheptel se poursuivent… Ce que n’acceptent pas les éleveurs français. Leur grogne prend de l’ampleur et les actions de blocage et de résistance se multiplient. Au point de rejoindre la capitale de l’Europe en masse.

Report de la signature

Sans que ce soit une franche victoire pour les agriculteurs présents, la Commission européenne a finalement annoncé reporter à janvier la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. La France et l’Italie plaidaient en ce sens depuis plusieurs jours déjà, souhaitant que « les conditions appropriées soient réunies pour protéger les agriculteurs ». Au contraire de l’Allemagne et de l’Espagne, entre autres, qui espéraient que l’accord soit rapidement entériné.

La date exacte de signature du texte, négocié depuis plus de 25 ans, n’est pas connue.

Jérémy Vandegoor

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