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Connaissez-vous les fruits à pépins que vous cultivez?

Ancrées dans nos vergers depuis plusieurs siècles, les espèces fruitières que nous cultivons ne sont que rarement originaires de nos régions. Outre leur carte d’identité distincte leur comportement est lui aussi bien différent, com-me nous allons le découvrir.

Temps de lecture : 11 min

Nos espèces fruitières traditionnelles semblent avoir été présentes chez nous depuis la nuit des temps. Les pommiers, les poiriers, les cerisiers, les pruniers, les châtaigniers et les noyers sont fermement inscrits dans le patrimoine arboré de nos jardins. Pourtant, lorsque l’on s’intéresse à leur histoire, force est de constater qu’ils ont une origine plus ou moins lointaine : par exemple dans le Sud-est de l’Europe, au Proche-Orient ou au Moyen-Orient, mais aussi dans l’Extrême-Orient. De même, l’époque de leur introduction va de la Préhistoire à la Renaissance.

Pour certaines espèces, la dénomination latine qui leur a été attribuée peut prêter à confusion : par exemple le pêcher (Prunus persica) ne provient pas de Perse mais de bien plus loin, de l’Est de la Chine, et le néflier (Mespilus germanica) n’est pas originaire de Germanie, mais du Sud-est de l’Europe et du Moyen-Orient.

Après la découverte de l’Amérique à la fin du 15e  siècle, paradoxalement, le Nouveau Monde ne nous a apporté que quelques espèces ligneuses ou variétés fruitières nouvelles, alors qu’il a fait à l’Humanité le gigantesque cadeau que sont des Solanacées : pomme de terre, tomate, aubergine, poivron-piment et tabac, dont on imagine difficilement pouvoir se passer aujourd’hui.

Comme nous allons le voir, nos espèces fruitières ont une carte d’identité différente, et même si leur physiologie présente certains points communs, leur comportement montre aussi des différences.

La première partie de cette série envisagera les espèces fruitières à pépins ; par la suite, nous aborderons les espèces à noyau.

Quatre principales espèces

Nos vergers peuvent comporter quatre espèces principales de fruits à pépins : les pommiers, les poiriers, les cognassiers et les néfliers. Chez toutes les quatre, les fleurs sont hermaphrodites (= à la fois mâles et femelles), et l’ovaire comporte cinq carpelles.

Chez les pommiers et poiriers, dans chaque carpelle, les ovules sont au nombre de deux (exceptionnellement trois), mais en fonction du taux de pollinisation et de la plus ou moins bonne fécondation, chaque ovule n’évolue pas nécessairement en un pépin. En coupant un fruit, l’examen des pépins, leur nombre (de 0 à 10) et leur aspect vous informe sur les conditions qui prévalaient lors de la floraison.

Chez les cognassiers, chacune des cinq loges carpellaires contient un très grand nombre d’ovules ; en coupant un coing venu à maturité, on voit apparaître une pluie de pépins. Chez les néfliers, les fruits développés contiennent quelques très gros pépins appelés « osselets ». Certaines variétés ont été sélectionnées pour leur absence ou leur rareté.

Les pommiers, 33 espèces

aux origines controversées

On considère que le genre Malus (famille des Malacées) compte 33 espèces et de nombreux hybrides, mais des analyses poussées de l’ADN pourraient amener à revoir cette classification.

Plusieurs dénominations ont été données à nos pommiers cultivés. La Flore du Jardin botanique de Belgique a retenu Malus sylvestris subsp. mitis (synonymes : Malus domestica, Malus communis), tandis que le pommier sauvage est dénommé Malus sylvestris subsp. sylvestris (synonyme : Malus acerba).

D’autres espèces du genre Malus ont été utilisées dans les croisements afin d’améliorer, par exemple, la résistance au froid, à la sécheresse, à la tavelure, comme sujets porte-greffe ou pour la production de fruits.

D’où proviennent-ils ?

L’origine exacte des pommiers cultivés, à gros fruits, fait l’objet de controverses. Selon le botaniste russe Vavilov, elle se situe dans le Sud du Kazakhstan, à l’Est de l’ancienne capitale Almaty, à proximité de la frontière avec le Kirghizstan et la région autonome chinoise du Xinjiang. Cette zone est traversée depuis la Préhistoire (-4.000 ans) par la Route de la Soie, qui aurait été l’une des voies de transmission de la pomme vers l’Ouest.

Une autre route se situerait plus au Nord, à travers les Carpates, l’Ukraine et la Pologne. Par la suite, le pommier fut implanté en Égypte, puis les civilisations grecque et romaine ont assuré en Occident la diffusion de la culture des pommiers.

Deux autres centres d’origine sont cités : le centre de la Chine et le Caucase, massif montagneux situé entre la mer Noire et la mer Caspienne.

