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Le nettoyage des bâtiments et du matériel contaminés au CIPC est indispensable pour éviter la contamination croisée

Depuis le 30 juin 2020, l’utilisation du chlorprophame, plus communément appelé CIPC, pour le contrôle de la germination des pommes de terre est interdite en Belgique. Il ne pourra donc plus être employé sur la récolte 2020. Néanmoins, la probabilité de contamination croisée des pommes de terre avec le CIPC issu des bâtiments et du matériel de manutention contaminés est bien réelle. Pour limiter ce risque, le nettoyage des bâtiments et de leur contenu est indispensable.

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Lors d’un webinaire, réalisé en collaboration par la Fiwap, la FWA et Belpotato.be, Thomas Dumont de Chassart, chargé de projet à la Fiwap, et Pierre Lebrun, coordinateur Fiwap, rappelaient les règles de base pour un nettoyage en bonne et due forme des bâtiments et du matériel de stockage de pommes de terre contaminés au CIPC.

Une limite maximale résiduelle temporaire indispensable

En Belgique, l’usage du CIPC est désormais interdit. En France et aux Pays-Bas, ça ne saurait tarder puisque les dates d’interdiction finales sont respectivement fixées au 8 août et au 31 juillet 2020, la date ultime pour l’Europe étant prévue au 8 octobre 2020. La molécule interdite, on ne pourra donc en retrouver de traces et sa limite maximale résiduelle (LMR) correspondra à la limite de détection des appareils, c’est-à-dire 0,01 ppm. Cependant, le CIPC pollue et pénètre dans les matériaux et surfaces (jusqu’à 4 cm dans le béton) et, on constate un relargage du produit et de ses métabolites durant plusieurs années en conservation et lors de la manutention. « Il était donc absolument nécessaire d’obtenir une limite maximale résiduelle temporaire (tLMR). Celle-ci devait être assez haute pour maintenir un maximum de hangars dans le circuit de conservation, mais aussi assez basse afin d’empêcher tout usage frauduleux de CIPC. », explique Thomas Dumont de Chassart.

La tLMR a été fixée à 0,4ppm, ce qui représente 0,4mg de CIPC par kg de pommes de terre et est en cours d’acceptation : « On espère une réponse positive dans le courant de l’année 2021 ». Actuellement et pour la récolte 2019 qui n’est pas encore écoulée –, la limite est de 10 ppm. Celle limite devrait être maintenant jusqu’à l’acceptation de la tLMR. Si la tLMR devait être refusée, la LMR considérée à partir de l’automne 2020 serait à nouveau de 0,01ppm.

La valeur de la tLMR décroîtra dans le temps sur base d’un suivi et de rapports annuels pour atteindre à la fin d’une période donnée la LMR de 0,01 ppm. « Pour que la tLMR soit acceptée, le secteur doit absolument démontrer qu’il fait ce qu’il faut pour se conformer à la nouvelle norme et pour réduire les risques de contamination croisée. Le nettoyage des bâtiments est indispensable pour répondre aux exigences de la tLMR et éviter les dépassements ».

Pour ce faire la Potato Value Chain (PVC) a développé un protocole de nettoyage (disponible sur http://fiwap.be, voir schéma ci-après) afin d’aider les producteurs à réduire au maximum la teneur en CIPC des infrastructures de stockage et des équipements et de minimiser les résidus susceptibles d’être retrouvés sur les futurs tubercules stockés.

Principes de base

Lors du webinaire, Thomas Dumont de Chassart présente les principes de base du nettoyage des surfaces contaminées. Tous les bâtiments ayant des antécédents d’utilisation du CIPC devront être nettoyés dès que la récolte 2019 aura été déstockée. « Il est inutile d’agir si des pommes de terre traitées sont encore présentes car le travail risque d’être à recommencer ».

