Les chips de Lucien sont nées de la volonté de trois jeunes agriculteurs -Thomas, Antoine et Stany- de se rapprocher du consommateur tout en apportant de la valeur ajoutée à la matière première produite : « Nos productions agricoles manquent de reconnaissance. Dans bien des cas, nous livrons à l’industriel la production d’une année en étant ultratransparents sur la manière dont elle a été produite mais nous n’en retirons aucune récompense morale. Ça passe dans la masse. De plus, nous n’avons aucune gestion de notre chiffre d’affaires : nous pouvons faire pile poil la même chose d’une année à l’autre et gagner deux fois moins car nous sommes mis en concurrence avec des pays où la main-d’œuvre et la terre sont moins chères. L’idée, c’était donc de se rapprocher du maillon final et de pouvoir lui expliquer notre métier grâce à un produit fini », explique Thomas. La spécialité des trois cousins étant la pomme de terre et leur péché mignon les chips, le choix a vite été fait.
Une unité de production indépendante
Les jeunes entrepreneurs ont choisi d’installer leur ligne de production dans le zoning de Mettet. « Nos exploitations sont proches l’une de l’autre mais nous avons décidé d’établir l’unité de production en dehors de nos fermes afin d’éviter que l’un d’entre nous ne se retrouve avec une surcharge de travail. Les chips de Lucien, c’est une coopérative d’indépendants. L’entreprise doit tourner indépendamment des fermes avec une structure qui nous permet d’avoir un rôle plus administratif et de continuer à nous investir dans nos exploitations. De même, chacun à son rôle et est souverain dans son poste, ça ne nous empêche pas de gérer certaines situations ensemble mais nous ne nous marchons pas sur les pieds et nous nous appuyons sur nos points forts », dit Stany. Ainsi, ce dernier profite de son expérience professionnelle passée dans la gestion des équipes, l’approvisionnement et la fabrication quotidienne. Antoine s’occupe plus particulièrement du suivi et développement de la ligne de production. Enfin, Thomas se consacre à la communication et aux échanges commerciaux.

Se former aux ressources humaines et au métier
Pour faire tourner la petite usine, le trio peut compter sur une équipe d’une dizaine d’employés actifs au secrétariat, à la production (en deux pauses) et dans les échanges commerciaux. « Nous avons la même équipe depuis le début. Il n’empêche que la gestion des ressources humaine a été un défi pour nous tous car c’est un domaine que l’on connaît mal ou que l’on gère différemment en agriculture. On travaille souvent en famille ou avec des saisonniers et selon des horaires un peu particuliers, c’est donc assez différent. Nous avons dû nous former et former notre équipe au métier. Nous sommes passés par beaucoup d’étapes avant d’arriver au résultat actuel et, parfois, des lots entiers ont dû être déclassés pour l’alimentation animale », explique Antoine.
Ce qui fait la différence…
Chaque exploitation livre à tour de rôle la petite usine. Les pommes de terre arrivent triées et déterrées, et sont lavées sur place. « Nos pommes de terre sont cultivées de manière raisonnée. Nous produisons et transformons notamment de la Lady Claire et de la Lady Rosetta. Cette année, nous nous sommes également lancés dans la culture bio et nous en transformons déjà une petite partie en vue de proposer une gamme de chips bio », dit Thomas.
Des pommes de terre non épluchées
Le coupe chips est alimenté en pommes de terre entières. « Nos pommes de terre n’étant pas traitées avec un antigerminatif chimique, nous avons décidé de ne pas les éplucher afin de conserver tous les nutriments et vitamines présents dans la peau »
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Pourquoi pas de l’huile de colza ?
Les pommes de terre sont coupées et les chips sont cuites dans un bain d’huile végétale. « Nous souhaiterions aller plus loin à ce niveau et utiliser notre propre huile de colza, toujours dans l’idée de valoriser nos propres produits. Avec l’accord de l’obtenteur et en collaboration avec le CRA-W, nous sommes en réflexion sur l’utilisation d’une variété résistant à la hausse des températures. On pourrait même envisager des partenaires locaux puisqu’une entreprise de la région presse déjà de l’huile de colza », détaille Antoine.

Sel, paprika, poivre&sel, saveur épicée et pesto
Après cuisson et tri, les chips sont aromatisées au moyen de mélanges d’épices 100 % naturelles : « Nous travaillons avec un fournisseur qui nous propose des recettes à base d’ingrédients cultivés, séchés et broyés, sans exhausteur de goût ou passage en laboratoire. La qualité peut donc un peu varier en fonction de la récolte mais c’est le lot du naturel », dit Stany. La gamme comprend ainsi 5 références : sel, paprika, poivre&sel, épicée et pesto qui vient récemment de compléter les saveurs proposées. « À moyen terme, l’idée est d’utiliser des épices bios en vue du développement de la gamme bio. D’autres références devraient également être envisagées et, pourquoi pas du vrac ».

Saine concurrence
Les chips de Lucien traitent 20 tonnes de pommes de terre par semaine pour produire 5 tonnes de chips. « Nous produisons 1 tonne de chips par jour, c’est 200 fois moins que les spécialistes en production de chips mais c’est très bien comme ça. Heureusement que les grandes industries sont là pour dynamiser le secteur. Notre usine n’a pour vocation que de transformer la production de nos exploitations et peut-être un jour nous apporter un peu d’autonomie. Il n’y a donc aucun problème à ce que l’on coexiste. De plus, nous n’avons pas du tout la même cible. Nous nous intéressons aux personnes qui ne mangeaient pas de chips auparavant et qui soutiennent notre produit parce que ça a du sens pour eux. ».
Des entreprises similaires sont en passe d’installation en Wallonie et en Flandre mais cela n’inquiète pas notre trio : « Nos structures ne sont pas vraiment identiques et puis la concurrence peut aider à se dépasser et développer notre philosophie. De plus, s’il y a une plus grande offre de chips artisanales sur le marché, les gens en achèteront peut-être plus », dit Thomas.
« Nous nous intéressons aux personnes qui ne mangeaient pas de chips auparavant ».
Des épiceries fines aux supermarchés
Le chantier est grand