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Liberté des truies en maternité: des solutions viables émergent en Europe

La Norvège, la Suède et la Suisse ont interdit il y a plusieurs années les cages de mises bas avec confinement continu. Depuis 2017 la loi autrichienne impose à son tour la mise bas en liberté des truies dans tous les bâtiments nouvellement construits. Ces mesures témoignent de la préoccupation sociétale croissante pour le bien-être des animaux d’élevages.

Temps de lecture : 8 min

En quête de solutions techniques viables à proposer aux éleveurs, le Centre wallon de Recherches Agronomiques (Cra-w) s’est rendu en janvier 2018 en Autriche pour visiter une station expérimentale de production porcine bio. Mais avant de revenir sur ce voyage d’études, faisons le point les pratiques de nos voisins européens.

Contention des truies en maternité: une pratique courante en Wallonie et en France, même en bio

Quelque 63% en Wallonie et 48% en France des élevages bio avec truies organisent la mise bas des truies en bâtiment, la quasi-totalité sur litière . Dans ce système, la truie dispose d’un espace enrichi pour autoriser l’expression de certains comportements naturels mais est contrainte avant et après la mise bas par un dispositif de contention. Jusqu’à présent elle ne disposait pas d’accès à l’extérieur (une récente évolution réglementaire rend désormais obligatoire cet accès à l’extérieur) .

À ce jour, le risque de pertes sous la mère, liées à des écrasements, est le principal frein technico-économique à la généralisation de la mise bas en liberté. Or la viabilité des ateliers avec truies est indissociable de la maîtrise technique du naissage, dont l’un des indicateurs de réussite est le nombre de porcelets sevrés par truie.

En outre, l’investissement dans des cases spécialement conçues pour la mise bas en liberté constitue un surcoût en équipement, quelquefois doublé d’une augmentation de temps de travail pour l’éleveur (surveillance).

Liberté des truies en maternité : des tests partout en Europe

La liberté de mouvement des truies en maternité fait l’objet de recherches actives au Danemark, au Pays-Bas et au Royaume-Uni, bien que les réglementations nationales de ces pays ne rendent pas cette pratique obligatoire.

Au Royaume-Uni, sous la pression des organisations de bien-être animal un distributeur important a décidé de ne s’approvisionner qu’en viande de porc issue d’élevages de truies en liberté. Le gouvernement britannique a annoncé la mise en place de subventions pour soutenir la construction de bâtiments adaptés.

Au Danemark, cela fait dix ans que les élevages, notamment ceux qui approvisionnent le marché britannique, ont commencé à utiliser des systèmes de truies libres en maternité. Les solutions techniques identifiées sont le fruit d’un travail conjoint entre organisations professionnelles, équipementiers et associations « welfaristes ».

En France la filière porcine reste sceptique quant à la viabilité technico-économique des modèles de cases liberté testées en stations d’expérimentation.

Une récente étude finlandaise montre pourtant que les mises bas en liberté diminuent le stress des truies et favorise l’expulsion de porcelets. Selon Claudio Oliviero, enseignant-chercheur à l’Université d’Helsinki, « l’acte de nidification rendu possible par la non-contention de la truie est associé à une augmentation de prolactine induite par une diminution de la progestérone et une augmentation des prostaglandines. C’est un élément qui agit contre le stress de l’animal» et susceptible d’améliorer la santé puisqu’un faible taux de progestérone est corrélé à une production plus abondante de colostrum et d’immunoglobulines.

De même, la libération des truies pour la mise bas est associée à une augmentation du taux d’ocytocine et donc à une diminution de la durée de la mise bas. L’intervalle entre les naissances de porcelets est plus court pour les truies qui mettent bas dans des loges avec liberté de mouvement (13 à 19 min) comparé à celles qui mettent bas dans des cages (18 à 30 min).

Travailler à un modèle de liberté des truies en maternité en élevage bio

Le règlement européen qui encadre l’élevage biologique précise que « les pratiques d'élevage, y compris l'alimentation des animaux, la conception des installations, la densité d'élevage et la qualité de l'eau, permettent de répondre aux besoins de développement, ainsi qu'aux besoins physiologiques et comportementaux des animaux ».

Travailler à la généralisation de la liberté des truies en maternité s’inscrit donc la démarche de progrès inhérente à l’agriculture biologique.

Loges Welser et WelCon mises au point en Autriche

En Autriche, le marché du porc bio représente 3% du marché du porc. Les élevages qui l’approvisionnent sont de taille raisonnable, avec un bon équilibre entre taille du troupeau et surfaces cultivées (lien au sol). Pour répondre aux attentes sociétales en matière de matière de bien-être animal, les filières animales autrichiennes s’organisent pour faire évoluer leurs pratiques.

Nous l’écrivions en début d’article, le Cra-w s’est rendu à la station expérimentale bio de Thalheim bei Wels (au nord-ouest de l’Autriche). Celle-ci, en lien avec l’équipementier Schauer, a mis au point deux modèles de loge de mise bas en liberté adaptés à l’élevage bio : les loges Welser et WelCon. Ces deux modèles sont largement similaires à la différence près que la loge Welser est adaptée pour des bâtiments non fermés, et donc plus froids.

La loge est basée sur le principe de la séparation nette des domaines d’activité : « se coucher », « déféquer », « s’alimenter ».