Principales surfaces de contamination au CIPC dans les entrepôts de vrac.
Principales surfaces de contamination au CIPC dans les entrepôts de vrac. - Potato Value Chain

Travail en sécurité

Il est tout d’abord recommandé d’effectuer ce nettoyage en respectant les mesures de sécurité élémentaires et en utilisant des équipements de protection individuelle (masque, gants, casque). Le travail en hauteur doit être réalisé avec du matériel adéquat. La prévention des risques électriques doit aussi être envisagée.

Preuves à l’appui

Il est fortement conseillé de conserver des preuves du nettoyage : des traces écrites, des photos datées, des factures… « Ces documents pourraient être exigés par les acheteurs par après ». Une liste d’autocontrôle du nettoyage et un document d’enregistrement sont notamment disponibles sur le site web de la fiwap afin que les producteurs puissent tracer leurs actions de nettoyage et les partager avec les acheteurs et transformateurs.

Brossage et aspiration combinée

Le nettoyage se fera de préférence à sec, de haut en bas, du plafond vers le sol et le sous-sol, par brossage et aspiration combinée afin d’éviter la poussière et un nouveau dépôt. On utilisera un aspirateur avec un bon filtre (HEPA, filtre M (99,9 %) ou filtre carbone) qui sera nettoyé et remplacé régulièrement pour ne pas disséminer les poussières. « L’idée n’est pas de faire rentrer la poussière d’un côté pour qu’elle sorte de l’autre ».

Une attention particulièrement sera portée aux endroits les plus contaminés selon la technique de répartition du CIPC utilisée (couloir technique, ventilateur, caillebotis…). Dans les zones à risque, on enlèvera tous les dépôts, amas et/ ou poussières. La technique sera adaptée à chaque surface : pour les sols, murs, surfaces métalliques, utiliser une brosse dure en métal ou plastique dur ; pour les mousses de polyuréthane projetées, on préférera des brosses plus souples pour ne pas détruire la mousse.

Pour le nettoyage des sols et des murs, utiliser des brosses dures (métalliques ou plastique dur) pour détacher les dépôts et particules du béton.
Pour le nettoyage des sols et des murs, utiliser des brosses dures (métalliques ou plastique dur) pour détacher les dépôts et particules du béton. - FWA

Nettoyage à l’eau et traitement des résidus phytos

S’il n’est pas possible de procéder à sec, on réalisera un nettoyage à l’eau sous pression, néanmoins, cela impliquera une collecte des eaux et un traitement de celles-ci en tant que résidus phytos, ce avant le 8 octobre vu la date limite d’utilisation du produit.

L’utilisation de détergent n’apportera pas de plus value. La pression doit par contre être adéquate : pas trop élevée pour éviter la formation d’aérosols et la redispersion des contaminants. Les eaux ne devront pas rester dans le stockage dans quel cas, le travail sera inutile car le CIPC se redéposera quand l’eau s’évaporera.

Aérer les bâtiments

Le CIPC se volatilise mais la concentration maximale est vite atteinte et l'’ambiance du bâtiment rapidement saturée. Il est donc important d’aérer continuellement le bâtiment durant toute la période où il est vide. Les courants d’air permettront une revolatilisation du produit. « Les infrastructures se déchargeront ainsi progressivement. Cette action seule ne suffit pas. Un nettoyage reste nécessaire mais l’aération apporte réellement quelque chose en plus ».

Renouveler la terre battue sur 10 cm

Pour les sols en terre battue, il sera nécessaire de renouveler la couche de terre sur 10 cm. Les terres seront éliminées selon le même procédé que les terres de déterrage et de chargement.

Nettoyage du bois

Les matériaux en bois, gaines de ventilations, panneaux muraux, planchers, trappes de gaines, volets… seront idéalement remplacés après nettoyage approfondi du bâtiment. Si le remplacement n’est pas possible, ils devront subir un nettoyage intensif suivi d’une exposition extérieur ou une aération.

