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Des alternatives aux néonicotinoïdes pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse

En France, un Plan national de recherche et d’innovation vise à trouver des alternatives à l’usage des néonicotinoïdes d’ici 2024. À l’issue d’une première année de travail, plusieurs pistes se dessinent. Combinées les unes avec les autres, elles pourraient permettre de limiter l’impact de la jaunisse sur les betteraves.

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Coordonné par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut technique de la betterave (Itb), le Plan national de recherche et d’innovation intitulé « Vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière » se compose d’une vingtaine de projets portant sur la biologie, l’agronomie, la génétique, le biocontrôle, ou des dimensions sociologiques et économiques. Tous ont pour objectif d’identifier des solutions alternatives à l’usage des néonicotinoïdes sans affaiblir la protection – ni la production ! – des betteraves sucrières.

Dans le présent article, nous vous proposons un focus sur trois d’entre eux.

Virus de la betterave : des tests et un vaccin ?

Un premier projet est consacré à une meilleure connaissance des populations virales infectant la betterave et à l’évaluation d’une stratégie de protection croisée, sorte de vaccination qui conférerait à une betterave infectée par un virus peu virulent la capacité de mieux se défendre face à des virus agressifs. L’effet de la multi-infection virale sur la gravité de l’infection et la transmission par puceron est étudié.

En 2021, les chercheurs ont réalisé le séquençage à haut débit de l’ensemble des virus présents dans des betteraves présentant, ou non, des symptômes mais toutes infectées par différents virus. Les premiers résultats semblent indiquer que :

– seuls les quatre virus déjà connus (BYV, BChV, BMYV, BtMV) sont responsables de la jaunisse. Aucun agent viral inattendu n’a été mis en évidence à ce jour ;

– la diversité génétique de ces virus à l’échelle du génome est faible et non corrélée à la symptomatologie des plantes analysées. Cette faible variabilité, même entre plantes provenant de parcelles distantes, suggère des mécanismes de dispersion efficaces des virus à grande échelle ;

– aucune corrélation n’existe entre l’accumulation des différents virus et les symptômes observés sur les plantes pour les virus BChV, BMYV et BtMV. En revanche, la corrélation est remarquable pour le BYV, ce qui suggère un rôle majeur du BYV dans l’extériorisation de la jaunisse.

Ce projet vise aussi à optimiser la détection des virus présents dans les plantes ou les pucerons. Les outils actuellement disponibles ne permettent pas une analyse rapide, fiable et peu coûteuse. Différentes méthodes sont testées en vue de combler ce manque. De premiers résultats prometteurs laissent espérer la mise au point d’outils facilitant la détection simultanée des quatre virus majeurs de la betterave à des fins de diagnostic, d’épidémiosurveillance, de criblage de ressources génétiques et de recherche.

Des infestations signalées par des outils prédictifs

Un deuxième projet est dédié à la surveillance, à l’évaluation et à la prévision du risque puceron/jaunisse. Les chercheurs s’attachent à mettre en place des outils de prédiction des vols de pucerons, à identifier les facteurs de risque de pucerons et de jaunisse (climat, pratiques agricoles, paysage), à caractériser les facteurs d’efficacité des produits de lutte contre les pucerons et à estimer la sévérité de la jaunisse par imagerie satellitaire. L’espoir est de mieux prédire l’arrivée des pucerons et l’intensité des vols afin d’accroître l’efficacité des mesures curatives et/ou des stratégies prophylactiques.

En matière d’utilisation d’images satellitaires, les travaux menés en 2021 semblent prometteurs : le modèle développé discrimine efficacement les parcelles indemnes de symptômes et les parcelles affectées par la jaunisse. À terme, la mesure précise de la surface parcellaire présentant des symptômes et l’estimation de l’impact sur le rendement pourraient être utiles dans le cadre de démarches assurantielles.

Les plantes compagnes, une piste pour limiter les populations de pucerons

Dans leur réseau de fermes d’expérimentations, les partenaires du Plan national ont également testé l’association de plantes (avoine, orge, fenugrec, vesce, féverole et pois) avec la betterave pour évaluer leur intérêt pour limiter les infestations de pucerons et les pertes de rendement associées à la jaunisse. Ces plantes compagnes ont été semées en même temps que les betteraves ou quelques semaines avant, puis détruites.

La majorité de ces essais fait ressortir un impact significatif de l’avoine sur les populations de pucerons. Les observations faites quant à la réduction des symptômes de jaunisse et aux pertes de rendement associées à la concurrence avec les plantes compagnes varient selon les essais.

L’enjeu est de trouver un compromis pour définir des modalités d’utilisation et de conduite permettant d’avoir un effet suffisant pour réduire les symptômes de jaunisse sans concurrence entre plantes compagnes et betterave qui serait préjudiciable au rendement.

En complément de cette approche de terrain, des actions en conditions contrôlées sont conduites afin de comprendre l’impact des plantes compagnes sur l’introduction et la dispersion de foyers de jaunisse virale. Ainsi, des dispositifs expérimentaux spécifiques ont été mis en place de manière à caractériser différents paramètres épidémiologiques (fécondité des pucerons, transmission des virus, mouvement de plante à plante) sur lesquels repose le développement de la jaunisse sur betterave, et à évaluer l’impact des plantes compagnes sur ces paramètres.

Le comportement des pucerons sur les plantes compagnes fera également l’objet de travaux pour l’identification de mécanismes clés (effets visuel ou olfactif) de la colonisation de parcelles de betterave par les pucerons.

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