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En Belgique, les mammites ont enfin un visage!

Le 18 avril se tenait le 1er « Mastitis prevention day » à Grimbergen. Experts flamands et wallons s’y sont succédés pour présenter tour à tour les éléments qui ont permis de dresser un premier panaroma de la mammite en Belgique. Retour sur les études menées en Wallonie.

Temps de lecture : 9 min

Avec le changement de législation sur l’usage des antibiotiques, le développement d’approches préventives aux maladies est nécessaire. En production laitière, les mammites sont la première cause de leur utilisation. Il est donc important de prendre conscience de son impact, de définir les grandes consommations d’antibiotiques et de voir quelles sont les approches pour le futur. Car Léonard Théron, de l’Université de Liège (ULg), le rappelle très bien : « Si la mammite est la maladie la plus ancienne étudiée en médecine vétérinaire, aucune solution n’a à ce jour été trouvée.»

Epidémiologie en wallonie

Anne-Sophie Rao, de la Faculté de médecine vétérinaire de l’ULg : « En Wallonie, le pourcentage de mammites subcliniques a augmenté pour atteindre une moyenne de 22 % dans les exploitations, d’où la création d’un groupe multi-disciplinaire, l’Observatoire de la Santé mammaire (Osam), pour permettre une approche différenciée. »

Des projets de recherche en ont découlé comme « Laecae » qui avait pour objectif notamment de réaliser un état des lieux de la maladie en étudiant un échantillon de 70 fermes adhérantes au contrôle laitier sur tout le territoire wallon. Ces exploitations comptaient en moyenne 82 laitières ayant chacune une production annuelle moyenne de 8.100 l.

Les premiers résultats ont montré un taux de mammites annuel de 55 % dans les exploitations. Si on regarde l’incidence des mammites cliniques tout au long du cycle de lactation, deux grands pics ont été enregistrés : durant les trois mois qui suivent le vêlage, et lors du tarissement.

En ce qui concerne la sévérité de la maladie, les éleveurs traitaient surtout les mammites de stade 1 et 2. Seuls 10 % des mammites de stade 3 l’étaient pour 0.3 % des subcliniques.

Notons encore que tout au long de la lactation, 51 % des cas encodés étaient neufs, les 49 % restants n’étaient donc que de mammites chroniques.

Et de se pencher sur les subcliniques : « Le taux de nouvelle infection est proche de 17 % avec un taux de guérison au tarissement de 65 %. Le tarissement est donc un moment clé pour soigner la mammite. Et s’il est généralement laissé de côté par les éleveurs, il permet pourtant de limiter les pertes économiques. Notons qu’il est nécessaire de surveiller les primipares puisque le taux de mammites subcliniques est proportionnel aux taux de primipares infectées.

Une autre étude visant à connaître la prévalence des germes dans les tanks a été menée sur un échantillon de 3.501 fermes wallonnes tout au long de l’année. « Dans les tanks, nous avons retrouvé majoritairement des streptocoques ubéris. (40 %) et des staphylocoques aureus (32 %). Ces deux germes étaient régulièrement associés dans les tanks.

En ce qui concerne mycoplasma bovis et les streptocoques agalactiae, ils étaient respectivement présents à 4,1 % et 6,3 % et étaient eux aussi associés.

Mycoplasma bovis et Streptocoques agalactiae sont surtout présents en été, tandis que les deux autres germes sont présents tout au long de l’année.

Anne-Sophie Rao : « Nous nous sommes également rendus compte que les exploitations adhérentes au Contrôle laitier avaient moins de germes que celles n’y adhérant pas. Et c’est clairement significatif pour les streptocoques agalactiae ! »

Consommation d’antibiotiques

Léonard Théron s’est quant à lui intéressé à la consommation d’antibiotiques pour les mammites en Wallonie. « Avec l’Osam, nous avons collecté entre 2009 et 2011, des données sur plus de 5.000 mammites. Près de 2.200 cas étaient bien documentés.