Les équipements en bois doivent idéalement être remplacés par de nouveaux exemplaires. Ce remplacement doit être fait après un nettoyage approfondi de l’entrepôt afin d’éviter autant que possible de contaminer les nouvelles pièces en bois avec des matériaux précédemment contaminés au CIPC. Lorsque le remplacement n’est pas possible, il faut procéder à un nettoyage intensif, et terminer avec une exposition extérieure. (Avant nettoyage)
Les équipements en bois doivent idéalement être remplacés par de nouveaux exemplaires. Ce remplacement doit être fait après un nettoyage approfondi de l’entrepôt afin d’éviter autant que possible de contaminer les nouvelles pièces en bois avec des matériaux précédemment contaminés au CIPC. Lorsque le remplacement n’est pas possible, il faut procéder à un nettoyage intensif, et terminer avec une exposition extérieure. (Avant nettoyage) - FWA

( Après nettoyage)
( Après nettoyage) - FWA

Et les palox ?

« La surface de contact avec les pommes de terre est beaucoup plus élevé en palox qu’en bâtiment vrac. Une attention particulière sera donc portée à leur nettoyage ». Il s’agira d’enlever les dépôts de terre par brossage et de les stocker dès que possible en extérieur, exposés à la pluie, au vent et au soleil. « Le CIPC se dégrade beaucoup mieux en pH classique, milieu humide et à la lumière que sur un béton sec et dans l’obscurité ». Les palox pourront également être lavés à l’eau sous pression ou au laveur de caisse.

Moyens de transport et de manutention

Les bennes agricoles, de camion, les trémies, déterreurs, bandes transporteuses, repreneurs de tas ou encore remplisseur de caisses devront être brossés ou nettoyés à l’eau sous pression (avec collecte des eaux usées). Une attention particulière doit être portée aux trémies et tapis utilisés pour l’application de CIPC poudre ou liquide. Le matériel pourra également être exposé aux actions climatiques pour dégrader le CIPC.

Les bennes, trémies, déterreurs, bandes transporteuses, reprenneurs de tas ou encore remplisseurs de caisses devront être brossés ou nettoyés à l’eau sous pression. (avant nettoyage)
Les bennes, trémies, déterreurs, bandes transporteuses, reprenneurs de tas ou encore remplisseurs de caisses devront être brossés ou nettoyés à l’eau sous pression. (avant nettoyage) - FWA

(Après nettoyage)
(Après nettoyage) - FWA

Hauteur de tas constante lors de la prochaine saison

Lors de la prochaine saison de stockage, on s’assurera d’avoir une hauteur de tas constante afin d’éviter des passages d’air préférentiels qui concentreraient les restes de CIPC. De même, on garantira une bonne circulation de l’air autour des palox.

Des contrôles à l’automne ?

Les contrôles liés à la présence de CIPC pourraient être réalisés par la profession elle-même ou par l’Afsca. D’après Pierre Lebrun, le négoce et l’industrie prévoient d’ores et déjà un plan d’échantillonnage afin d’éviter les usages frauduleux : « Ils ont défendu l’instauration d’une tLMR et ne veulent absolument pas d’usages frauduleux. La filière a beaucoup à perdre en termes de crédibilité si c’était le cas. La démarche de transition serait perdue ».

Du côté de l’Afsca, une attention accrue sera sans doute à l’ordre du jour mais aucun plan de financement de nouveaux contrôles n’a encore été mentionné. « On peut également penser que des contrôles auront sans doute lieu lors des certifications ».

Si les hangars et le matériel sont correctement nettoyés, les seuils ne devraient pas être dépassés. « Mais, le sujet reste sensible et il ne faut pas s’attendre à de la souplesse (dilution ou mélange), si tLMRt est dépassée. la tLMR devrait réduire les risques mais des situations problématiques ne sont pas à exclure. Notez également que le dépassement devra être constaté grâce à un protocole d’échantillonage et d’analyse reconnus. Sur ces points des éléments doivent encore être discutés et définis », explique Pierre Lebrun.

Enfin, la Fiwap conseille d’être attentif aux exigences formulées par les acheteurs en matières de nettoyage : « Certains écrits y font rapport dans les contrats. Si c’est le cas, il est encore plus important de conserver des preuves de nettoyage ».

Propos recueillis par D. Jaunard

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