Accueil Voix de la terre

Le premier migrant est… une dame

Madame Patate. C’est ce qui se dit à Bruxelles. Au parc Maximilien ? Que nenni ! Dans une exposition qui se tient actuellement dans un ancien moulin à vent sur la Commune d’Evere. Ce sont surtout les écoles de l’agglomération bruxelloise qui viennent à sa rencontre, pour enquêter sur son sort.

Temps de lecture : 3 min

Et comme tous les migrants, elle explique d’où elle vient, son âge, ce qu’elle a fait pour s’intégrer en Europe. En fait, dans son pays d’origine, les Incas l’appelaient « papa » mais depuis qu’elle vit chez nous, elle a pris le genre féminin. Elle a d’ailleurs inspiré le nom à beaucoup de belles européennes : les Charlottes par exemple. Sans elle, on ne parlerait pas des belles de Fontenay. Et Madame de Pompadour, lui doit-elle son nom ? On parle aussi de la Franceline, de Laurette, d’Agata, et, plus tendre, Monalisa ou Manon.

Quant aux hommes, hormis H-I Parmentier, qui donna son nom au hachis éponyme, quand on épluche leur comportement, ils sont assez friands d’avoir la primeur de leur Désirée. Tant qu’ils ont la frite, ils sont prêts à croquer les plus croustillantes. Plus tard, avec l’âge, perdant eux-mêmes leur chair ferme, ils sont juste bons pour être pelés et passés en purée.

Je croyais en connaître un bout en matière de pomme de terre, mais, dans cette exposition, j’ai trouvé la réponse à une question existentielle : Comment cette culture a-t-elle pu se développer si facilement pendant deux siècles, au point de devenir la nourriture de base de tous les peuples d’Europe ? Aucun obstacle à son développement ! Il a fallu attendre 1845 en Irlande pour voir le mildiou lui tailler des croupières avec les dégâts que l’on sait.

Aujourd’hui, les petits bruxellois ne l’ignorent plus : tant que c’était la marine à voile qui faisait la traversée, le champignon présent en Amérique n’arrivait jamais vivant en Europe. Avec la vapeur, les nouveaux bateaux ont transporté vite et pas cher du blé américain en grande quantité. Le phytophtora et le doryphore sont arrivés clandestinement. Crise économique à cause du blé : notre pays s’est alors tourné davantage vers l’élevage. Crise agronomique : il a fallu attendre que la chimie trouve une solution avec la bouillie bordelaise.

Si Franken s’en était occupé à l’époque, nul doute qu’il aurait renvoyé chez eux les parasites en question, ou alors, carrément les bateaux à vapeur. Et si c’était Trump qui avait eu à gérer le problème, il aurait construit un mur de l’Atlantique pour nous en protéger. Du coup, grâce à eux, le gouvernement wallon aurait atteint depuis longtemps son objectif « zéro phyto ».

L’expo donne aussi des idées de débouchés pour écouler les excédents de patates : distiller l’amidon et en faire du schnaps ou de la vodka. Chiche ? Notre brave ministre de l’agriculture, toujours soucieux de soutenir le secteur, n’aurait qu’à autoriser l’alambique dans les fermes. Non peut-être ? Oui sans doute !

C’est vrai que cette année, avec les cotations toujours à la baisse, beaucoup en ont gros sur la patate. Notre ministre a des manches à mettre s’il veut arriver à la cheville de ceux qui, comme le Carah en Hainaut ou la Fiwap à Gembloux, défendent avec ardeur ce (pas toujours cher) tubercule.

Une petite dernière pour la route, évoquée elle aussi dans l’exposition : Comment Parmentier a-t-il fait pour offrir le même jour un bouquet de fleurs de pomme de terre à la Reine Marie Antoinette et une assiette de tubercules au Roi Louis XVI ? Là, pour les agriculteurs, pas besoin de donner la langue au chat.

A lire aussi en Voix de la terre

Une occasion ratée d’encourager les jeunes

Voix de la terre Vous le savez, il n’est pas simple d’être agriculteur aujourd’hui, et le défi est encore plus grand si vous êtes un jeune agriculteur. Or, nous entendons partout que l’état offre des aides, du soutien… ; cela particulièrement destiné à ces jeunes fermiers. Magnifique, pensez-vous. La réalité sur le terrain est bien différente.
Voir plus d'articles