Il en ressort que 50 % des mammites ne sont traités que par des intramammaires et que 40 % d’entre elles le sont également par un parentéral. Le risque réel d’acquisition de résistance représente là près d’une mammite sur deux. Fait surprenant, le recours aux anti-inflammatoires est extrêmement faible. « C’est paradoxal! La mammite est d’abord une inflammation avant d’être une infection.»

« L’usage des antibiotiques est une chose mais faut- il encore savoir si on les utilise avec succès ! Quels sont dès lors les paramètres qui in fluencent le taux de guérison ? La chronicité, qui multiplie par deux le risque de ne pas guérir ; les quartiers touchés, les arrières se soignent moins facilement que les avant ; les lactations, les primipares ayant de meilleures chances de guérison que les multipares. » Et de noter: «Si les mammites qui surviennent dans les trois mois après vêlages sont plus nombreuses, elles ont paradoxalement plus de chances de guérison.»

Il se penche ensuite sur les différents traitements. De toutes les cas soignés uniquement avec un intrammamaire (800), la plupart des traitement ne dépassent pas la barre des 50 % d’efficacité. « Cela ne veut pas dire qu’il y a une récidive clinique, mais que l’animal va rester en cellules jusqu’au tarissement ! Le traitement est donc un échec ! L’éleveur applique un traitement en espérant qu’il fonctionne mais sans tenir compte de l’historique de la vache. »

Et de s’attarder sur les nouveaux cas (400) : « Le taux de guérison moyen est beaucoup plus intéressant. Si les vaches n’ont pas d’historique cellule, le taux de guérison peut atteindre plus de 60 %. Si l’exploitant est capable de faire la différence entre une mammite chronique et une aigüe, le taux de guérison peut ainsi être doublé !»

Par ailleurs, une vache montée en cellules à qui on prescrit un antibiotique voit ses chances de guérir avoisiner les 35 %. D’où la nécessité de combiner des traitements, avec un anti-inflammatoire notamment, pour optimiser les soins.

«Quelles que soient les combinaisons de produits thérapeutiques, on optimise les taux de guérison, ce qui revient à dire que plus on investi dans le traitement meilleures seront les chances d’en être quitte. Et si certaines combinaisons de médicaments sont encore à tester, les conclusions de l’étude montrent que sur des cas chroniques, les anti-inflammatoires vont davantage aider; la quantité d’antibiotiques influera plutôt sur le taux de guérison des nouveaux cas.

10 millions d’euros de lait à l’égout par an en Belgique

Quand une vache est touchée par la maladie, son lait est écarté du tank en moyenne durant 8,5 jours. En termes de pertes d’exploitation? Si l’on considère une production journalière moyenne de 17 l de lait à 0,3 euro, cela représente 10 millions de lait versé à l’égout par an en Belgique.

Si la mammite de stade 3 peut faire encourir à l’animal un risque de mortalité, ce sont bien celles des premier et deuxième degré qui vont occasionner le plus de pertes pour l’éleveur (environ 6 fois ).

Une classe chronique?

Le conseil de l’ULg? Définir une classe chronique dans un plan de prévention avec un traitement différent. La plupart des éleveurs soigneraient ces cas comme les autres alors qu’un autre traitement aurait été nécessaire.

Cette nouvelle classe permettra de définir des critère de postposition du traitement au tarissement. «Cette vache mérite-t-elle de recevoir un antibiotique au vu des symptômes qu’elle présente?»

M. Théron poursuit: «Elle va pouvoir également définir des critères d’extention, afin de ne pas étendre de traitement sur des animaux dont on sait que les chances de guérison sont nulles!»

Vers un plan de prévention national

Des plans de prévention existent déjà. Il est important de jouer sur deux niveaux : par la pression que vont mettre les encadrants sur la maladie et par le lien fort vétérinaire-éleveur.

