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PPA: les éleveurs seront indemnisés pour leurs animaux abattus

En vue notamment de rassurer nos différents partenaires commerciaux, 4.000 porcs sains élevés dans la zone où a été identifié le virus de la peste porcine africaine seront abattus. Une annonce accueillie froidement par les éleveurs, malgré qu’une indemnisation leur ait été promise.

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Après avoir entraîné la mort d’au moins 15 sangliers, la peste porcine africaine (PPA) s’apprête à faire une nouvelle vague de victimes en province de Luxembourg… En effet, le ministre fédéral de l’Agriculture, Denis Ducarme, s’apprête à signer un arrêté ministériel ordonnant la mise à mort des porcs domestiques élevés dans la zone de confinement instaurée voici deux semaines autour de la commune d’Etalle. Pas moins de 4.000 animaux – à ce jour, tous sains ! – et 58 exploitations, dont sept de plus de 50 porcs, sont concernés par la mesure.

Radicale, la décision du ministre se veut également, selon ses propres dires, préventive. « Bien que la maladie ne touche actuellement que la faune sauvage, la crainte et la probabilité que la filière porcine soit touchée sont cependant bien réelles », justifie-t-il. Et d’ajouter : « Il faut agir préventivement pour préserver un secteur économique qui compte 6 millions de porcs et représente 1,5 milliard d’euros par an et près de 15.000 emplois directs ».

Rappelons que l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) avait déjà entériné une série de mesures visant à éviter toute propagation du virus (lire Le Sillon Belge du 21 septembre), tant à l’échelle nationale qu’au sein du territoire concerné. Cela ne semble toutefois pas suffisant aux yeux du ministre Ducarme qui souhaite, par cette décision, rassurer nos différents partenaires commerciaux.

L’abattage préventif et systématique des porcs débutera donc dès ce vendredi et devait durer 5 jours, sous la supervision de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Les carcasses seront quant à elle immédiatement incinérées.

Indemnité à calculer

au cas par cas

En vertu de son caractère préventif, la mesure d’abattage bénéficie du soutien de la Commission Européenne. En pratique, cela signifie que l’indemnité versée aux éleveurs en réparation du préjudice subi sera cofinancée à hauteur de 50 % par l’Europe. L’autre moitié incombera au Fonds fédéral de Santé animal. Le gouvernement fédéral s’est toutefois engagé à avancer l’entièreté de la somme – en vue d’indemniser au plus vite les éleveurs – et se remboursera ensuite sur base du montant octroyé par l’Europe.

Mais qu’en est-il du montant de ladite indemnité ? « La valeur de remplacement de chaque animal sera calculée sur la valeur du marché cinq semaines avant la crise », indique Denis Ducarme. Il précise encore que divers paramètres seront pris en compte : poids, race, type d’élevage (bio, plein air, qualité différenciée ou conventionnel) ou encore quantité d’aliments non consommés. Des experts du Fonds seront donc présents lors de l’abattage afin de déterminer la valeur de chaque animal. Les frais d’élimination des carcasses seront quant à eux totalement pris en charge par l’Afsca.

« L’abattage préventif doit être indemnisé pour chaque éleveur à concurrence de ses pertes réelles, en fonction de son activité », a pour sa part plaidé le ministre régional de l’Agriculture, René Collin. « Pour donner un exemple, certains producteurs sont des naisseurs-engraisseurs. Cela veut dire qu’il y a tout un travail de sélection qui est fait en amont », a-t-il expliqué. « Avec le Collège des producteurs, nous allons mettre en place un cadaste afin de mesurer de manière très personnalisée le préjudice concret de chacun, de manière à ce que le Fonds sanitaire en tienne compte. »

Par ailleurs, le Collège des producteurs a mis en place un numéro vert, à usage exclusif des éleveurs, pour leur assurer un encadrement et un suivi de proximité. Il s’agit du 0470/84.18.67. En outre, une personne relais a été nommée afin de guider les éleveurs situés au cœur de zone de protection dans les choix stratégiques qu’ils devront poser dans les semaines à venir. Elle réalisera aussi un état des lieux des préoccupations et de la situation économique des 58 exploitations concernées.

Le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, s’est de son côté dit prêt « à modifier, si besoin, les programmes de développement rural pour aider les agriculteurs touchés à mettre en œuvre les mesures de biosécurité nécessaire ».

Des craintes pour l’avenir

Accueilli favorablement par la Commission européenne, qui estime que la Belgique a pris une bonne décision, l’abattage préventif est loin de faire l’unanimité auprès des éleveurs et syndicats. Par ailleurs, tant la Fédération wallonne de l’agriculture (Fwa) que la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea) regrettent de ne pas avoir été consultées.

« Cette décision peut se justifier, d’une part, par soucis de prévention et, d’autre part, pour des raisons économiques dans la mesure où des porcelets sevrés ne trouvent plus de destination d’engraissement », explique la Fwa. Avant de s’interroger sur l’avenir économique des exploitations concernées qui, si elles sont indemnisées, se retrouvent dans une totale incertitude quant à leur avenir. « Le problème qui persiste, c’est de savoir : quid des indemnisations après… Nous n’avons pas eu de réponse à ce sujet. »

« Un revenu complémentaire pour les éleveurs au « chômage technique » durant la période de vide sanitaire pourrait être envisagé », propose dès lors la Fwa. Il faut en effet compter entre 18 et 24 mois après la confirmation d’un cas de PPA pour pouvoir commencer à repeupler une zone préalablement condamnée.

La Fwa craint encore que l’abattage d’animaux sains n’ait pas l’effet escompté. « Si la mesure vise à rassurer nos partenaires commerciaux, ne risque-t-elle pas, au contraire, de semer le doute sur le fait que la filière porcine belge est effectivement indemne ? »

La Fugea lui emboîte le pas : « Les indemnités couvriront les frais d’abattage mais qu’adviendra-t-il du revenu des éleveurs dans les mois à venir ? Comment vont-ils faire pour couvrir tous leurs frais de fonctionnement dans un système à l’arrêt, sans aucun revenu ? ».

Et le syndicat de taper du poing sur la table : « Tuer tous les porcs est une absurdité totale, surtout si la réelle source du virus, les sangliers, n’est pas également exterminée de la zone ». « En outre toute la génétique des porcs bio ou de plein air, fruit du travail des éleveurs, est amenée à disparaître suite à cet abattage », ajoute-t-il encore, estimant que la mesure n’est destinée qu’à protéger les industries d’exportation.

Répondre aux inquiétudes

Face à ces inquiétudes bien légitimes, le ministre Collin a mobilisé les cellules Agricall et Finagri. La première se chargera de l'accompagnement psychologique des éleveurs touchés par la PPA. La seconde leur proposera une analyse financière de leur exploitation et pourra, le cas échéant, assumer le rôle de médiateur face à d’éventuels créanciers.

En outre Diversiferm accompagnera tout éleveur qui souhaiterait délaisser l’élevage porcin au profit d’une autre activité, que ce soit durant la période de vide sanitaire ou à l’issue de celle-ci.

J.V.

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