Quelques notions de biologie

La plupart des espèces et variétés de pommes comptent 34 chromosomes. Il existe aussi des variétés triploïdes, à 51 chromosomes dont la fécondation des fleurs demande un apport important de pollen, et dont le pollen est de mauvaise qualité pour la fécondation des autres variétés. Si ces variétés triploïdes sont une exception parmi les plus de 10.000 (voire 20.000) variétés connues, elles ont été retenues pour le fort calibre de leurs fruits et leur grande vigueur.

Les pommiers portent des boutons à fleurs qui s’ouvrent successivement sur le bois âgé, puis sur le bois de l’année précédente de vigueur faible ou moyenne, en position terminale et enfin en position latérale.

Lors de l’ouverture des boutons, apparaît en premier lieu une rosette de feuilles, puis les fleurs, au nombre de 3 à 6 ; la fleur centrale du bouquet s’épanouit la première, puis c’est le tour des suivantes, de manière centrifuge. Ainsi, la floraison d’un même arbre s’échelonne sur 2 à 3 semaines, fin avril et début mai.

De manière générale, les pommiers sont autostériles, et ils demandent d’être associés à une autre variété qui fleurit en même temps. La fécondation est réciproque chez les variétés diploïdes.

La récolte des pommes commence en août, avec des variétés précoces dont la durée de conservation est très courte. Elle se prolonge jusque fin octobre-début novembre avec des variétés qui, conservées au frais, mûriront progressivement en automne, en hiver, et même parfois jusqu’au début du printemps.

Grands ou petits arbres ?

Les variétés de pommes se multiplient par greffage. Le sujet porte-greffe est un pommier choisi principalement en fonction de la vigueur qu’il confère à la variété, et des caractéristiques du sol.

Ainsi il est possible d’obtenir avec la même variété des arbres qui à l’âge adulte ne dépasseront guère 2,5 m de haut, en forme de buisson ou de fuseau, ou des arbres haute tige qui atteindront 15 m de haut, qui entreront en production plus tardivement et dont la longévité sera beaucoup plus grande. Parfois, un arbre haute tige est constitué de trois individus différents : un porte-greffe qui constitue le système radiculaire, un intermédiaire qui formera la tige, puis la variété productrice de fruits.

Les sujets porte-greffe en usage sont généralement des clones qui sont multipliés végétativement par marcottage, ou plus récemment par micro-propagation. On recourt occasionnellement au semis de pépins.

Les poiriers, tous issus d’Asie

Le genre botanique Pyrus fait également partie de la famille des Malacées. Il se subdivise en deux groupes : le premier, celui des poiriers européens, compte deux espèces principales : Pyrus communis, le poirier cultivé, et Pyrus pyraster, le poirier sauvage, à petits fruits très granuleux. Pyrus nivalis, le poirier sauger, est pour certains une forme de Pyrus communis, et pour d’autres une espèce à part entière.

L’autre groupe, bien plus vaste, est celui des poiriers asiatiques. Les types cultivés, qui produisent de gros fruits quasi sphériques appelés « Nashis » sont des hybrides entre Pyrus pyrifolia (= P. serotina) et probablement Pyrus ussuriensis et Pyrus bretschneideri. À la différence des pommes, les poires asiatiques sont dépourvues de calice (= « mouche »). Leur culture est très développée en Extrême-Orient : 1,5 million de tonnes pour la Chine et le Japon. Quelques vergers ont été implantés en France et en Italie, avec des succès variables.

D’où proviennent-ils ?

Trois centres d’origine des poiriers ont été identifiés : la Chine, l’Asie centrale et l’Asie mineure, d’où leur diffusion se réalisa en Asie, en Europe et dans le Nord de l’Afrique.

En Occident, la cueillette de poires récoltées dans la nature est attestée dès le Néolithique, et la culture était pratiquée en Grèce dix siècles avant notre ère, et par la suite dans l’Antiquité romaine.

Quelques notions de biologie

Tous les poiriers, à quelques exceptions près, comptent 34 chromosomes. Les boutons des poiriers sont assez semblables à ceux des pommiers, mais ils sont plus nombreux sur le bois âgé et moins nombreux sur le bois de l’année précédente. Le nombre de fleurs par bouton est plus élevé que chez les pommiers (jusqu’à une douzaine), mais après la fécondation et la chute de juin, seulement un, deux ou trois fruits se développeront. Dans le bouquet, la première fleur qui s’épanouit se trouve à la périphérie, et la floraison est centripète.