En ce qui concerne le 1er niveau, l’encadrant va devoir expliquer à l’éleveur comment gérer les cas de mammites dans son troupeau, non pas pour des raisons antibiotiques mais plutôt économiques. Rappelons que les pertes économiques en lien avec les mammites en Belgique avoisinent les 60 millions d’euros par an: 10 M€ de lait jeté, 4 M€ de traitements, 6 M€ de pertes de quartier, 8M€ en mortalité de vaches et 32 M€ de perte de production de lait.

Pour ce qui est du second niveau, la relation entre le vétérinaire et l’éleveur doit aller au-delà de la simple délivrance de médicaments. Une étude avait montré en 2009 que les fermiers qui géraient les mammites de façon autonome rencontraient davantage de problèmes que ceux qui faisaient appel systématiquement à leur vétérinaire.

«Le vétérinaire reste le seul professionnel capable de coacher l’éleveur sur la réalisation d’un plan mammites, car la difficulté réside dans le diagnostic, or celui-ci relève du praticien», note le scientifique.

Grâce aux travaux de la M-team (lisez Mastitis Team, une spin-off de l’Université de Gand) et de l’Osam, on sait que les données flamandes sont semblables aux données wallonnes.

La gestion au tarissement (et l’utilisation d’antibiotiques à cette période) est à la fois une clé pour la santé mammaire et une clé pour la réduction des antibiotiques.

En termes d’épidémiologies des germes, le nord et le sud du pays sont sur la même longueur d’ondes. «S’il y a évidemment quelques différences, on reste sur un top 3 des germes provoquant 70 % des mammites: E. coli, Streptocoques uberis, pour les deux germes environnementaux, et les Staphylocoques aureus et non aureus», indique-t-il encore.

Une sensibilisation nécessaire

La mammite et l’une , sinon la première, des causes de départ de la ferme. Or en Wallonie, à chaque projet qui inclut une part de communication avec le secteur, la santé mammaire s’améliore et les cellules diminuent. Les encadrants qui communiquent sur le sujet font descendre le taux cellulaire sans qu’il n’y ait d’impact entre le vétérinaire et l’éleveur.

Il faut noter que le secteur de l’élevage est extrêmement puissant! Il a déjà diminué son empreinte carbone de 26 % (en 15 ans) et aujourd’hui il travaille sur l’image bien-être animal. Toutefois, le rajeunissement de la population des laitières est l’un des enjeux qui risque de poser problème. Et d’étayer son propos: «Il y a 15 ans, le nombre de lactations moyens avant réforme était de 2,71 par vache. Aujourd’hui, il est de 2,53. D’un point de vue communication vis-à-vis de la société, la bonne gestion des mammites est donc devenue un enjeu majeur.»

Et pour diminuer leur taux dans les exploitations, l’Osam a notamment édité des fiches régionales reprenant les résultats des études réalisées mais également sur les bonnes pratiques de traite. «C’est le niveau un du conseil!»

Un plan en 7 points

Dans les années 60, un plan de prévention en 5 points avait été édité. Il consistait à : désinfecter tous les trayons après chaque traite ; traiter tous les cas de mammites dès que les bactéries ont été identifiées ; utiliser un scellant à trayons sur toutes les vaches taries ; réformer toutes les vaches après trois épisodes ou plus, entretenir le système de traite correctement. Mais un chercheur a récemment proposé un plan en 7 points. La partie tarissement voit un ajout: l’utilisation du traitement au tarissement de façon sélective. A cela, il ajoute deux étapes importantes liées à l’avant traite: la traite d’un trayon propre, sec et désinfecté; l’utilisation de la nutrition (et particulièrement au tarissement), des stimulants et des vaccins pour améliorer l’immunité de l’animal.

S’il est appliqué, les animaux devraient être protégés durant le début de lactation et au tarissement, soit les deux périodes clés.

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