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Répondre aux attentes des clients de l’industrie laitière… sans grand bénéfice pour le portefeuille

Outre le respect de critères de base (qualité du lait, sécurité alimentaire…), les attentes des clients de l’industrie laitière se sont progressivement faites plus nombreuses, notamment sous l’influence des consommateurs et d’Ong. À charge de la filière d’y répondre. Comment ? Élément de réponse avec Renaat Debergh, administrateur délégué de la Confédération belge de l’industrie laitière (Cbl).

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Trois grands groupes de clients composent le portefeuille commercial de l’Industrie laitière belge : le commerce de détail européen (à savoir, les grandes surfaces), l’industrie agroalimentaire européenne (Danone, Nestlé, Mondelèz…) et, à l’échelle internationale, les pays importateurs de lait belge.

Ce dernier groupe comprend des partenaires commerciaux européens et non européens. « 80 % du lait commercialisé hors Belgique est exporté vers les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et l’Italie », précise Renaat Debergh. En cinquième position arrive le Royaume-Uni, signe que le Brexit pourrait être une source supplémentaire de problèmes pour la filière « lait ». Hors Europe, nos principaux partenaires sont l’Indonésie, l’Algérie et l’Arabie Saoudite.

« Ces différents clients ont tous un certain nombre d’attentes que nous devons satisfaire », ajoute-t-il. Celles-ci appartiennent à deux catégories. D’une part, les attentes de bases, connues depuis de nombreuses années. D’autre part, de nouveaux souhaits ont récemment vu le jour.

Des outils nationaux

Du côté des critères de base figurent la qualité du lait et sa conformité à la sécurité alimentaire. En effet, le lait produit et vendu doit respecter la législation concernant les éventuels résidus (métaux lourds, antiparasitaires, substances inhibitrices, pesticides…) ainsi que divers paramètres microbiologiques, notamment en matière de coliformes et de salmonelles. Les élevages doivent également être exempts de maladies (brucellose, tuberculose, paratuberculose…).

«
Bien que les attentes de base restent très présentes, on assiste, ces dernières années, à une explosion de nouveaux souhaits.
», remarque Renaat Debergh.
« Bien que les attentes de base restent très présentes, on assiste, ces dernières années, à une explosion de nouveaux souhaits. », remarque Renaat Debergh. - J.V.

« Afin de satisfaire à ces différents critères, nous disposons de tous les outils nécessaires », affirme Renaat Debergh. Et ce dernier de les citer : « système officiel de qualité, qualité filière lait (QFL), paiement selon la qualité, guides d’autocontrôle… ». En matière de sécurité alimentaire, aux différentes législations s’ajoutent les programmes du fonds sanitaire, le programme paratuberculose…

Selon l’administrateur délégué de la Cbl, ces différents outils présentent un grand avantage : ils sont communs à l’entièreté du pays. En outre, en fixant un cadre strict, ils contribuent positivement à l’absence de surenchère entre acheteurs et entre distributeurs.

De plus en plus exigeants

Les clients de l’industrie laitière manifestent quantité de nouvelles attentes. Pour les satisfaire, de nouveaux labels et cahiers de charges privés se sont développés.

Ainsi, la demande pour du lait bio ne cesse d’augmenter. Une législation européenne ainsi que différents labels ont ainsi été créés voici plusieurs années afin de définir un cadre de travail précis.

De plus en plus d’acteurs de l’industrie alimentaire exigent également que le lait qu’ils achètent respecte divers critères de durabilité (réduction de l’empreinte carbone et/ou de l’empreinte eau, ration certifiée sans ogm, utilisation de soja durable…). Là aussi, des cahiers des charges privés existent. Citons par exemple ceux mis en place par la Rtrs (Table ronde sur le soja responsable) ou le Vlog (association allemande défendant la non-utilisation du génie génétique dans la production d’aliments). Le premier vise à garantir l’utilisation de soja durable dans la ration des laitières tandis que le second certifie l’absence d’organisme génétiquement modifié dans ladite ration.