Elle comprend :

– une aire de mise bas et d’allaitement (couverte d’un plafond amovible dans le cas de la Welser);

– une zone parallèle séparée pour l’alimentation de la truie équipée d’une auge : cette zone est séparée de l’aire de mise bas par un cloison de bois (Loge Welser) ou par un dispositif de barrières amovibles (Loge WelCon);

– une niche à porcelets située à l’avant le long du couloir de travail;

– une zone arrière extérieure d’exercice pour la truie et les porcelets.

Toutes les cloisons sont en bois. La superficie totale de la loge (aires intérieures et extérieures) fait environ 12,5 m². La case réservée pour la mise bas, l’allaitement et le repos de la truie mesure 2 m x 2,20 m.

Zone d'allaitement et de mise bas couverte (loge Wesler).
Zone d'allaitement et de mise bas couverte (loge Wesler). - Cra-w

L’aire de mise bas et d’allaitement

Dans l’aire de mise bas et d’allaitement, la truie doit disposer de paille en brins longs (paille d’orge) qu’elle utilise comme matériau de nidification. La zone doit rester sèche et propre. Entre chaque bande, l’aire est débarrassée des litières et brossées, mais n’est lavée qu’une à deux fois par an. Cette procédure suffit à maîtriser le risque sanitaire.

La mise en place de barre antiécrasement n’est pas nécessaire. Le risque d’accumulation de paille sous une barre est parfois plus préjudiciable que protecteur. De même, la mise à disposition d’un panneau incliné pour faciliter et orienter le couchage des truies ou encore d’un poteau au milieu de la zone (cf. loges Thierry Schweitzer en Alsace) n’est pas jugée nécessaire.

Le sol de la zone de mise bas et d’allaitement est isolé. Aucun caillebotis n’est présent. Il s’agit d’un sol plein en béton.

Niche à porcelets et zone d'allaitement non couverte (loge WelCon).
Niche à porcelets et zone d'allaitement non couverte (loge WelCon). - Cra-w

La zone pour l’alimentation

Dans la loge Wesler, la truie doit quitter l’aire de repos couverte pour rejoindre sa zone d’alimentation en passant par la zone extérieure arrière. Elle doit faire le chemin inverse pour retrouver ses porcelets. La porte pour rentrer dans la zone de mise bas et allaitement comprend une poignée d’ouverture actionnée avec le groin de la truie. Un bras de rappel permet la fermeture automatique.

Figure 4 : zone d’alimentation séparée de la loge par une cloison en bois (loge Welser)

Dans la loge WelCon, la zone d’allaitement est séparée de la zone d’alimentation par un dispositif de barrières amovibles. Ces barrières permettent le passage de l’éleveur. Dans cette conception, il est nettement plus simple d’évacuer les éventuelles fèces et litières sales de la zone de mise bas et allaitement.

Zone d’alimentation séparée de la loge par une cloison en bois (loge Welser).
Zone d’alimentation séparée de la loge par une cloison en bois (loge Welser).

La niche à porcelets

La niche à porcelets est équipée d’un couvercle avec un radiant électrique infrarouge en plafond. Elle a une superficie de 1,1 m². Les porcelets peuvent être enfermés dans leur niche en actionnant un levier qui abaisse ou remonte une guillotine qui sépare les zones. Seule la niche à porcelets est chauffée. La loge est adaptée pour un bâtiment froid. Il est préférable d’avoir une lumière dans les niches pour favoriser le comportement de replis des porcelets dans la niche.

Aire extérieure

La zone arrière extérieure fait office d’aire de déjections, d’exercice et d’abreuvement. Elle contient un abreuvoir et un râtelier pour du fourrage grossier. Les barrières séparant les courettes autorisent les contacts entre les truies voisines et sont relativement basses pour éviter le passage des porcelets.

La zone est raclée 2 fois par semaine par un engin motorisé. Le couloir de raclage est 5 à 12 cm sous le niveau du sol des zones intérieures pour éviter toutes infiltrations d’eau mais permettre le passage de la truie et des porcelets. Il ne peut pas être trop large au risque d’y découvrir des mises bas en été et de provoquer des comportements d’élimination à l’intérieur (inversion des zones).

Aire extérieure, avec à gauche le couloir pour accéder à l’auge (loge Welser). Chaque catégorie d’animaux dispose de sa propre sortie : porte pour la truie, « chatière » pour les porcelets.
Aire extérieure, avec à gauche le couloir pour accéder à l’auge (loge Welser). Chaque catégorie d’animaux dispose de sa propre sortie : porte pour la truie, « chatière » pour les porcelets. - Cra-w

D’un point de vue technico-économique

Sur 13 porcelets nés vivants en moyenne, 10,4 sont sevrés au bout de 6 semaines d’âge à un poids moyen de 12 kg. Les écrasements sont plutôt maîtrisés et ne représentent que la moitié du taux de mortalité. Les truies (Large White * Landrace) sont sélectionnées pour leur capacité nourricière.

Montant des investissements nécessaires

Suite à la visite de la station expérimentale, le Cra-w, s’est rendu dans un élevage naisseur bio ayant adopté le système WelCon. L’éleveur a chiffré à environ 8.000€ l’investissement complet par place de maternité. Le porcelet bio est commercialisé sous contrat autour de 140-150 € pour un poids de 30 kg. Comme en France, la demande en porcelets est très forte.

ETABLE

D’après Samuel Frois

Fnab (www.produire-bio.fr),

et José Wavreille

Cra-w,

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