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Dites-le avec des fleurs

Fin avril, début mai, la nature au verger adopte le style hippie et couvre de fleurs ses arbres fruitiers, les uns après les autres. Ce « flower power » devrait inspirer ceux qui sèment les fleurs du mal, aux confins de l’Europe… Chez nous, la paix règne encore -pourvu que ça dure !- et le printemps pose avec détermination les premiers jalons des récoltes futures.

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Qui dit « fleurs », dit pollen en abondance dans un air que nous sommes bien obligés de respirer. Bonjour les allergies ! Yeux larmoyants, chatouilles au nez guili-guili, éternuements, poussées de fièvre, bronchites et plus si affinité… Les salles d’attente des médecins ne désemplissent pas, et les tests Covid connaissent à nouveau un plein succès. La météo fort sèche depuis des semaines n’y est pas étrangère. Le pollen est partout, et sa poudre jaune impalpable ternit les vitres et les pare-brise des tracteurs, des voitures, des fenêtres. Elle saupoudre les couettes mises à sécher à l’extérieur, et fait éternuer les dormeurs -à vos souhaits !- durant la nuit. C’en est hallucinant, si tôt dans l’année ! Ce phénomène apparaît chez nous surtout en juin, quand les épicéas des forêts sèment à tous vents leurs précieux gamètes, quand les graminées fleurissent tout partout et diffusent en abondance leur poudre magique.

Si les arbres et arbustes portaient autant de fruits en été que de fleurs au printemps, pourvu que dieu leur prête vie, nous battrions chaque année tous les records de récolte ! Des pommes, des poires, et des scoubidous bidou ! Des groseilles et des cerises plein nos paniers ! Début avril, les arboriculteurs du bon pays lancèrent pourtant de longues plaintes déchirantes, désespérés par des gelées nocturnes qui se faisaient chaque nuit plus insistantes. Les vignerons brûlaient des bougies sous les ceps timidement fleuris, et priaient à quatre mains les divinités du raisin. Je ne sais trop si le Ciel les a entendus, mais un agronome chevronné m’a assuré que la situation sera moins catastrophique que prévu ; le problème viendra plutôt des pollinisateurs, de ces myriades d’abeilles domestiques et sauvages qui préfèrent mille fois le vent du Sud aux bises du Nord-Est. C’est bien connu chez nous en Ardenne : tout ce qui vient de l’Est amène des misères, que ce soient les vents, les guerres, les virus ou toutes sortes d’ennuis…

Pourtant, le vent du Nord-Est persiste et signe depuis des semaines, et laisse présager une nouvelle année de grande soif. Les semis de céréales de printemps, réalisés début mars, ne respirent pas la grande forme. Les plantules sont riquiqui, pâlichonnes et couvertes de cette poussière jaunâtre de pollen qu’aucune pluie -ou si peu que peu !- ne vient laver. Sans doute également, n’ont-elles pas reçu d’engrais azoté en suffisance ? De leur côté, les céréales d’hiver affichent une bien meilleure santé, ainsi que les prairies permanentes et temporaires. Les trèfles et les ray-grass ont bien profité des quelques rares jours de grand soleil, pour faire fonctionner à plein leurs chloroplastes et « manger » de la lumière pour s’en nourrir. Ceci dit, il suffirait de quelques jours de pluie pour relancer la machine et mettre tout le monde d’accord, pour que la nature explose dans tous les sens, façon missiles russes à Marioupol dans un registre inversé.

Les tournesols fleuriront-ils là-bas cet été ? En Ukraine, ce ne doit pas être très drôle d’ensemencer des terres survolées par des drones de combat ou des Mig 29, au risque de se prendre une roquette perdue, de rouler sur une mine ou un engin explosif ! Où trouvent-ils le courage ? Les agriculteurs ukrainiens n’ont rien à envier aux paysans français de l’été 1944, qui fauchaient leurs foins quand la bataille des bocages faisait rage autour d’eux en Normandie, aux fermières ardennaises en janvier 1945, qui trayaient leurs vaches dans des étables infestées de soldats allemands ou américains. En ces mois de mars et d’avril 2022, les fleurs aux alentours de Kiev, Kharkiv, Odessa…, couvrent surtout des milliers de tombes et des dizaines de fosses communes. Regrets éternels et compassion ; massacres et destructions…

Dites-le avec des fleurs : je t’aimais et je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie… Deuil, tristesse, joie, affection, amour, amitié : le langage des fleurs est universel, et leur puissance évocatrice exerce sur nous une fascination irrépressible, réjouissante autant qu’apaisante. Leurs couleurs vives, leurs parfums, leurs formes et entrelacs végétaux, diffusent quelque part dans notre cerveau des messages subliminaux qu’il nous est impossible d’ignorer. C’est ainsi ! Brins de muguet ce premier mai, roses à la Saint-Valentin, chrysanthèmes à la Toussaint, coquelicots sur les champs de batailles… Les fleurs aussi se portent parfois au bout des fusils. Fleurs-symboles et fleurs de paix ; fleurs des prés et des moissons ; genêts et pissenlits ; pâquerettes et nielles des blés…

Et ce dimanche surtout, nous fêterons les Mamans, plus belles fleurs de nos vies, en leur offrant -c’est certain !- nos plus beaux bouquets d’amour !

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