Le croisement Pro-cross, ce pari gagnant en élevage laitier
Corriger les défauts de fonctionnalité des animaux, améliorer leur reproduction, augmenter les taux dans le lait, diminuer les cellules… C’est ce que sont parvenus à faire Sophie et Yoann Merlant, de l’Earl des 3 peupliers, à Grand Fayt, près de Maubeuge en France. Leur méthode ? Le Pro-cross, une pratique qui consiste à croiser trois races : Holstein, Montbéliarde et Viking Red. Retour sur une expérience fructueuse menée depuis 2007.
Cel
Des problèmes de reproduction
Des éleveurs conquis !
Jouer la carte de l’hétérosis…
« Nous aimions le principe du croisement trois voies de manière à garder l’hétérosis. L’objectif ? Avoir à la fois des animaux productifs et qui vêlent. Un choix qui a fini par payer ! »
Aujourd’hui, l’intervalle vêlage est redescendu à 380-385 jours. « On a évidemment amélioré nos pratiques depuis nos débuts, mais l’effet du croisement reste indéniable. La production par vache avoisine les 8.600 l.
Et d’en venir aux taux dans le lait. « Que ce soit en protéines ou en matières grasses, on a gagné au moins deux points au niveau des taux en fin de croisement alors que les rations sont essentiellement basées sur l’herbe et sont très peu complémentées au niveau énergétique. En ce qui concerne le taux cellulaire, Yoann est convaincu qu’après des années de pratique, il est possible d’atteindre un taux de 50.000 cellules grâce à la rusticité des animaux. Mais les bonnes pratiques y sont pour beaucoup, ce n’est donc pas du seul fait du croisement. »
Par ailleurs, avec une croisée, l’éleveur économise 1kg de matière sèche par jour et par animal pour la même croissance ou la même quantité de lait. « Quand on compare nos données avec celles d’autres éleveurs, pour des performances équivalentes, on est plutôt à 21 kg de matière sèche quand ils sont à 22. L’atout alimentaire est incontestable », ajoute-t-il.
Du point de vue de la longévité, on peut encore s’attendre à une lactation supplémentaire. « Nous n’y sommes pas encore car nous avons d’autres soucis dans nos pratiques. Actuellement, nous avons le même taux de réforme mais nous profitons du renouvellement et de nos vaches plus costaudes pour réformer celles qui ne rentrent plus dans nos critères. »
Toutefois, le croisement a ses contraintes : « Si nous devons encore améliorer certaines pratiques d’élevage, l’hétérogénéité des animaux au niveau de leur gabarit peut poser problème. C’est une contrainte, et ce que ce soit en logettes ou en salle de traite. »
Yoann relève également une certaine brutalité des animaux entre eux et avec les éleveurs. « On a des animaux plus calmes dans l’ensemble, sauf quand il faut intervenir dans le cheptel. Elles ont retrouvé des instincts naturels, elles sont donc plus brutales, mais aussi moins vite malade. Le vétérinaire doit moins intervenir, même si nous privilégions le préventif... à tort ou à raison. »
Production laitière, taux et fonctionnalités
Le principe du croisement trois voies est avant tout d’aller chercher les trois races les plus éloignées au niveau génétique.
« On insémine tout. J’essaie de prendre les trois meilleurs taureaux de chaque race dans les standards que nous recherchons : à savoir la production laitière, les taux et les fonctionnalités. J’évite de prendre des animaux qui ont du tempérament, car avec la « rouge », on ne voit pas les coups venir », explique Sophie.
En moyenne l’élevage doit réaliser 1,6 insémination par vêlage. Ils ont également un taureau de rattrapage pour les génisses en pâture. « Nous faisons vêler nos bêtes à 24 mois pour arriver à 240 vêlages de juin à mars, on groupe donc les vêlages par lots. »
Lors du premier croisement, le couple s’est servi de doses sexées ! Yoann : « Lorsque l’on met du montbéliard sur une génisse holstein, il est impératif de commander des doses sexées. Le risque ? Que le veau croisé ‘casse’ la génisse. Par contre, aussi bizarre que cela puisse paraître, une croisée Viking Red, généralement de plus petit gabarit, n’a aucun souci pour sortir un gros format. »
Et Sophie d’ajouter : « La différence de gabarit est telle que lorsque plusieurs primipares vêlent, on arrive à en placer davantage en salle de traite. Mais elles sont plus vives, plus nerveuses que les autres, un critère souvent corrélé avec la longévité. » C’est donc plus compliqué en salle de traite. « Après trois jours à la traite, une primipare holstein a compris le fonctionnement de la traite. Avec une croisée, le temps d’adaptation peut être d’une semaine ! »
Des anneaux pour les veaux ?
À la naissance, les veaux reçoivent 4 l de colostrum, puis sont nourris aux seaux à tétine. « La première année, chez les F1, les jeunes se sont automatiquement mis à se téter. Nous avons donc dû traire les premières sur trois trayons. Nous leur avons donc mis des anneaux, mais l‘effet s‘estompe avec le croisement.
Du pâturage à l’étable
Dès avril, les vaches sont au pâturage. Deux lots d’une centaine de vaches chacun disposent d’une vingtaine d’ha, divisés en 5 parcelles. Dès que la production d’herbe devient limite, que les températures sont trop hautes, elles rentrent à l’étable en journée et profitent des prairies la nuit. Outre l’herbe, la ration se compose de 10 kg de pulpes et de 10 kg de maïs.
En ce qui concerne les cultures, Yoann pratique la rotation : maïs, froment, culture dérobée, maïs. « Mais je ne récolte jamais mon dérobé au printemps. J’accepte un rendement moindre à l’automne pour garder un bon rendement de mes maïs, et pour qu’ils soient riches en amidon. »
Et de poursuivre : « Quand une ration se base essentiellement sur l’herbe et les pulpes, ce n’est pas le maïs qui m’intéresse. Ce sont les hautes teneurs en amidon qui me permettent d’acheter moins de céréales. »
Les laitières rentrent à l’étable début novembre. Elles y reçoivent alors une ration totale mélangée composée de 20 kg d’ensilage d’herbe, 6 à 7 kg de pulpes. Elles reçoivent encore 1kg de paille, ainsi que des concentrés. Il n’y a donc pas de préparation spécifique au vêlage.
Qu’ils soient en début ou en fin de lactation, les lots reçoivent la même base de fourrages avec des proportions fort similaires. « C’est grosso modo 20 % d’herbe, 20 % de pulpe, 20 % de maïs. » Le lot en début de lactation reçoit en outre un kg de soja tanné, 4 kg de tourteaux de colza et 2 kg de luzerne brin long. « Les débuts de lactation sont assez calmes, parfois décevants. Au dernier contrôle, nous étions en moyenne à 32 kg de lait pour les « début de lactation » et 27 kg pour les autres. Le lot en fin de lactation ne reçoit qu’un complément de 4kg de colza.
Au tarissement, l’éleveur préfère ne pas donner d’herbe. Il leur apporte donc 4 kg de pailles hachées, 2 kg de colza et 15 kg de maïs ensilage avec 100 gr de minéral enrichi en vitamines et sélénium et 50 g de chlorure de magnésium de manière à limiter les problèmes de fièvre de lait au vêlage.
Si le troupeau est toujours en croissance, l’éleveur cherche encore un point d’équilibre. « L’élevage repose sur trois piliers : l’éleveur, l’autonomie alimentaire et le plan d’épandage. Dès que l’un d’eux ne suit plus, plus rien ne suit. Nous avons encore de la marge… En ce qui nous concerne, le Pro-cross est un pari gagné ! »