La floraison des poiriers se situe dans la seconde moitié du mois d’avril, avant celle des pommiers. Comme chez les pommiers, les fleurs sont autostériles et leur fécondation implique l’apport du pollen d’une autre variété. Toutefois, par un mécanisme appelé « parthénocarpie », on remarque chez certaines variétés que des fleurs non fécondées peuvent évoluer en un fruit qui ne contiendra pas de pépins. Si ce phénomène est une exception parmi les 3.500 ou 4.000 variétés de poires, les variétés parthénocarpiques ont la faveur des arboriculteurs à cause de leur fertilité élevée et très régulière.

La récolte des poires commence au début d’août, avec des variétés à consommer très rapidement. La conservation naturelle des poires est en général très courte : peu d’entre elles atteignent ou dépassent le Nouvel An.

Grands ou petits arbres ?

Les poiriers se multiplient par greffage. Traditionnellement, pour produire des arbres haute tige de forte vigueur, on utilise des semis de poirier que l’on greffe en tête, en fente, ou en incrustation. Pour la production de fuseaux basse tige, on recourt à différents cognassiers multipliés par bouturage ou par marcottage, avec parfois une entre-greffe pour éviter les incompatibilités.

Un seul cognassier suffit

La « Pomme de Cydon », Cydonia oblonga ou Cydonia vulgaris, fait aussi partie de la famille des Malacées. On situe son origine au Proche-Orient et au Moyen-Orient : Caucase, Nord de l’Iran, Turquie… d’où il serait venu en Crète et dans le Nord de la Grèce. Il y était très apprécié dans l’Antiquité. Sa diffusion en Occident est attribuée aux Romains.

Quelques notions de biologie

L’espèce compte 34 chromosomes, comme les pommiers et les poiriers. Sous notre climat, l’arbre est moins rustique que ces derniers : il ne supporte pas les très grands froids hivernaux comme par exemple en 1985.

Le cognassier porte de grandes fleurs solitaires (5 cm de diamètre) blanches ou rose pâle, situées à l’extrémité d’une courte pousse portant quelques feuilles. La floraison intervient dans la seconde moitié de mai. L’autofécondation suffit à assurer une fructification abondante, ce qui signifie que l’on peut ne planter qu’un seul arbre dans le verger.

Sous notre climat, les coings n’arrivent pas à une maturité aussi parfaite que dans le Bassin méditerranéen ; la récolte débute fin septembre ou début octobre, dès la chute des premiers fruits.

La durée de conservation est courte : 2 à 3 semaines pendant lesquelles l’arôme des fruits se développe.

Planter des cognassiers

Les cognassiers basse tige, que l’on conduira en buisson, se multiplient par greffage sur un porte-greffe qui est lui-même un cognassier multiplié par marcottage ou par bouturage de bois sec ; la taille des arbres se limite à un élagage des branches en surnombre et à un raccourcissement des charpentières afin de limiter leur développement en hauteur.

Il est aussi possible de trouver en pépinière des arbres haute tige, généralement greffés sur aubépine. Récemment, dans une foire aux plantes dans la région gantoise, nous avons vu des cognassiers formés en palmette horizontale.

Cul de chien, osselets…

c’est le néflier

Mespilus germanica appartient également à la famille des Malacées. Cet arbuste à couronne dense, de forme globuleuse, qui peut atteindre 4 m de haut, a été qualifié de « germanique » parce qu’il se dit que lors de la conquête romaine il aurait été trouvé à l’état spontané en Germanie.

Mais les botanistes considèrent qu’il est originaire du Nord de l’Iran, du Caucase et du Sud-est du Bassin méditerranéen, puis introduit en Occident deux siècles avant notre ère, où il se serait naturalisé. On le rencontre parfois en sous-étage dans certaines forêts de feuillus sur sols plus ou moins acides.

Quelques notions de biologie

Le néflier fleurit fin mai ; il porte de grandes fleurs blanches solitaires à l’extrémité d’une courte pousse. Les fruits globuleux, de 5 à 7 cm de diamètre, ont un large calice ouvert qui leur a valu le surnom de « cul de chien ». Ils comportent au maximum cinq gros pépins appelés osselets.

Les néfliers se récoltent en octobre ou novembre, après les premières gelées, et s’il n’a pas gelé, on les placera au congélateur pendant quelques jours. Ensuite, ils seront mis dans une pièce tempérée où l’air n’est pas trop sec. Après trois semaines, ils pourront être consommés après blettissement : ils auront perdu leur astringence et gagné un goût sucré-acidulé et aromatique.

Planter des néfliers

Au jardin, les néfliers ne demandent pas de soins particuliers ; ils sont formés en buissons, et leur taille se limite à enlever quelques rameaux trop âgés ou en surnombre. Ils se multiplient par greffage soit sur des semis de néflier, soit sur aubépine, sorbier ou cognassier.

Il existe des cultivars horticoles à feuillage panaché doré ou argenté.

À suivre, avec la vaste famille

des espèces fruitières à noyau.

Ir. André Sansdrap,

Wépion

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