Sous l’influence des consommateurs et de certaines Ong, le respect du bien-être animal (étable sans entrave, longévité accrue des vaches…) fait désormais aussi partie des attentes des clients. En Allemagne, le cahier de charges « Tierschutzalbel » a été créé à cet effet.

Autre critère important, particulièrement pour nos clients des Pays-Bas, le pâturage. Ceux-ci ont donc élaboré le cahier des charges « Weidemelk » garantissant que le lait acheté par les consommateurs provient de fermes pratiquant le pâturage. « Comme il s’agit de notre premier client à l’export, nous nous devons de le satisfaire », insiste M Debergh.

Suite aux problèmes de résistance de certaines bactéries aux antibiotiques, certains clients ont des attentes poussées en matière d’utilisation des antibiotiques. « Ils imposent bien souvent des seuils allant au-delà des normes officielles Ils souhaitent également que des mesures soient prises pour réduire leur utilisation et qu’un monitoring soit mis en place sur la ferme », détaille-t-il.

Certains acheteurs désirent que les troupeaux soient nourris avec une alimentation spéciale, dans l’espoir que cela se répercute sur les qualités nutritives du lait.

Enfin, quelques groupes laitiers internationaux développent eux aussi de nouveaux cahiers de charges : Arlagarden chez Arla, Foqus Planet pour FrieslandCampina, La route du lait du côté de Sodiaal…

« Néanmoins, ces initiatives sont trop souvent privées et dispersées et, surtout, ne permettent que rarement à l’éleveur laitier de bénéficier d’un bonus sur le prix du lait », déplore-t-il.

Se démarquer sur les marchés mondiaux

Des approches collectives voient également le jour. C’est le cas en Belgique, avec le « monitoring durabilité » initié en 2014 par l’Agrofront (Boerenbond, Algemeen boerensyndicaat et Fédération wallonne de l’Agriculture) et la Cbl.

Pour rappel, celui-ci intègre 35 initiatives classées en sept groupes (santé animale, bien-être animal, énergie, environnement, alimentation animale, eau et sol, et initiatives sociales) parmi lesquelles chaque producteur laitier définit ses priorités et ce, sans obligation. Chaque année, les progrès réalisés sont mesurés auprès d’un tiers des éleveurs laitiers via un « inventaire durabilité » ajouté au cahier des charges QFL. L’objectif : renforcer la durabilité de la production laitière et améliorer la position de la Belgique sur les marchés internationaux.

En développant cette approche, la filière s’assure une fois de plus qu’il n’y a aucune surenchère entre ses clients, ceux-ci ne devant pas élaborer leurs propres critères en matière de durabilité. Elle s’inscrit également dans un processus continu d’amélioration.

« Actuellement, on estime que chaque exploitation respecte, en moyenne, 11 mesures afin d’améliorer sa durabilité », précise M Debergh. Et d’ajouter que des initiatives sont également prises au niveau du transport et de la transformation du lait.

Économiquement intéressant ?

Pour l’administrateur délégué de la Cbl, ce monitoring présente le grand avantage d’être une initiative commune de l’Agrofront et de la Cbl qui a été déployée sur toute la filière sans pour autant être imposée aux éleveurs. Ainsi, chacun peut choisir des mesures spécifiques à sa ferme et les résultats obtenus sont quantifiables. « En outre, la moitié des initiatives listées sont intéressantes sur le plan économique », ajoute-t-il.

Cependant, il reconnaît que les groupes internationaux usent de leur influence pour introduire leur propre système, en lieu et place du « monitoring durabilité ». Autre désavantage, la concertation entre les parties peut également être chronophage, vu leur nombre. Enfin, les objectifs finaux du monitoring ne sont pas clairement définis et le prix du lait payé aux éleveurs n’est pas majoré en fonction des initiatives prises.

« À nous maintenant de renforcer la position de la QFL et du monitoring durabilité afin d’en tirer le meilleur parti pour la filière », conclut Renaat Debergh.

J.V.

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